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OGM – Autorisation du maïs MON87403 : une demande bien « légère »

Par Eric MEUNIER

Publié le 10/11/2016

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Monsanto a déposé une demande d’autorisation d’importation pour un maïs génétiquement modifié pour avoir un meilleur rendement… Ce dossier mérite une attention toute particulière pour trois raisons. Tout d’abord, et de façon tout à fait originale, les données de Monsanto – présentes dans le dossier – montrent que ce maïs n’a pas un meilleur rendement. Ensuite, l’entreprise n’explique pas non plus dans son dossier le mécanisme biologique qui sous-tend ce théorique meilleur rendement, obligeant les experts à faire des suppositions. Enfin, ce dossier ne comporte pas d’analyse nutritionnelle. Retour sur un dossier pour le moins… léger.

En 2015, l’entreprise Monsanto déposait une demande d’autorisation pour le maïs MON87403 génétiquement modifié par transgenèse afin d’avoir « une biomasse des épis plus importante lors d’une phase précoce par rapport au maïs conventionnel contrôle » [1] [2]. Une caractéristique revendiquée qui, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), devrait donc « par voie de conséquence, [augmenter] le rendement en grains à la récolte » [3]. Ce maïs a obtenu le feu vert des autorités canadiennes le 18 novembre 2015 et celui des autorités étasuniennes le 8 décembre de la même année pour la culture et l’alimentation animale et humaine.

On ne connaît pas le mécanisme biologique en jeu

La première surprise du dossier, ou du moins des avis émis par l’Anses d’une part et par le Comité scientifique (CS) du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) d’autre part, est qu’on ne connaît pas le mécanisme biologique en jeu. Si les caractéristiques moléculaires de la protéine transgénique sont détaillées dans le dossier, le mécanisme en jeu ne l’est pas précisément. Le CS du HCB note ainsi que « la protéine tronquée est associée à un phénotype de croissance accrue des épis durant la phase reproductive précoce du maïs, sûrement (sic !) en raison d’un mécanisme » d’interaction entre protéines, la protéine transgénique se liant à une autre protéine, l’empêchant de remplir sa fonction [4]. Des protéines du maïs qui interviendraient peut-être dans la lecture de l’ADN pour fabriquer d’autres protéines selon l’Anses qui indique que « même si le pétitionnaire ne l’indique pas clairement, l’objectif de cette transformation génétique est probablement (sic !) de modifier la régulation de l’expression de certains gènes ».

Monsanto conclut sans données à l’appui

Seconde surprise : le dossier déposé ne contient aucune donnée d’évaluation du paramètre « transgénique ». Les analyses de comparaison ont été faites par Monsanto à partir d’essais en champs menés en 2012 aux États-Unis dans huit lieux différents. À partir de ces essais et des analyses conduites par l’entreprise, Monsanto déclare dans son dossier qu’il « est possible de conclure que […] MON87403 est similaire à sa contre-partie conventionnelle quant à son comportement agronomique et phénotypique sauf pour le caractère de biomasse des épis accrue » [5]. Mais le CS du HCB constate que « le caractère censé être directement affecté par l’expression du transgène […] dans le maïs, à savoir la biomasse de l’épi, n’a pas été évalué » et, l’Anses considère que « l’analyse comparative des caractéristiques agronomiques et phénotypiques a été réalisée sur 13 paramètres, mais pas sur la biomasse des épis à un stade précoce de leur développement, alors qu’il s’agit du caractère revendiqué par le pétitionnaire ».

Le constat paradoxal ne s’arrête pas là. Si l’entreprise n’a pas étudié la biomasse des épis de son maïs transgénique cultivé, elle fournit néanmoins des données de rendement à la récolte. Et là, nouvelle surprise : le rendement n’est pas meilleur ! Le CS du HCB note que « aucune différence de rendement n’a été détectée entre le maïs MON87403 et son comparateur alors que le caractère ciblé par la modification génétique était un rendement plus élevé ». Une constatation qui amène le CS à donner un conseil à Monsanto : « dans un souci d’assurer la qualité de l’évaluation des risques, le CS du HCB estime que l’analyse comparative de ce maïs devrait être réalisée dans des conditions où la différence de rendement attendue serait détectable. Dans ce cadre, le CS du HCB recommande que soient mesurés la biomasse de l’épi et le poids de mille grains en complément aux données de rendement »… De son côté, l’Anses formule que « le rendement à la récolte fait partie des 13 paramètres mesurés. Sur la base de ces données, le maïs MON87403 apparaît équivalent aux variétés commerciales de référence sur le plan agronomique et phénotypique, y compris le rendement ». L’Anses s’étonne donc que Monsanto n’ait pas inclus dans son dossier deux articles scientifiques sur le maïs MON87403, publiés par des chercheurs de Monsanto en 2014, et qui montrent, pour l’un, une biomasse plus élevée dans les épis et, pour l’autre, un rendement à la récolte plus élevé [6]. Une situation qui amène l’Anses à relever « des contradictions entre les données du dossier et celles de la bibliographie » sur la présence effective du caractère revendiqué par Monsanto dans ce maïs…

Et que dit l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA / EFSA) ?

La question est importante. En effet, c’est l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA/EFSA) qui sert à la Commission européenne pour décider de la proposition qu’elle fera aux États membres (autoriser ou refuser la commercialisation de ce maïs). Sur le site Internet de l’AESA, il est indiqué que le dossier est en traitement depuis octobre 2015. En septembre 2016, l’AESA a demandé des informations complémentaires à Monsanto. Mais interrogée par Inf’OGM sur la nature de ces informations complémentaires demandées, l’AESA n’a pas répondu à nos questions.

Une dernière information d’importance : l’absence de données nutritionnelles

Inf’OGM a déjà souligné dans ses articles que les analyses de toxicologie, actuellement obligatoires, pourraient être remises en cause [7]. L’avis de l’Anses nous rappelle que les évaluations nutritionnelles ne sont pas toujours obligatoires [8]. Dans son dossier, Monsanto indique que « le caractère introduit MMO87403 est d’intérêt agronomique et il n’est pas attendu qu’il modifie les aspects nutritionnels de ce maïs […]. Il a été montré que MON87403 a des caractéristiques nutritionnelles comparables à sa contre-partie conventionnelle […et qu’] aucun déséquilibre nutritionnel n’est attendu du fait de la présence de MON87403 dans des lots de maïs ». Donc ? Donc, comme le note l’Anses, « le pétitionnaire n’a pas réalisé d’évaluation nutritionnelle, estimant avoir démontré l’équivalence de composition entre le maïs MON87403 et les variétés commerciales de référence, ce qui est recevable »… Si le règlement européen 503/2013 lu à la lettre permet effectivement de ne pas conduire d’analyses nutritionnelles, cela doit être conclu « sur la base de l’état des connaissances scientifiques ». Dans le cas présent, le mécanisme biologique d’action de la protéine transgénique n’étant pas précisé mais seulement supposé, il paraît compliqué de savoir si des voies métaboliques ont pu être perturbées. Sauf pour Monsanto qui l’assure : la composition du maïs MON87403 est équivalente aux variétés commerciales de référence…

[1Dossier SNIF de Monsanto, page 12

[2Inf’OGM, « Maïs Mon87403 », Inf’OGM, 3 décembre 2018

[3Avis de l’Anses, 22 décembre 2015, page 2, http://www.infogm.org/article5861

[4Avis du Comité scientifique du HCB, 18 décembre 2015, page 7, http://www.infogm.org/article5861

[5Dossier SNIF de Monsanto, page 13

[6« Expression of a truncated ATHB17 protein in maize increases ear weight at silking », Rice E.A. et al. (2014), PLoS ONE, 9 : e94238 et « Comparative analysis of maize (Zea mays) crop performance : natural variation, incremental improvements and economic impacts », Leibman M. et al. (2014), Plant Biotechnology Journal, 12 : 941-950

[8Règlement 503/2013, point 1.6.2, « Lorsque l’analyse comparative révèle des caractéristiques de composition des denrées alimentaires ou aliments pour animaux génétiquement modifiés différentes de celles de leur équivalent non transgénique ou non équivalentes aux caractéristiques des variétés de référence, la pertinence de ces caractéristiques sur le plan nutritionnel doit être évaluée sur la base de l’état des connaissances scientifiques. Si cette évaluation permet de conclure à l’équivalence entre les denrées alimentaires ou aliments pour animaux génétiquement modifiés et leur équivalent non transgénique sur le plan nutritionnel, aucune étude supplémentaire ne doit être réalisée ».

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