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UE – Nouvelle comitologie : le changement dans la continuité

Par Pauline VERRIERE

Publié le 22/03/2016

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Après cinq ans de fonctionnement, la Commission européenne fait le bilan de la nouvelle procédure de comitologie mise en place depuis 2011. Ce bilan [1] dit officiellement ce que beaucoup constataient déjà : la nouvelle procédure n’a rien changé à la situation existante, malgré les promesses qui ont accompagné cette réforme.

La procédure de comitologie ? Une expression un peu technique, comme les affectionne l’Union européenne, pour désigner une étape dans les procédures d’autorisation de différents produits : OGM, produits phytosanitaires, médicaments…

En pratique, sur la base d’un dossier de demande d’autorisation d’une entreprise, et après évaluation, la Commission européenne soumet une proposition d’autorisation à un comité composé de représentants des États membres. Si ce comité ne parvient pas à prendre une position (il n’atteint pas la majorité requise pour ou contre) ou s’il a voté contre la proposition d’autorisation, la Commission européenne « repart pour un tour ». Elle soumet alors la même proposition d’autorisation à un comité d’appel, lui aussi composé des représentants des États membres. Entre l’ancienne procédure de comitologie et la nouvelle, cette base reste la même [2].

Nouvelle procédure de comitologie - crédits Inf'OGM

La nouvelle comitologie intègre cependant deux nuances. Le comité d’appel remplace désormais le Conseil de l’UE, lorsque le premier comité ne prend pas position. À la place des ministres de l’Agriculture (Conseil de l’UE), ce sont des fonctionnaires représentants de l’État membre qui prennent désormais position au sein du comité d’appel. Mais surtout, la Commission européenne n’est plus tenue, en bout de course, d’adopter l’autorisation qu’elle avait proposée. En effet, lorsque ni le premier comité ni le comité d’appel n’arrivent à se positionner sur une demande d’autorisation, la Commission européenne devait, dans l’ancienne formule de la procédure de comitologie, acter l’autorisation. Désormais, elle a donc le choix de ne pas le faire.

Une vrai révolution ? En fait, non

Mais sans y être tenue, la Commission européenne a continué de valider toutes les autorisations sur lesquelles les États n’arrivaient pas à se prononcer. Entre 2011 et 2014, elle a ainsi approuvé 30 des 31 dossiers [3] pour lesquels aucune majorité ne s’était dégagée des votes en comité d’appel. C’est principalement sur le dossier OGM que les États membres n’arrivent pas à se mettre d’accord.

Malgré cette nouvelle procédure, le dossier OGM reste tendu et la procédure d’autorisation toujours aussi peu fluide. Le rapport souligne que la modification récente du règlement 1829/2003, qui introduit une nouvelle possibilité pour les États d’interdire les OGM sur leur territoire, devrait également permettre de fluidifier cette procédure…

En filigrane de ce rapport, il est intéressant de noter ce que la Commission européenne considère comme une procédure d’autorisation plus fluide. Avec la procédure de comitologie, ancienne ou nouvelle version, tout semble fait pour que la position de la Commission européenne soit adoptée en bout de course. Dans l’hypothèse où les États seraient contre, il reste toujours possible pour la Commission de faire appel, au lieu de s’en tenir à ce refus. Dans le schéma de la procédure de comitologie, la Commission a donc plus de possibilités que sa proposition soit adoptée plutôt que refusée. Puisque la procédure le lui permet, la Commission continue donc à se donner raison.

Le rapport évoque le cas particulier du dossier OGM pour lequel « la Commission ne recourt pas souvent à la possibilité de ne pas adopter l’acte en cas d’absence d’avis. Dans la pratique, la souplesse accordée à la Commission est réduite de manière significative dans les cas liés à l’autorisation de produits ou de substances, comme dans le domaine des denrées alimentaires et des aliments pour animaux génétiquement modifiés, étant donné que la Commission européenne est tenue d’adopter une décision (autorisant ou interdisant la mise sur le marché) dans un délai raisonnable ». Mais est-il vraiment plus long d’autoriser systématiquement que de refuser ?

La Commission regrette également l’absence de prise de position des États sur le dossier OGM au cours de cette procédure. Mais elle pourrait aussi acter l’abandon d’une proposition d’autorisation face au refus ou à l’indétermination des États. Surtout quand cette indétermination est toute relative, comme par exemple dans le cas du vote sur le dossier pour l’autorisation à la culture du maïs TC1507 : 19 pays étaient contre, donc une majorité d’État, mais pas une majorité qualifiée, du fait de la pondération des votes de certains États en fonction du nombre d’habitants [4].

La situation à l’origine de la réforme de la procédure de comitologie reste donc la même. La Commission conclut néanmoins qu’à ce stade elle « n’a décelé aucun problème nécessitant ou justifiant la présentation d’une proposition législative visant à modifier » la procédure. Mais pourquoi donc alors avoir réalisé un tel bilan ?

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