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Trèbes : Monsanto reporte l’inauguration de son usine

Par Christophe NOISETTE

Publié le 06/01/2017

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Monsanto a reporté de « quelques mois » l’inauguration de sa nouvelle usine à Trèbes (Aude) prévue initialement le 14 décembre 2016, de peur de voir les Faucheurs Volontaires et la Confédération paysanne troubler la fête. Ce projet d’agrandissement de l’usine – laquelle existe depuis 1976 – a fait l’objet d’une contestation citoyenne (procès, occupation, manifestation) depuis plus de dix ans, mais a finalement vu le jour.

Dans un communiqué de presse qu’Inf’OGM s’est procuré, l’entreprise Monsanto indique qu’elle « a été informée de l’organisation d’une manifestation près du site, appelée par la Confédération paysanne et les Faucheurs Volontaires. La sécurité des invités, des collaborateurs et de l’outil de travail étant la première priorité de l’entreprise, et des violences graves étant déjà survenues à Trèbes à l’instigation de ces organisations, Monsanto a fait le choix responsable de reporter l’événement d’ici quelques mois. En effet, Monsanto ne peut prendre aucun risque quand il s’agit de sécurité ». Et d’insister : « L’entreprise (…) déplore cependant le fait de ne pas pouvoir organiser sereinement un événement au sein de ses propres installations sans craindre pour la sécurité des personnes. Monsanto souhaite exprimer sa vive déception face à cette situation, imposée par une minorité, et demande instamment au gouvernement et aux décideurs publics de prendre note du comportement irresponsable et abusif d’un certain nombre d’organisations ».

Inf’OGM a suivi les différentes actions de contestation contre ce projet d’agrandissement et n’a relevé aucune « violence grave ». Les quelques actions directes furent des occupations pacifiques, le reste de la contestation s’est déroulé dans l’enceinte des tribunaux. Ce communiqué de presse fait donc croire à une violence qui n’existe pas, en tout cas du côté des opposants.

Quant au fait de ne « prendre aucun risque quand il s’agit de sécurité », est-ce de l’ironie ? Ne faut-il pas rappeler que Monsanto a été critiquée par les experts européens et français sur son suivi post-commercial de la résistance des pyrales au Bt [1] ? Que le Roundup est classé « cancérigène probable » par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) [2] ? Que les OGM n’ont pas fait l’objet d’évaluation sanitaire satisfaisante [3] ?

Enfin, parler de « minorité » est un bel effet en trompe-l’œil. Les Faucheurs sont une des facettes de l’opposition et la majorité des européens est grandement opposée aux plantes transgéniques et cela depuis que la lumière a été faite sur ces technologies et leurs conséquences notamment socio-économiques et environnementales…

Monsanto précise aussi que « chaque jour, l’entreprise met tout en œuvre pour fournir des semences de qualité qui donneront des récoltes saines, équilibrées, abondantes, à des prix abordables. Elle accompagne les agriculteurs pour une agriculture plus durable : qui utilise moins de ressources et impacte moins l’environnement ».

Les mots ont-ils encore un sens ?

Des récoltes saines ? Difficile à croire quand on sait que l’arrivée de la betterave transgénique Roundup Ready de Monsanto s’est accompagnée d’une augmentation de 5000% du taux de résidu d’herbicide dans les betteraves (passant de 0,2 ppm à 10 ppm).

Des prix abordables ? Vraiment ? Alors que le prix des semences de soja transgénique de Monsanto n’a fait qu’augmenter au cours des 20 dernières années [4] ? Jacques Dandelot, un des Faucheurs présents sur place, nous précise que « le prix des semences transgéniques est tel que leur introduction (souvent à marche forcée) dans une agriculture paysanne crée des déséquilibres souvent « mortels » pour les structures déjà très précaires ».

Moins de ressources ? Là encore, le doute est possible et les faits têtus. Les variétés transgéniques tolérant un herbicide sont responsables d’une augmentation importante des doses d’herbicides aux États-Unis [5]. Or la fabrication d’herbicides consomme beaucoup de pétrole et les herbicides hypothèquent l’avenir des terres agricoles en participant à l’appauvrissement de la micro-faune du sol… Enfin, les OGM n’ont jusqu’à présent pas brillé par des rendements supérieurs à ceux réalisés dans des conditions similaires avec les variétés conventionnelles [6].

Ce communiqué nous apprend aussi que cette extension a nécessité un « investissement réalisé de 87 millions d’euros dans les dernières années ». Monsanto n’hésite pas à surfer sur la vague du chômage en annonçant que « au-delà de l’annonce de l’augmentation des capacités de production de semences, il s’agissait aussi de souligner le rôle socio-économique essentiel de cette activité pour la ville de Trèbes et pour sa région ». De l’aveu de Monsanto elle-même, l’impact semble relativement faible : « la nouvelle unité de production permettra la création de 20 contrats à durée indéterminée, auxquels s’ajouteront plus de 50 postes saisonniers ». Cette usine est en effet très automatisée et la plupart des emplois sont des saisonniers embauchés pour la récolte et le stockage. Mais plus fondamentalement, pour faire baisser le chômage, l’État doit-il soutenir toutes formes d’activité économique, même les plus polluantes ?

Les Faucheurs Volontaires et la Confédération paysanne ont, malgré l’annulation de l’inauguration, maintenu leur manifestation. Une cinquantaine de militants étaient présents dans et devant le site de l’usine Monsanto à partir de 7 heures du matin. Ils ont réussi à déployer des banderoles sur les nouveaux silos. Dans leur communiqué, ces derniers se demandent pourquoi Monsanto a annulé cette inauguration : « La présence des voisins, victimes des pollutions, gênerait-elle Monsanto/Bayer ? La présence des lanceurs d’alertes que sont les Faucheurs Volontaires ferait-elle peur ? La présence de la Confédération paysanne rappellerait-elle trop que les paysans sont les premières victimes de l’entreprise ? La présence des journalistes témoignant de la détermination des opposants à Monsanto/Bayer serait-elle une mise en lumière à censurer ? (…) Ou alors faudrait-il juste voir dans cette annulation que la peur a enfin changé de camp ? ».

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