n°143 - janvier / février 2017

Le rapport au vivant de la culture méso-américaine

Par Inf'ogm

Publié le 15/12/2016

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Álvaro Salgado Ramírez est coordinateur de la section d’agroécologie et territoire du Centre National d’Aide aux Missions Indigènes (CENAMI) et membre fondateur du Réseau de Défense du Maïs (Red en Defensa del Maíz), association qui se consacre depuis 2002, avec des groupes informels d’agriculteurs, à défendre le maïs criollo à travers l’autodétermination et l’autonomie des communautés, des peuples autochtones et des paysans.

Quel rapport entretient la culture méso-américaine au vivant de manière générale ? Comment sont considérées les nouvelles techniques de modification du vivant (transgenèse, mutagénèse etc.) ?

On peut affirmer que la culture mésoaméricaine est une civilisation du maïs. Une culture ne se réduit pas seulement au type de nourriture, de vêtement, d’outillage utilisé : elle se manifeste surtout dans les significations et les représentations que l’on donne à toutes les choses de la vie. Au Mexique, les Zapotèques, les Totonaques, les Nahuas ont des styles vestimentaires différents, des pratiques culturelles et des idiomes distincts. Cependant, la plante maïs a la même signification pour tous. On peut ainsi dire que le maïs constitue un socle culturel commun.

Dans la culture mésoaméricaine, il n’y a pas de distinction entre sacré et profane, tout est sacré : le maïs, la terre, la forêt, les pierres et surtout les relations entre tous les êtres vivants. Les communautés conçoivent la terre comme la matrice de la vie, comme une mère et non comme un territoire matériel à exploiter et à s’approprier. Cette cosmovision définit un type de relation avec la nature et le maïs est le résultat de cette harmonie entre l’homme et la nature. On voit que l’agriculture ne peut y avoir la signification d’expansion territoriale, de domination et de concentration comme c’est le cas dans les pays industriels.

Pour entrer plus précisément dans cette cosmovision complexe, prenons l’exemple du mot ix’im, « le maïs » en maya . Étymologiquement, -ix est un préfixe qui signifie « la femme » et -im « la meule de pierre  » ou « la main du metate » (il s’agit d’un ustensile de pierre pour moudre les grains de maïs cuits : cette farine sera utilisée pour faire la pâte de différents types de galettes comme les tortillas, les tacos…). Les Mayas péninsulaires et les Mayas du Chiapas et du Guatemala définissent aussi ix’im dans les termes suivants : « sein de femme », « savoir allaiter la Terre Mère », « ne pas mordre, ne pas abîmer la terre ». Ces expressions font référence à des usages et à des représentations qui montrent bien le rapport au monde particulier qu’entretiennent les peuples mésoaméricains : il ne faut pas morde la galette avec les incisives mais la rompre avec les mains, de la même façon qu’un nourrisson doit apprendre à ne pas mordre le sein de sa mère, de la même façon que les hommes ne doivent pas ruiner la Terre Mère.

La biodiversité cultivée est donc intimement lié à des significations culturelles précises qui forment une part essentielle des identités culturelles communautaires. Il n’y a de fait pas d’opposition entre nature et culture. On peut ainsi dire que, en Méso-Amérique qui est un des foyers de naissance de l’agriculture, l’homme a créé la biodiversité cultivée et que, depuis, c’est cette biodiversité cultivée qui le recrée perpétuellement comme peuple. La contamination transgénique est donc une atteinte à l’identité de nos peuples. Les possibles conséquences écologiques, économiques et juridiques de la transgenèse désacralisent la vie des communautés et réduisent leur mode de relation avec la nature à des questions de loi, de marché, de biosécurité et de sanctions. Les OGM représentent un type d’agriculture qui ambitionne d’occuper l’ensemble du territoire en déplaçant, accaparant et atrophiant des modes de vie divers et autonomes. Pour ces différentes raisons, les peuples premiers rejettent cette technologie qui rend obsolète leur culture.

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