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Philippines – La Cour suprême suspend toutes les autorisations d’OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 04/01/2016

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Le 8 décembre 2015, la Cour suprême des Philippines a ordonné un moratoire permanent sur les essais en champs d’aubergine transgénique prenant acte d’une absence de consensus sur les impacts environnementaux de cette plante génétiquement modifiée (PGM) et considérant que le ministère de l’Agriculture n’avait pas mis en place les mécanismes nécessaires pour se conformer aux protocoles de biosécurité internationaux. Elle a aussi ordonné la suspension temporaire de toutes les autorisations actuelles pour « de l’usage confiné, de l’importation, de la commercialisation ou de la multiplication d’OGM, que ce soit au niveau expérimental ou commercial ».

Le 8 décembre 2015, la Cour suprême des Philippines a adopté une décision importante pour le dossier « OGM ». Suite à un procès initié par deux organisations de la société civile (Greenpeace Asie du Sud-Est et le mouvement paysan MASIPAG) et plusieurs personnalités, la Cour suprême a ordonné un moratoire permanent sur les essais en champs d’aubergine transgénique prenant acte d’une absence de consensus sur les impacts environnementaux de cette plante génétiquement modifiée (PGM) et considérant que le ministère de l’Agriculture n’avait pas mis en place les mécanismes nécessaires pour se conformer aux protocoles de biosécurité internationaux. La Cour suprême a aussi déclaré nulle et non avenue la décision du ministère de l’Agriculture (ordonnance administrative 08, année 2002), ce qui n’était pas prévu par le jugement de la Cour d’appel de 2013. Pour la Cour, les essais en champs autorisés selon cette ordonnance ne répondent pas aux exigences minimales de sécurité définies par le décret exécutif n°514 qui établit le Cadre national de biosécurité (CNB). Ainsi, elle a ordonné la suspension temporaire de toutes les autorisations actuelles pour « de l’usage confiné, de l’importation, de la commercialisation ou de la multiplication d’OGM, que ce soit au niveau expérimental ou commercial (…) jusqu’à ce qu’une nouvelle ordonnance administrative soit promulguée en conformité avec la loi  ».

Cette décision vient en fait confirmer le jugement de la Cour d’appel, prononcé le 26 septembre 2013 [1] [2]. La Cour suprême a d’ailleurs pris soin de réaffirmer que la Cour d’appel (jugement de mai 2013) avait ordonné au gouvernement à la fois de préparer immédiatement un plan d’action pour la réhabilitation des parcelles ayant été utilisées pour les essais en champs, afin de protéger l’environnement ; mais aussi de proposer des recommandations pour réformer le processus réglementaire actuel.

Les Philippines ont été parmi les premiers pays à avoir expérimenté, en champs, le fameux riz transgénique doré (golden rice). Mais ces essais n’ont toujours pas abouti à un cultivar satisfaisant. L’Institut International pour la recherche sur le riz (International Rice Research Institute – IRRI) précise sur son site internet que « les résultats de la première série d’essais multi-locatifs de riz doré ont montré que le bêta-carotène était produit à un niveau systématiquement haut dans le grain et que la qualité de ce grain était comparable à celle de la variété conventionnelle. Cependant, les rendements des lignées candidates n’étaient pas uniformes en fonction des lieux et des saisons, ce qui a amené la direction de la recherche à évaluer d’autres versions du riz doré, comme le GR2-E ».

Par ailleurs, les Philippines étaient aussi considérés comme ayant une législation particulièrement favorable aux biotechnologies végétales que l’industrie des OGM n’hésitait pas à ériger en modèle et à mettre en exergue au niveau mondial. Et selon le Bureau de l’Industrie des plantes au Philippines, en 2014, 688 218 hectares de maïs transgénique ont été cultivés [3], ce qui plaçait ce pays en douzième position en termes de surfaces en PGM [4]. Ces cultures étaient réalisées alors qu’aucune loi ne régulait la coexistence des filières OGM et non OGM.

Cette décision de justice est donc un formidable coup de pied dans les projets de l’industrie des biotechnologies : c’est la première fois que, dans une affaire qui a trait aux OGM, la Cour suprême s’appuie, pour justifier sa décision, sur le concept juridique philippin du « Writ of Kalikasan », une voie de recours permise par le Droit Constitutionnel qui promet un environnement sain (dans sa Section 16, chapitre II, la Constitution des Philippines dit en effet : « l’État doit protéger et promouvoir le droit des personnes à un environnement sain et équilibré en accord avec le rythme et l’harmonie de la nature »). Et d’après Greenpeace, c’est aussi la première fois qu’une Cour suprême (peu importe le pays) évoque et impose de son propre gré le principe de précaution, lequel permet de prendre des mesures de précaution en l’absence de consensus scientifique sur une question, dans une décision.

Actuellement, selon la base de données officielle [5], douze essais en champs sont en cours. Tous ces essais concernent du riz transgénique, modifié soit pour produire du bêta-carotène (riz doré), soit pour être enrichi en fer, ou encore mieux résister à un stress hydrique (sécheresse). Précédemment, les Philippines ont aussi expérimenté en champs trois autres espèces : une papaye GM, un maïs GM (l’essai a été arrêté à la demande de Pioneer, le pétitionnaire) et un coton GM.

Cette décision pourrait aussi affecter le commerce international puisque, selon le ministère étasunien à l’Agriculture (USDA), « en 2014, les États-Unis ont exporté [aux Philippines] pour 784 millions de dollars de produits génétiquement modifiés » [6]. On se souvient du rejet de cargos étasuniens par la Chine du fait de l’illégalité du chargement (du maïs GM de Syngenta non autorisé en Chine et cultivé aux États-Unis). Cette interdiction des Philippines pourrait alors sonner le glas de certaines exportations étasuniennes vers ce pays s’il venait à contrôler avec rigueur les cargos dans ses ports.

[2Cette même Cour d’appel avait déjà interdit les essais en champs d’aubergine Bt en mai 2013, mais le ministère philippin de l’Environnement avait déposé une motion pour que le cas soit réétudié en juin 2013…

[3En février 2015, six événements de transformation étaient autorisés : production d’un insecticide Bt et tolérance à un ou plusieurs herbicides

[4Notons que la surface OGM a diminué depuis 2012, où elle était de 729 450 hectares, alors que la sole globale de maïs augmentait entre 2013 et 2014 de 1,8%). Ainsi, le maïs OGM représentait 28,4 % de la sole philippine en 2013, contre 26,3 % en 2014

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