n°146 - juillet / août 2017

Le glyphosate, exemple type d’un manque de transparence

Par Eric MEUNIER

Publié le 18/10/2017

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Les herbicides à base de glyphosate sont-ils cancérigènes pour les animaux et l’être humain ? Selon les comités d’experts mobilisés, la réponse diffère. Mais un constat s’impose : il n’est pas possible de connaître le nom des personnes ayant étudié le dossier au nom de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Aesa), les études fournies par les industriels sont maintenues confidentielles tant que possible et… finalement fournies dans un format inexploitable !

Le glyphosate est un principe actif de plusieurs herbicides. En attente de renouvellement d’autorisation dans l’Union européenne depuis 2012, les problèmes d’accès aux données concernant cette molécule se multiplient. Et si la justice étasunienne est intervenue en mai 2017 pour rendre publiques des données détenues par le ministère de l’Environnement de ce pays, l’Union européenne n’est pas en reste…

L’Aesa analyse les études non publiées des industriels

Ce dossier du glyphosate est emblématique, notamment pour ce qui concerne l’accès aux données complètes. Car une controverse scientifique est apparue lors de la réévaluation des risques liés au glyphosate. Si pour les experts européens de l’Aesa, « le glyphosate ne présente pas de risques carcinogéniques pour les humains », le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) considère que le glyphosate, tel que commercialisé, est un cancérigène probable. Cette différence d’avis scientifique s’expliquerait par trois études scientifiques « clefs » et « majeures » selon José Tarazona, président du groupe pesticides de l’Aesa. Études dont l’Aesa dispose mais pas le Circ. Car, comme le rapportait l’Observatoire Européen des Entreprises (CEO), ces trois études ont été mises en œuvre et payées par les industries, et fournies dans le dossier de demande de ré-autorisation. Mais, non publiques, le Circ n’y avait pas accès. Question donc sur la transparence : quel accès aux données des entreprises pour que des chercheurs puissent effectuer un travail de contre-expertise ?

Saisir la justice plutôt que ressaisir les données !

Fin 2015, CEO demandait à recevoir ces trois études. L’Aesa a d’abord refusé, estimant qu’une telle communication aurait violé le secret commercial. Mais une mobilisation des députés verts européens et de CEO a finalement permis que les études soient envoyées à CEO fin 2016. Une communication historique selon CEO, mais à relativiser : les documents reçus consistent en des centaines de pages, contenant des milliers de chiffres, fournies au format PDF à retaper pour être exploitables ! Avec son lot impondérable d’erreurs de copie… CEO précise que de nombreux passages ont été masqués pour protéger « les investissements économiques des propriétaires » des études. Et dans ces passages masqués se trouvent le résumé ou les conclusions tirées par les auteurs des analyses.

L’Aesa devant la Cour de justice européenne

En 2015, les Amis de la Terre Europe démissionnait d’une plateforme de l’Aesa puisque l’accès à un rapport d’évaluation environnementale du glyphosate leur était refusé. Le dossier n’est pas encore fini : une procédure auprès de la Cour de justice européenne est toujours en cours pour recevoir ces données. Et en juin 2017, quatre eurodéputés Verts/ALE saisissaient la même Cour pour la non divulgation par l’Aesa des études qu’elle a utilisées pour son évaluation du glyphosate. Car parfois, saisir la justice est nécessaire pour obtenir une information détenue par l’autorité publique !

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