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France – Manipulations du HCB en faveur d’une position pro-industrielle ?

Par Eric MEUNIER, Frédéric PRAT

Publié le 22/02/2016

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Le 4 février 2016, le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) publiait les « notes » de son Comité scientifique (CS) et de son Comité économique, éthique et social (CEES) sur le sujet des nouvelles techniques de modification génétique (NTMG) [1]. L’enjeu : aider le gouvernement français à se positionner sur la classification OGM ou non des produits issus de ces techniques, avant que la Commission européenne ne prenne position. Or, au sein du Comité scientifique, une profonde divergence est apparue, tout juste mentionnée mais non rendue publique. Résultats : Yves Bertheau, directeur de recherche à l’Inra, spécialiste des questions de traçabilité, de coexistence et d’évaluation des risques liés aux OGM, à l’origine de la position divergente, a présenté sa démission. Et sept organisations paysannes et de la société civile du HCB ont déclaré le 22 février qu’elles « boycotteront le Haut Conseil des Biotechnologies tant que la pluralité des avis sur les OGM ne sera pas respectée«  [2].

Après une longue enquête dans les archives des compte-rendus et des procédures du HCB, Inf’OGM vient de publier les dessous de cette affaire. En voici ici le résumé.

Manœuvre caractérisée ou simple « tempête dans un verre d’eau », comme l’affirme la présidente du HCB, Christine Noiville ? Comprenons bien l’enjeu : l’avis scientifique du HCB servira au gouvernement français à définir sa position quant au caractère OGM ou pas des produits issus des NTMG. Or les industriels des semences, qui ne veulent pas rejouer la partition des OGM, font tout pour que ces NTMG ne soient pas soumis à la législation sur les OGM.

Dans son enquête [3], Inf’OGM a traqué les différentes décisions, ordre du jour, notes, dates, compte-rendu, témoignages sur ce sujet. Disons-le tout de go : la ligne de défense du HCB, consistant à dire que cette « note » n’est qu’une première étape avant de publier un avis final ne nous paraît pas recevable. Notamment car cet avis final arrivera trop tard : il est en effet attendu pour juillet, soit après la prise de position de la Commission européenne annoncée pour avril, qui risque de figer pour de longues années le fait que les produits des NTMG ne sont pas à considérer comme étant soumis à la législation sur les OGM… donc pas à évaluer ni à étiqueter comme tels.

Entourloupe ? Les principaux résultats de notre enquête révèlent ce que l’on pourra appeler a minima des « dysfonctionnements » quant au travail du Comité scientifique sur les NTMG, l’unanimité apparente de ses conclusions, et au final, en réponse à la démission du scientifique, une tentative de justification du HCB pour le moins maladroite.

En octobre 2013, le bureau du HCB acte la mise en place d’un groupe de travail sur les nouvelles technologies. Un groupe de travail qui a eu pour objectif, en 2015, de fournir des fiches sur les nouvelles techniques destinée à la mission « Agriculture et innovation 2025 » [4]. Dans la foulée, ces fiches serviront de base à une note… qui, au dernier moment, deviendra la « première étape » d’un « avis ». Le distinguo « note » ou « avis » a son importance, car dans le cas des avis, le règlement intérieur du HCB stipule que toute opinion divergente doit être prise en compte et publiée, qui plus est de façon anonyme. Or ici, la seule opinion divergente n’est pas rendue publique, car selon le HCB, il s’agit d’un avis en cours de construction…

L’enquête d’Inf’OGM montre aussi, entre autres, que l’urgence de travail évoquée est pour le moins relative, que les membres du CS ont reçu tardivement les documents de travail et que le calendrier de travail du HCB, revendiqué en deux étapes, est assez flou.

Résultat : le gouvernement dispose aujourd’hui officiellement d’une première « note » l’incitant à déclarer beaucoup de produits issus des NTMG comme non soumis à la loi sur les OGM. Et Yves Bertheau a démissionné. Le gouvernement saura-t-il « tirer les oreilles » du HCB pour obtenir au final un avis équilibré sur un sujet aussi important ?

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