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Monde – Moins d’OGM transgéniques pour bientôt plus de « nouveaux OGM cachés » ?

Par Christophe NOISETTE

Publié le 16/04/2016

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Les surfaces cultivées avec des plantes transgéniques ont diminué légèrement pour la première fois dans le monde passant de 181,5 millions d’hectares en 2014 à 179,7 millions d’hectares en 2015 (soit une baisse de près de 1%). C’est la première fois depuis 1996, date des premiers semis, que les surfaces sont estimées à la baisse par l’Isaaa, un organisme issu des grands semenciers et qui promeut les biotechnologies végétales dans les pays du Sud. L’Isaaa en profite pour encenser les « nouveaux OGM ».

La géographie des plantes génétiquement modifiées (PGM) transgéniques n’a pas évolué : États-Unis, Brésil, Argentine et Canada représentent toujours plus de 80% des cultures mondiales, l’Europe 0,06% [1] et en Afrique, l’enthousiasme s’est refroidi, notamment avec l’abandon annoncé par le Burkina Faso du coton GM [2]

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Aucun changement majeur non plus au niveau des variétés cultivées et des modifications génétiques. On retrouve encore et toujours du soja, du maïs, du coton, du colza qui ont été modifiés pour tolérer des herbicides ou produire un ou plusieurs insecticides.

L’Isaaa, dans son communiqué de presse [3] et son rapport publié tardivement [4] essaie de minimiser cette baisse : elle ne l’évoque qu’au 8e paragraphe, et axe son argumentation sur « l’incroyable » ascension et progression des PGM transgéniques au cours des 20 dernières années.

L’Isaaa explique cette baisse par une baisse globale des surfaces agricoles au niveau international du fait des prix bas pour les cultures de base en 2015. L’Isaaa est confiante : elle « prévoit que la superficie totale des cultures augmentera dès lors que les prix des cultures remonteront  » et souligne que « le Canada a déjà prévu que les surfaces en colza en 2016 retrouveront leur niveau de 2014 ». Cette explication est, selon nos propres informations, légèrement mensongère : aux États-Unis, les surfaces de maïs et de coton transgéniques ont diminué en pourcentage, passant de 93% à 92% pour le maïs et de 96% à 94% pour le coton. De même au Burkina Faso, les surfaces en coton Bt ont diminué drastiquement suite à une décision de la filière dans son ensemble face à des fibres d’une piètre qualité.

L’autre facteur mis en exergue par l’Isaaa est la sécheresse qui a sévi en Afrique du Sud, en 2015, laquelle a conduit à une diminution de 23 % des surfaces transgéniques dans ce pays. Or, les publicités de l’industrie biotechnologique ont toujours affirmé que les plantes transgéniques se comportaient en situation de stress environnemental soit exactement comme des plantes conventionnelles, soit mieux. L’Isaaa en profite donc pour faire la promotion des maïs modifiés pour mieux tolérer le stress hydrique, prévus pour 2017. L’échec d’une plante transgénique ne remet donc pas en cause, à ses yeux, le modèle socio-économique lié à ces cultures mais sert uniquement à vanter de nouvelles innovations. Or, de plus en plus d’acteurs s’accordent sur le fait que la résilience de l’agriculture par rapport au changement climatique ne passera pas par une technologie, mais par une revalorisation des pratiques paysannes, qui utilisent des populations hétérogènes, et donc plus adaptables à leur milieu local…

Les nouveaux OGM en promo !

Loin de prendre en compte une nécessaire remise en cause d’un modèle basé sur les monocultures et les variétés à « haut rendement », l’Isaaa vend dès à présent une nouvelle étape dans l’artificialisation du vivant. L’Isaaa conclut en effet son communiqué en évoquant les nouvelles techniques de modification génétique du vivant, notamment la technologie Crispr/Cas9 en termes élogieux : elle disposerait « d’avantages comparatifs significatifs par rapport aux cultures conventionnelles et aux OGM dans quatre domaines : la précision, la vitesse, le coût et la réglementation ». Concernant le coût et la vitesse, ces avantages n’en sont que pour les industries développant ces produits ; la précision améliorée est loin de faire l’unanimité ; quant à la réglementation, rien n’est encore joué et la société civile au niveau international tente d’éviter que ces nouveaux OGM soient cachés, et considérés comme une technique classique de sélection variétale. L’Isaaa se fait donc le chantre de ces nouveaux OGM et affirme sans aucune référence que «  lorsqu’elle [Crispr/Cas9] est combinée avec d’autres progrès en matière de sélection variétale, Crispr permettrait d’augmenter la productivité des cultures selon une « intensification durable » sur les 1,5 milliard d’hectares de terres arables, et apporter une contribution essentielle à la sécurité alimentaire mondiale ». Les OGM transgéniques ne progressent plus, mais les entreprises semencières ont déjà en tête de continuer à vendre des semences « OGM » brevetées – en espérant ne plus avoir à passer par les fourches caudines de l’évaluation et de l’étiquetage (dans les pays qui l’imposent). L’Isaaa, d’ailleurs, annonce dans son rapport que la première plante issue de ces nouvelles techniques de biotechnologies, le colza SU, a été cultivée pour la première fois en Amérique du Nord.

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