n°145 - mai / juin 2017

Les élu-e-s face aux OGM

Par Charlotte KRINKE

Publié le 21/06/2017

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En matière d’OGM, la mobilisation des citoyens a précédé celle des élus. Se faisant l’écho des craintes ou revendications exprimées par la société civile, certains élus ont cependant utilisé les moyens à leur disposition pour mettre en avant le sujet des OGM ; mais leur action était elle-même contrainte par le fait que la majorité des décisions relatives aux OGM se prennent au niveau de l’Union européenne.

L’action spécifique des maires en matière d’interdiction des OGM sur le territoire de leur commune a été développée sur notre site [1]. Cet article s’intéresse aux autres actions passées et potentielles des élus régionaux, nationaux et européens sur le dossier des OGM. Les compétences attribuées à la Région, et donc le rôle du conseiller régional, font que les leviers d’action de ce dernier sont très différents de ceux des députés nationaux ou européens. Néanmoins, tous disposent d’instruments permettant aux élu-e-s d’intervenir sur les questions soulevées par les OGM et de provoquer des modifications sociétales ou législatives.

Exprimer des positions politiques

Tant le conseiller régional que l’élu national ou européen peut susciter l’adoption de textes, sans valeur juridiquement contraignante, par son assemblée. Délibérations exprimant un vœu ou résolutions, ces textes permettent d’exprimer une position politique et peuvent servir de moyen de pression sur les instances décisionnelles. Ainsi par exemple, le Conseil régional Rhône-Alpes a adopté en 2014 un vœu pour une agriculture sans OGM. Olivier Keller, alors conseiller régional Europe Écologie – les Verts (EELV) de la Région Rhône-Alpes, se souvient que sur les volets agricoles, il y avait au Conseil régional jusqu’à 100 % de votants et qu’il y avait beaucoup de réserves sur les OGM, y compris au sein de la droite.

Au Parlement européen, les députés peuvent proposer l’adoption de résolutions, par exemple quand la Commission européenne propose d’autoriser un OGM. Juridiquement, le Parlement européen n’est pas associé à la procédure d’autorisation. Mais rien ne l’empêche d’adopter une résolution pour exprimer sa position. Pour Michèle Rivasi, députée européenne EELV, si le Parlement européen a un rôle plutôt consultatif dans la procédure d’autorisation, ses résolutions exprimant son objection à une autorisation d’OGM exercent une pression sur les États et la Commission européenne car il représente les citoyens de tous les États membres et les mouvements citoyens.

Faire évoluer la législation

Les élus nationaux ou européens peuvent poser des questions à leur exécutif. À l’exception des questions orales, qui font ressortir la position de l’exécutif, l’intérêt des questions parlementaires paraît assez limité. Pour Michèle Rivasi, elles permettent de montrer politiquement un problème mais sans pouvoir faire bouger la Commission européenne ni connaître avec certitude sa position. Au Sénat, poser des questions parlementaires ne permet pas plus de changer la loi. C’est ainsi qu’à deux reprises, le sénateur Joël Labbé, membre du groupe écologiste, a posé au gouvernement français une question sur les Variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH). Si le gouvernement devait répondre, les questions n’ont pas permis de susciter un changement législatif. Le droit d’amendement est plus intéressant, car il permet de proposer une modification à un texte proposé par l’autre assemblée (Assemblée nationale ou Sénat) ou par l’exécutif (gouvernement ou Commission européenne). Lors de l’adoption de la loi biodiversité, le sénateur Joël Labbé a ainsi travaillé avec l’association Réseau semences paysannes, notamment pour insérer dans la loi des dispositions pour limiter la brevetabilité du vivant. C’est désormais chose faite. Les amendements que propose un élu ne sont pour autant pas toujours retenus. Par exemple, l’amendement de Joël Labbé sur les VrTH n’a pas été intégré dans le texte de loi définitif.

Les députés européens ont eux aussi un droit d’amendement sur les textes proposés par la Commission. Ainsi, concernant le récent projet de révision des règles de comitologie, Michèle Rivasi nous a confié que le groupe des Verts proposerait un amendement visant à empêcher la Commission de pouvoir autoriser un OGM s’il n’y a pas de majorité qualifiée des États membres. L’exercice du droit d’amendement sur ce texte permet de corriger une procédure (la comitologie) que la députée estime non démocratique.

Pour les élus nationaux, l’un des moyens de mettre en avant le sujet des OGM passe aussi par la proposition de loi. La loi de 2014 sur l’interdiction de mise en culture des variétés de maïs GM était par exemple une proposition des députés.

L’action au niveau régional

Les Régions n’ont pas de responsabilité environnementale et sanitaire. Elles agissent donc indirectement sur le dossier des OGM via des politiques menées dans le cadre de leurs compétences. Certaines ont ainsi créé des mécanismes financiers pour soutenir la filière sans OGM. Olivier Keller explique que la Région Rhône-Alpes a par exemple mis en place un mécanisme de conditionnement des aides à l’agri- culture : l’allocation des aides est subordonnée à l’absence d’utilisation d’OGM dans la culture et l’alimentation animale, l’objectif étant de parvenir à un approvisionnement régional de l’agriculture.

Dans le cadre de sa compétence de gestion des lycées, la Région peut aussi agir sur l’alimentation sans OGM. Oliver Keller raconte que la Région Rhône-Alpes a sensibilisé à l’agriculture biologique dans les lycées, à travers un accompagnement financier pour des repas 100 % bio ou moins. En parallèle, elle a mis en place des formations en matière d’appels d’offres pour les gestionnaires des lycées pour qu’ils s’approvisionnent sur le marché local et bio.

Enfin, les Régions peuvent interdire directement la culture et les essais d’OGM sur une partie de leur territoire via la création d’un parc naturel régional (PNR), dont la charte peut prévoir cette interdiction. La Région Rhône-Alpes était la première à utiliser cette possibilité créée par la loi de 2008, comme le rappelle Olivier Keller qui a contribué à la création de ce PNR. Dans le parc qui couvre deux tiers du territoire de la Région, la culture et les essais d’OGM ne sont pas autorisés.

Face aux problèmes de disséminations transgéniques induites par les cultures et essais d’OGM, les Régions jouent aussi un rôle politique : un réseau des Régions européennes sans OGM s’est créé en 2003 afin de sauvegarder les productions locales et régionales et peser dans le dialogue avec la Commission européenne. Certaines Régions françaises sont en outre membres de l’Association nationale des collectivités sans OGM, qui regroupe également des communes.

La désobéissance civile des (…)

La désobéissance civile des élu-e-s

Une élue s'affiche comme Faucheuse volontaire
Une élue s’affiche comme Faucheuse volontaire
Crédits : Guillaume De Crop

Certains élu-e-s ont marqué leur opposition aux OGM en affichant publiquement leur soutien aux faucheurs volontaires. Brigitte Allain, députée de la Dordogne, était par exemple présente à leur procès qui s’est tenu à Tours en 2012. D’autres ont participé aux actions de fauchage, s’exposant comme les autres citoyens, à des condamnations judiciaires. José Bové, alors député européen EELV, a ainsi participé en 2014 au fauchage d’un champ de maïs transgénique près de Toulouse. Quant à Noël Mamère, député des Verts de Gironde et maire de Bègles, il a vu ses comptes bancaires personnels et celui de son épouse saisis après avoir été condamné, avec d’autres faucheurs volontaires dont José Bové, pour avoir « neutralisé » une parcelle de maïs GM en 2004 à Menville (Haute-Garonne).

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