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Tu veux ou tu veux pas ? Les tribulations de la ré-autorisation du glyphosate

Par Pauline VERRIERE, Eric MEUNIER, Christophe NOISETTE

Publié le 29/11/2017

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Alors que l’innocuité du glyphosate divise les experts, la question du renouvellement de son autorisation vient d’être tranchée, du moins provisoirement. Le lundi 27 novembre 2017, 18 États membres ont voté en faveur d’un renouvellement de l’autorisation de cette molécule herbicide pour cinq ans. Depuis 2012, la substance, présente dans de nombreux herbicides, était en attente de ce renouvellement, plusieurs fois repoussé suite aux désaccords des États.

Le glyphosate est une molécule herbicide que l’on retrouve dans le Roundup de Monsanto mais également dans de nombreux autres herbicides commercialisés par différentes entreprises.

Comme c’est le cas pour tous les produits phytosanitaires dans l’Union européenne (UE), cette molécule doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché renouvelable tous les dix ans [1].

En 1974, l’entreprise Monsanto obtient un brevet sur le glyphosate, qui expire en 1991. Entre temps, l’entreprise avait obtenu un brevet sur une autre forme du glyphosate (sel d’isopropylamine), invention tombée dans le domaine public en 2000. C’est à partir de cette date que de nombreuses entreprises, dont Syngenta et Dow Agroscience, ont commercialisé des herbicides contenant comme principe actif cette molécule.

En 2002, ce sont 36 entreprises qui ont ainsi demandé l’autorisation de commercialiser l’herbicide. L’autorisation européenne du glyphosate a alors été donnée pour dix ans et son renouvellement devait donc intervenir en 2012.

Cependant, faute d’accord entre les États, ce renouvellement a sans cesse été repoussé. Et la molécule a bénéficié d’une prolongation d’autorisation, d’abord jusqu’au 31 décembre 2015, puis jusqu’au 30 juin 2016. La Commission européenne et les États membres ont en effet considéré que la procédure du renouvellement d’autorisation avait pris du retard pour des raisons propres au fonctionnement de l’UE, non du fait des demandeurs de l’autorisation [2].

En 2016, les négociations autour du renouvellement d’autorisation se sont avérées plus compliquées que prévues.

Face aux positionnements divergents du monde scientifique concernant l’innocuité du glyphosate [3], certains États membres, dont la France et la Suède, ont fait savoir qu’ils n’étaient pas en faveur de ce renouvellement.

La Commission européenne a proposé dans un premier temps un renouvellement pour 15 ans, puis pour 10 ans, espérant ainsi que les États membres adopteraient sa proposition. Mais rien à faire : le glyphosate n’a pas le vent en poupe. Réduisant encore la voilure, la Commission a proposé une nouvelle prolongation valable jusqu’à la fin de l’année 2017 (18 mois), en attendant que l’Agence européenne des produits chimiques [4] se prononce sur le dossier.

18 mois de sursis

Initialement prévu le 8 mars, repoussé au 19 mai, c’est en fait le 6 juin 2016, que le vote du Comité permanent sur les plantes, les animaux, l’alimentation humaine et animale (CP PAFF) [5] sur la proposition de la Commission a eu lieu… Mais aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée en faveur ou en défaveur de la prolongation de l’autorisation [6].

Le 24 juin, deuxième étape de la procédure de comitologie : c’est au comité d’appel de se prononcer. À nouveau, les États membres n’ont pas pris de position pour ou contre le projet [7].

La procédure de comitologie prévoit qu’en l’absence de majorité qualifiée lors des deux votes des États membres, c’est à la Commission européenne de se prononcer.

C’est ensuite le 28 juin 2016 – soit deux jours avant la fin de l’autorisation de la substance litigieuse – que la Commission européenne a tranché : elle prolongeait une nouvelle fois l’autorisation du glyphosate pour 18 mois supplémentaires, donc jusqu’au 31 décembre 2017 [8].

On en reprend pour cinq ans

Le 29 août 2017, le ministère français de la Transition écologique a annoncé que le gouvernement français voterait contre la proposition de la Commission européenne de renouveler pour dix ans la licence du glyphosate.

Un premier vote a eu lieu le 4 octobre 2017. En l’absence de majorité qualifiée, le Comité d’Appel s’est réuni le 27 novembre. Ce jour-là, 18 pays – représentant 65,71 % de la population européenne [9] – ont voté pour un renouvellement de cinq ans du glyphosate. La surprise vient du camp de ceux qui s’étaient abstenus en octobre : l’Allemagne, la Pologne et la Roumanie ont, cette fois-ci, voté pour le renouvellement. La France, qui militait pour un renouvellement de trois ans uniquement, n’a pas été suivie par les pays européens. Mais les positions ambigües, voire contradictoires, des différents ministres n’ont probablement pas aidé cette proposition [10].

« En accordant un sursis supplémentaire à Monsanto, Bayer et compagnie, la Commission européenne balaie le principe de précaution et la santé du revers de la main, de même que la voix des millions de citoyens qui ne veulent plus de l’herbicide le plus controversé de la planète », ont dénoncé dans un communiqué commun Générations Futures, Foodwatch et la Ligue contre le cancer [11].

Précisons également que fin octobre, le Parlement européen avait adopté à une large majorité [12] une résolution qui demandait l’interdiction progressive du ­glyphosate. Par ailleurs, une « Initiative citoyenne européenne » [13] qui demandait son interdiction et des objectifs européens clairs pour une réduction de l’usage des pesticides et une réforme de leur évaluation, avait réussi à réunir plus de 1,3 million de signatures. Enfin, un sondage européen, publié début novembre, annonçait qu’environ 80 % des personnes interrogées souhaitaient que le glyphosate soit interdit.

Interdiction en France d’ici trois ans ?

« J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans #MakeOurPlanetGreatAgain [14] », a écrit Emmanuel Macron, Président de la République.



Globalement, les autres ministres et secrétaires d’État ont aussi précisé sur leurs comptes twitter qu’ils étaient déçus du vote européen.



Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, ne s’est pas exprimé directement. Il a simplement retweeté deux messages de @Public Sénat et de la Chaine Parlementaire (#LCP) qui le mentionnait.

[2Cette prolongation a été prise dans le cadre d’un règlement d’exécution de la Commission européenne, sur proposition de la Commission validée en procédure de comitologie.

[5Le renouvellement d’autorisation du glyphosate est soumis, comme les OGM, à la procédure de comitologie. Le CP PAFF est la première étape de cette procédure, voir : Inf’OGM, « Qu’est-ce que la procédure de comitologie ? Quel rôle dans le dossier OGM ? », Inf’OGM, 28 août 2014

[6Allemagne, France, Italie, Grèce, Autriche, Portugal se sont abstenus. Malte a voté contre.

[7Allemagne, Italie, Belgique, Autriche, Portugal et Lituanie se sont abstenus. La France et Malte ont voté contre.

[918 pays ont voté pour : Allemagne, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède. 9 pays ont voté contre : Autriche, Belgique, Chypre, Croatie, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte. Le Portugal s’est abstenu.

[12355 voix pour, 204 contre et 111 abstentions.

[14Ce hashtag – qu’on peut traduire par « rendre sa grandeur à notre planète – est un détournement du slogan de campagne de Donald Trump, président des États-Unis.

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