n°140 - juillet / août 2016Interview / débat contradictoire

Les paysans bio disent non aux nouveaux OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 22/08/2016, modifié le 09/01/2024

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Pour comprendre les implications du développement des nouveaux OGM pour le monde agricole, Inf’OGM a interviewé un représentant de l’agriculture biologique : Daniel Evain, agriculteur bio dans l’Essonne. Cette filière exclut les OGM transgéniques de ses cahiers des charges. Elle est donc exposée à des risques importants si ces nouveaux OGM ne font pas l’objet d’un étiquetage par exemple.

 

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Inf’OGM – « NBT », qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

Daniel EVAIN – Les « new breeding techniques » sont ainsi appelées à tort car ce ne sont pas des techniques de sélection, comme voudrait le faire croire le terme de « breeding ». Cet abus de langage est volontaire pour ne pas dire que ces plantes sont génétiquement modifiées.

Avez-vous besoin des « nouveaux OGM » ?

L’argument que j’entends le plus souvent pour justifier l’intérêt de ces nouveaux OGM est celui de la rapidité de sélection. Or dans les processus de sélection classique qui prennent huit à dix ans, au lieu de trois ou quatre promis par ces nouveaux OGM, chaque cycle de sélection permet d’affiner au mieux l’amélioration de la variété. Chaque année étant différente, les plantes qui sont soumises à un plus grand nombre de cycles de sélection, sont donc confrontées à plus d’environnements différents. Si la sélection ne dure que trois ou quatre ans, les possibilités d’accumuler des gènes favorables sont bien moindres. En tant que paysan bio, je n’ai pas besoin que la recherche aille plus vite. Je cultive du blé de la variété Renan (inscrite au catalogue des variétés en 1989), du haricot à rame Emerite (inscrit en 1985), et une pomme de terre Charlotte (inscrite en 1981). Bien évidemment, certaines variétés sont plus récentes mais nous n’avons pas besoin d’avoir de nouvelles variétés tous les trois ou quatre ans.
Cette période de trois ou quatre ans correspond au temps nécessaire au paysan pour bien connaître une variété et mieux la cultiver. Il n’est pas dans l’intérêt du paysan de changer rapidement de variétés.

Quelles sont vos craintes liées à ces nouveaux OGM ?

Elles sont de 3 types :
1) La disparition du mode d’agriculture biologique que je pratique. Nous avons déjà dénoncé par le passé l’impossibilité de la coexistence entre cultures transgéniques et les autres formes d’agriculture. Avec ce type de plantes, nous nous retrouverions dans la même situation si elles sont cultivées. Il existe même un risque supplémentaire par rapport aux plantes transgéniques car ces dernières doivent être suivies, identifiées et étiquetées. Or l’industrie demande à ce que ces contraintes ne soient pas imposées à ces nouveaux OGM. Nous, producteurs biologiques – tout comme n’importe quel opérateur d’une filière agro-alimentaire – serons alors dans l’impossibilité de garantir l’absence de ces nouveaux OGM dans nos champs.
2) L’appropriation du vivant par quelques multinationales et les risques que les paysans soient accusés de contrefaçons liés aux brevets. Ces nouvelles techniques permettent de modifier artificiellement des gènes notamment en changeant une base dans la séquence génétique concernée. La nouvelle séquence ainsi obtenue est protégée par un brevet alors qu’elle peut préexister à l’état naturel. Les industriels pourront donc interdire l’accès aux ressources génétiques contenant ces brevets. En l’absence d’informations sur la modification et les brevets présents dans une plante, ce sera au détenteur d’une variété contenant naturellement cette séquence génétique de prouver qu’il n’a pas utilisé la séquence brevetée, ce qui sera très difficile, les paysans n’ayant pas de laboratoire d’analyses dans leur ferme. Ce dernier sera alors accusé de contrefaçon.
3) Et puis il y a les potentiels risques sanitaires et environnementaux liés à ces techniques, du fait notamment des effets non intentionnels ! [1]. Il est donc urgent de décréter un moratoire sur ces techniques avant de les libérer dans l’environnement.

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Qu’est-ce qu’une agriculture moderne ?

Je pense qu’une agriculture moderne est une agriculture qui est définie par le temps présent, par les goûts et les souhaits de nos contemporains. Ainsi, une agriculture moderne est une agriculture réalisée dans des structures à taille humaine, non industrielles où l’usage des produits chimiques doit tendre vers zéro. Une agriculture moderne est aussi une agriculture qui bénéficie des innovations les plus récentes, notamment en machinisme agricole. En matière de sélection, un effort doit être fait en faveur de l’agriculture biologique pour développer des variétés adaptées à ce mode de culture sans pesticides ou engrais chimiques, ce qui n’est pas le cas actuellement (ou trop peu). Les techniques de sélection utilisées doivent être issues de processus biologiques et non du génie génétique dont l’objectif premier est la captation du vivant par l’intermédiaire du brevet. L’agriculture intensive est une agriculture du passé : elle a montré ses limites tant en termes de qualité que de pollution environnementale. Les nouveaux OGM ne sont que le prolongement de cette agriculture du passé.
Propos recueillis par Christophe Noisette

Les BIO et les nouveaux OGM

 

L’antenne européenne de la Fédération internationale des mouvements de la bio (IFOAM) considère que « les nouvelles techniques devraient, sans doute possible, être considérées comme donnant des OGM […] tombant dans le champ d’application de la législation. Il est crucial pour le secteur de la bio que ces nouvelles techniques qui modifient les organismes vivants via des interventions techniques, chimiques ou biotechnologiques sur la cellule ou le noyau soient soumises à une évaluation des risques [et un étiquetage] ».

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