n°143 - janvier / février 2017Interview / débat contradictoire

Viande clonée sur le marché européen (entretien avec le CIWF*)

Par Inf'ogm

Publié le 03/03/2016

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S’il est difficile d’obtenir un animal génétiquement modifié viable, on peut ensuite le reproduire à l’aide de clones. OGM et clones sont donc deux techniques complémentaires, l’une pour transformer le vivant, l’autre pour le copier à l’identique. Dans les deux cas, les impacts posent problème. Cette interview fait le point sur le clonage.

Inf’OGM – Pourquoi vouloir cloner des animaux ?

CIWF* – Le clonage est principalement utilisé pour fabriquer des copies des animaux qui produisent le plus, telles que les vaches à très forts rendements ou les porcs qui engraissent rapidement. L’objectif est avant tout de perpétuer un modèle d’élevage industriel, basé sur la productivité. Les clones sont principalement utilisés comme animaux de reproduction d’élite et ce sont leurs progénitures qui seront utilisées pour la viande ou le lait.

Quels sont les impacts sanitaires du clonage ?

Les avis de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA / EFSA) montrent que le clonage engendre de graves problèmes de santé et de bien-être tout autant pour les animaux clonés que pour les mères qui les portent : la plupart des fœtus clonés meurent pendant la grossesse ou à la naissance. Seuls 6 % à 15 % des embryons de bovins clonés et environ 6 % des embryons de porcs naissent vivants. Nombre de ces clones meurent précocement en raison de défaillances cardiovasculaires, de difficultés respiratoires et de systèmes immunitaires défaillants. Parmi ceux qui naissent en vie, beaucoup meurent avant le sevrage : jusqu’à 22 % des veaux, 25 % des porcelets et 50 % des agneaux.

L’impact sur les mères porteuses est également très important, d’autant plus que les clones qu’elles portent sont sélectionnés pour leur grande taille ou leur forte productivité, ce qui provoque des problèmes de gestation et des fréquences accrues de naissances difficiles (césarienne), en particulier chez les bovins.

Les évaluations réalisées par l’AESA et la Food and Drug Administration (en charge des questions sanitaires) des États-Unis suggèrent que les produits provenant d’animaux clonés et de leurs descendants ont peu de chance de présenter des risques accrus en matière de sécurité alimentaire par rapport aux produits alimentaires traditionnels. Cependant, les données disponibles sont limitées et d’autres études, notamment à long terme, sont clairement nécessaires pour exclure tout risque potentiel de sécurité alimentaire.

Le clonage a-t-il un impact sur la biodiversité ?

La propagation mondiale d’un petit nombre de races spécialisées a été facilitée par le développement de techniques artificielles de reproduction, en particulier l’insémination artificielle. Certains suggèrent que la technologie de clonage pourrait être utilisée pour reproduire des individus de races animales rares et menacées, ce qui pourrait contribuer à préserver la diversité génétique. Cependant, l’utilisation commerciale du clonage pour reproduire les reproducteurs d’élite est susceptible de contribuer davantage à l’érosion de la diversité génétique (voir article en page 23).

Les animaux clonés sont-ils brevetés ?

Pas à notre connaissance.

Existe-t-il d’autres raisons de s’opposer au clonage ?

S’il était autorisé en Europe, le clonage favoriserait le développement de l’élevage industriel. Or, la FAO souligne que l’élevage industriel joue un rôle important dans l’émergence et la diffusion de maladies. Plutôt que de faire appel à la génétique, favoriser des pratiques d’élevages plus respectueuses des animaux, avec plus d’espace et un accès au plein air serait un meilleur moyen de lutter contre les maladies engendrées par les systèmes d’élevage industriel.

Certains soutiennent que le clonage des animaux aiderait à nourrir la population grandissante. En fait, les animaux à rendement élevé produits par le clonage sont nourris avec des céréales. Ces cultures pourraient nourrir plus de personnes si elles étaient utilisées pour la consommation humaine directe. Le pâturage convertit ce que nous ne pouvons pas consommer, de l’herbe, en viande et en lait.

Enfin, le clonage des animaux d’élevage va à l’encontre de leur respect en tant qu’êtres sensibles.

L’UE autorise-t-elle la commercialisation d’animaux clonés ou de viande issue d’animaux clonés ? 

Aujourd’hui, il n’existe aucune législation européenne sur les animaux clonés en tant que telle, mais sur les denrées qui en sont issues. En décembre 2013, deux propositions de Règlement pour encadrer le clonage des animaux ont provoqué l’opposition du Parlement européen, qui les a considérées trop faibles, car elles ne visent pas à interdire la commercialisation de descendants de clones ni n’en n’exigent l’étiquetage.

Mais, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une législation spécifique, les denrées alimentaires issues d’animaux obtenus par des pratiques de reproduction non traditionnelles relèvent du règlement 2015/2283. Ces produits ne peuvent être mis sur le marché sans une évaluation de leur sécurité ni autorisation, ni étiquetage approprié. En revanche, précisait la Commission européenne en 2010, « les opérateurs et les autorités n’étant aucunement tenus de notifier la production, les échanges ou l’importation de clones ou de leurs sperme et embryons, il est impossible de se forger une image complète de la situation générale ».

À ce jour, aucune denrée alimentaire issue d’un animal cloné n’a fait l’objet d’une demande de mise sur le marché.

Par ailleurs, on peut faire valoir que le clonage est illégal en vertu du paragraphe 20 de l’annexe de la directive 98/58 (sur la protection des animaux en élevage) qui précise que « les procédures de reproduction naturelle ou artificielle qui causent ou sont susceptibles de causer souffrance ou préjudice à l’un des animaux concernés ne doivent pas être pratiquées ». Enfin, le Traité de Lisbonne exige que l’UE et les États membres, lors de la formulation et de la mise en œuvre de leurs politiques agricoles, « prennent pleinement en compte les besoins en matière de bien-être des animaux ». Une fois de plus, CIWF fait valoir que si l’UE n’interdit pas le clonage et l’usage des descendants de clone, elle enfreindra cette obligation du Traité.

Pour CIWF, la loi devrait être clarifiée et interdire spécifiquement l’usage de descendants de clones dans l’élevage européen mais également interdire la vente d’aliments issus de descendants de clones, ou a minima garantir un étiquetage spécifique indiquant qu’ils sont issus de descendants de clones.

Retrouve-t-on des clones dans nos élevages ou de la viande issue de clones dans nos assiettes en Europe ?

Oui, en raison du vide partiel de la législation européenne, nous trouvons des animaux issus de descendants de clones dans nos élevages en Europe mais également des viandes qui en sont issues dans nos assiettes.

La Copa-Cogeca (organisation européenne regroupant les principaux syndicats agricoles dont la FNSEA) estime qu’il y a environ 3 % de semences de clones importées en Europe, mais cela pourrait être bien plus en raison de la difficulté à les tracer dans certains pays (d’origine et de destination) en l’état actuel des systèmes de traçabilité. L’AESA estime qu’en 2007 il y avait environ 100 clones de bovins, et moins de clones de porcs, dans l’UE. Le nombre estimé aux États-Unis est d’environ 570 bovins et 10 clones de porcs. Il existe également des clones en Argentine, Australie, Chine, Japon et Nouvelle-Zélande. Un rapport de Reuters estime qu’il y avait 6000 clones d’animaux de ferme dans le monde en 2009. Cependant, il a été rapporté qu’une grande ferme chinoise vise à produire un million de vaches clonées par an en 2020.

La Commission avance que l’UE devrait interdire le clonage mais permettre aux descendants de clones d’être importés pour servir dans l’élevage et l’alimentation. C’est une position cynique. Interdire le clonage dans l’UE à cause de la souffrance qu’il implique, tout en encourageant en même temps une augmentation du clonage ailleurs serait contraire à l’éthique.

Les autorités françaises et européennes contrôlent-elles l’importation d’ani-maux clonés ?

Il est possible de tracer les semences de clones, mais ce n’est pas une obligation de la règlementation. Concernant les viandes, une fois à l’abattoir, la traçabilité se fait par lot d’animaux (et non par animal) les descendants de clones étant mélangés aux autres animaux dans les pays qui exportent des produits issus de clones en Europe (Brésil). Il est donc techniquement possible de contrôler l’importation d’animaux clonés et surtout de leurs descendants (comme vu plus haut, c’est eux qui seront consommés), mais ce n’est pas aujourd’hui une obligation et il n’y a pas de volonté politique de l’imposer au niveau européen.

L’opinion public et le clonage


L’eurobarometre [1] de 2008 montrait que :

- 69% des personnes interrogées étaient d’accord pour dire que le clonage des animaux risquerait de traiter les animaux comme des produits plutôt que comme des créatures sensibles.

- 61% des citoyens de l’UE pensent que le clonage d’animaux est moralement mauvais

- La majorité (58%) des citoyens de l’UE ne sont pas disposés à accepter le clonage d’animaux pour la production alimentaire.

- Une majorité a déclaré qu’il était peu probable qu’ils achètent de la viande ou du lait à partir d’animaux clonés, même si une source de confiance a déclaré que ces produits étaient sûrs de manger

[1Gallup, 2008. Europeans’ attitudes towards animal cloning. http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_238_en.pdf

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