La Pologne s’est depuis longtemps montrée hostile aux OGM, notamment à travers sa législation. Ainsi, elle interdit depuis 2006 l’utilisation de 16 variétés de maïs génétiquement modifiées inscrites au catalogue européen [1]. En 2013, elle a interdit la culture des plantes génétiquement modifiées autorisées dans l’Union européenne [2].
Enfin, en 2015, après l’adoption de la directive opt-out [3], le pays a confirmé à nouveau son opposition aux OGM en interdisant la culture de six variétés de maïs génétiquement modifiées sur l’ensemble de son territoire [4].
Mais l’actuel gouvernement semble faire preuve de beaucoup moins d’hostilité à l’égard des OGM puisque son projet de loi du 22 mars 2017, actuellement en discussion au Parlement, autorise la culture d’OGM sur le territoire national…
Un territoire « sans OGM » sous conditions
Le projet de loi laisse peu de doute quant à la position du gouvernement polonais au regard des OGM. En effet, le premier paragraphe de l’article 49a pose le principe selon lequel le territoire polonais est une zone sans OGM. Mais aussitôt ce principe posé, le second paragraphe introduit une dérogation au principe. Il prévoit que la culture d’OGM peut être autorisée dans certaines zones appelées « Zones désignées pour la culture d’OGM ».
Cette dérogation, qui doit être demandée par les communes, peut être accordée à l’issue d’une procédure spécifique et à condition que les communes inscrivent toutes les cultures dans un registre qui doit voir le jour.
Une justification douteuse
Le gouvernement justifie cette modification substantielle à la législation relative aux OGM par l’obligation de créer un registre national de cultures d’OGM, qui découle du droit de l’Union européenne [5]. En 2014, l’État polonais avait en effet été condamné pour manquement aux obligations découlant du droit de l’Union européenne notamment parce qu’il n’avait pas établi de registre public localisant les OGM cultivés à des fins commerciales [6]. À noter que l’Espagne, qui cultive plus de 90 % des plantes génétiquement modifiées en Europe, n’a toujours pas de registre parcellaire. Sur son site, le ministère de l’Agriculture évoque le décret 178/2004 qui institue un registre. Malgré tout, les surfaces continuent d’être « estimées » sur la base de ventes de semences de maïs MON810. Ce décret a permis à l’Espagne d’échapper à un un recours en manquement pour retard dans la transposition de la directive 2001/18.
Or l’obligation d’établir un registre national des parcelles cultivées avec des OGM à des fins commerciales ne suppose pas l’obligation pour un État membre de créer ou de prévoir la création de zones où la culture d’OGM est autorisée. Si cela était le cas, la possibilité pour les États membres d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire, sur le fondement de la directive opt-out par exemple, serait vidée de sa substance. Un argument avancé par les organisations de la société civile auquel le gouvernement n’est semble-t-il pas sensible...
Le 8 février dernier, les députés ont adopté le projet de loi du gouvernement, avec 230 voix en faveur du projet de loi, 198 contre et une abstention. Le projet de loi va désormais être examiné au Sénat.