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Taïwan interdit les OGM dans les écoles

Par Pauline VERRIERE

Publié le 20/01/2016

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Pour faire face à plusieurs scandales sanitaires retentissants, le gouvernement taïwanais entreprend depuis quelques années de modifier sa réglementation en matière de sécurité alimentaire. Les OGM sont au menu de ces nombreuses réformes sur l’étiquetage et les cantines scolaires.

Le 14 décembre 2015, Taïwan a décidé de bannir les produits étiquetés comme contenant des OGM de l’ensemble des cantines scolaires (primaire, collèges et lycées). Une mesure qui doit être mise en œuvre dès le début du prochain semestre scolaire, en février 2016. Cette interdiction s’inscrit dans un contexte plus général de réflexion autour de la sécurité alimentaire. Depuis 2011, plusieurs scandales alimentaires ont en effet conduit les autorités taïwanaises à se pencher sur cette question et à renforcer la réglementation en la matière [1]. Au cœur de ces préoccupations, les OGM sont concernés par plusieurs réformes.

Pas d’OGM pour les écoliers taïwanais

Dès février 2016, il n’y aura plus, en théorie, d’OGM au menu des élèves taïwanais. Cette mesure [2] concerne toutes les matières premières génétiquement modifiées (« genetically modified raw material ») et les ingrédients frais [3]. Il s’agit ici d’interdire les produits qui sont étiquetés comme contenant des OGM (dont le seuil d’étiquetage est fixé à Taïwan à partir de 3%). Les produits issus d’animaux nourris avec des OGM ne sont pas intégrés dans l’interdiction.

En pratique, ce sont tous les aliments à base de soja (tofu, lait de soja…) qui sont concernés. Des produits qui représentent une part importante de l’alimentation des taïwanais [4].

Le gouvernement justifie cette mesure par les risques sanitaires encourus par les élèves. La présence de résidus de pesticides et d’herbicides est régulièrement mise en évidence dans les produits à base de soja GM. En effet, produits, conditionnés et expédiés selon les normes correspondant à l’alimentation animale, ces produits ne devraient pas, selon le ministère de l’agriculture, se retrouver dans l’alimentation humaine, d’où leur interdiction.

Ce changement dans le menu des écoliers devrait s’accompagner d’une augmentation des prix des repas (estimée à 0,15 $US) [5], que le gouvernement taïwanais compte compenser en augmentant son budget annuel de 7 millions de dollars US [6].

Le texte ne prévoit pas de sanction en cas de non respect, mais des lignes directrices doivent être publiées d’ici quelques semaines pour aider au mieux les établissements dans la mise en place de ce changement.

Une production locale à relancer

La loi sur la santé à l’école veut également encourager la production locale non génétiquement modifiée en incitant les cantines scolaires à se fournir en produits locaux. Taïwan est fortement dépendante des importations de produits agricoles. Cette dépendance atteint les quasi 100 % en ce qui concerne le soja. Ses importations proviennent majoritairement des États-Unis et de pays d’Amérique du Sud qui cultivent de nombreux OGM [7]. La réappropriation de cet approvisionnement est donc un enjeu important [8].

Depuis 2013, le Conseil de l’agriculture taïwanais a mis en place une politique d’incitation à l’agriculture locale pour pallier les importations d’OGM [9] à travers un programme de revitalisation des terres en jachères. Il garantit un prix minimum d’achat de leur production aux agriculteurs partenaires du programme. La mise en place de ce programme a permis de relancer en quelques années la production locale de soja et de maïs non génétiquement modifiés. Sensibilisée par les scandales sanitaires qu’a connus Taïwan depuis 2011, la population se tourne plus volontiers vers des produits locaux sans OGM [10]. Jusqu’à présent, aucun OGM n’a été cultivé sur le territoire taïwanais, selon les autorités [11].

Le pays est également plus vigilant vis-à-vis de ses importations : il interdit désormais les importations de saumon GM récemment autorisés aux États-Unis [12] et cherche de nouveaux partenaires pour ses importations non GM. Depuis quelques années déjà, la part de ses importations en matières premières sans OGM augmentent régulièrement.

Une réforme globale de la réglementation sur les OGM

L’interdiction des OGM dans les cantines scolaires taïwanaises est la dernière réforme en date, mais plusieurs modifications de la réglementation OGM se sont succédé ces dernières années.

Les règles sur l’étiquetage obligatoire des produits alimentaires ont été renforcées [13].

Le seuil d’étiquetage des produits contenant des OGM est ainsi passé de 5 % à 3 %. Il concerne les produits emballés et en vrac, vendus dans les différentes chaînes de distribution ainsi que dans les restaurants. Ce nouveau seuil est en vigueur depuis le 31 décembre 2015. Les produits issus d’animaux nourris aux OGM ne sont pas intégrés dans cet étiquetage.

La réforme énonce une nouvelle répartition des compétences entre plusieurs administrations taïwanaises [14], distinguant désormais celle qui délivrera l’autorisation préalable de mise sur le marché selon que le produit est destiné à l’alimentation humaine (Taiwan’s Food and Drug Administration) ou animale (Council of Agriculture). En janvier 2016, 107 OGM étaient autorisés sur le marché taïwanais (essentiellement maïs, soja et coton) [15].

Amorcé depuis plusieurs années, l’ensemble de ces réformes ne devrait pas être remis en cause par l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité, lors de la récente élection du président et du parlement, mi-janvier.

[2Cette modification a été introduite dans le School Health Act http://edu.law.moe.gov.tw/EngLawContent.aspx?id=162

[3cf. communiqué de presse du ministère de l’Education : http://cpd.moe.gov.tw/health/content.php?cid=448&catalogid=12&subcatalogid=45&page=1

[4L’USDA, département américain à l’agriculture, administration en charge de cette thématique, explique dans une note consacrée à cette réforme quels produits sont concernés. Elle distingue les matières premières (’’primary products’’ en donnant l’exemple de lait de soja et tofu), qui seront donc désormais interdits, et des aliments transformés (’’secondary products’’ en donnant l’exemple d’amidon de maïs) toujours autorisés… cf. http://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20Publications/School%20Health%20Act%20Amendment%20Encouraging%20Non-GE%20Soybean%20Imports%20%20_Taipei_Taiwan_12-18-2015.pdf

[5En France, l’introduction de produits bio dans les repas scolaires s’accompagne d’une augmentation de 20%, sur un coût matière inférieur à 2 euros, soit un surcoût de 0,4 euros par repas, contre 0,137 euros dans la situation de Taïwan. http://www.agencebio.org/sites/default/files/upload/documents/4_Chiffres/RestauCo/observatoire_restaurationbio_2015.pdf

[7Source étude de l’USDA

[10La réglementation taïwanaise autorise un étiquetage ’’sans OGM’’ lorsqu’il existe, pour les ingrédients concernés, un équivalent GM autorisé à la culture ou pour l’alimentation, http://www.sgs.com/en/Our-Company/News-and-Media-Center/News-and-Press-Releases/2015/08/SafeGuardS-14215-Taiwan-FDA-Labeling-Requirements-for-GMO-foods.aspx

[13En février 2014, la loi sur la sécurité alimentaire et l’hygiène https://consumer.fda.gov.tw/Law/Detail.aspx?nodeID=518&lang=1&lawid=292 et la loi sur le contrôle de l’alimentation animale ont été modifiées http://eng.coa.gov.tw/content_view.php?catid=8996&hot_new=8869

[15Moteur de recherche des autorisations à Taïwan : https://consumer.fda.gov.tw/Food/GmoInfoEn.aspx?nodeID=300#

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