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France – Incendie dans un centre de recherche de Monsanto

Par Christophe NOISETTE

Publié le 16/11/2015

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Dans la nuit de mardi à mercredi 28 octobre 2015, un incendie a partiellement endommagé un centre de recherche de Monsanto situé à la Mézière, près de Rennes (Ille-et-Vilaine). D’après le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (CODIS), « le feu a démarré dans la partie administrative et a touché une centaine de m2 », entraînant un chômage technique pour la dizaine d’employés du site. Interrogé par Inf’OGM, la gendarmerie de Montfort-sur-Meu nous a précisé que l’enquête continuait, sans pouvoir en dire plus. Le Parquet n’a pas encore été saisi. Des Faucheurs volontaires, interrogés pour une autre affaire, ont été questionnés sur cet incendie…

Le responsable de ce centre, Jakob Witten [1], a annoncé que « la piste criminelle [était] privilégiée » et qu’il « condamn[ait] fermement cet acte ». Mais pourquoi une déclaration aussi hâtive en l’absence de preuves tangibles ? L’enquête est en cours, ce qui n’a pas empêché ce responsable de déclarer sur France Bleu Bretagne : « Monsanto sert vraiment de bouc émissaire dans un débat truffé de raccourcis abusifs. Aujourd’hui on voit où ça mène, les gens qui sont dans l’ignorance par rapport à notre activité, et notre supposée dangerosité. On a franchi un certain seuil, ce que nous déplorons beaucoup. (…) Ce genre d’acte n’installe pas de climat apaisé dans ce débat qu’on souhaiterait davantage scientifique »…

Mais est-ce « apaiser le débat » que d’accuser d’ « ignorants » ceux qui s’opposent aux OGM, aux herbicides, aux maïs F1, et faire porter le chapeau de cet incendie à l’ensemble d’un vaste mouvement social d’opposition à une technologie controversée ? Rappelons qu’en terme de « raccourcis abusifs », l’entreprise Monsanto sait de quoi elle parle : à plusieurs reprises, des tribunaux ont jugé « mensongères » des publicités de cette entreprise, notamment celles qui affirmaient que son herbicide, le Roundup, est biodégradable [2] [3] [4] [5]… Et si Monsanto dit réclamer un débat scientifique, on sait qu’il est difficile pour des scientifiques indépendants de faire des contre-expertises, notamment car Monsanto refuse de rendre publics, dans un format exploitable, les résultats de ses études de toxicologie. Et pourquoi le Haut conseil sur les biotechnologies (HCB) a-t-il émis des critiques sévères sur le suivi post-commercial mené par l’entreprise [6] ?

Inf’OGM a contacté le responsable du centre, qui, après s’être « renseigné sur notre média », n’a pas voulu nous répondre. Pour une personne qui appelle au débat, cette fin de non recevoir est pour le moins cavalière…

Même son de cloche du côté de l’Union française des Semenciers (UFS) qui, dans un communiqué de presse, souligne : « Cette destruction, si elle s’avère volontaire, s’ajoute à de nombreuses exactions qui vont du fauchage de champs d’essais à des intrusions souvent violentes dans nos établissements. L’accumulation de ces agressions dans un climat de relative complaisance encourage tous les activismes et une escalade dans la violence. Elle est d’autant plus intolérable qu’elle vise une fois encore des activités de recherche et d’innovation » [7]. Même si l’UFS prend soin d’émettre un doute (« si elle s’avère volontaire »), la suite de son communiqué amalgame clairement cet incendie avec les fauchages. Rappelons simplement que les faucheurs, dans l’immense majorité de leurs actions, ont toujours communiqué la liste de tous les intervenants à la gendarmerie. Ce simple fait plaide a minima pour laisser le temps à la police de terminer son enquête avant de poser des conclusions hâtives, voire diffamatoires.

La violence de la privatisation du vivant…

Au-delà de ces spéculations oiseuses, ce communiqué nous questionne par les a priori qu’il sous-tend : l’innovation est-elle « éthique » par elle-même ? Faire de la recherche exonère-t-il d’une réflexion sur le but de cette dernière ? Privatiser les semences, n’est-ce pas un frein à l’innovation paysanne ? Restreindre le droit des agriculteurs de produire et d’échanger des semences, pratique pourtant fondatrice de l’agriculture, ne condamne-t-il pas certains d’entre eux à l’exode rurale ? Des instances comme l’UPOV ou l’OMPI n’édictent-elles pas des lois qui favorisent les monopoles sur les ressources génétiques ? L’UFS, qui ne représente qu’une certaine vision de la sélection variétale, se doit aussi de répondre sérieusement à ces questions que se posent de nombreux citoyens et paysans…

Ce centre de recherche ne travaillait pas, du moins officiellement, sur des semences génétiquement modifiées. Le marché pour ces semences-là, en Europe, est tout à fait limité. Moins de 0,1 % de la sole de maïs européen est cultivée avec du MON810, la seule plante transgénique autorisée à la culture dans l’UE. Ce centre, donc, était spécialisé dans le maïs ensilage. « A La Mézière, nous travaillons depuis 2004 exclusivement sur le maïs destiné à l’ensilage, qui est un aliment très intéressant pour les vaches laitières et d’autres animaux », explique Jakob Witten. « En effet, la sélection des meilleures variétés de maïs pour cet usage se fait sur des critères très spécifiques, qui prennent en compte la valeur alimentaire du produit final, qui est l’ensilage de maïs » [8]. A l’heure de la COP21, Inf’OGM rappelle, notamment, que les vaches nourries avec des rations basées sur du soja et du maïs émettent plus de méthane que des vaches qui sont nourries à l’herbe. Les variétés de maïs dites « modernes » nécessitent de grandes quantités d’eau, d’engrais, etc. [9]. Faut-il continuer à produire du maïs pour nourrir nos élevages hors-sol ? Autant de questions qu’il faudra bien qu’on se pose un jour…

En partenariat avec la Fondation C.Génial, « qui fait la promotion de la culture scientifique et technique auprès des jeunes, en particulier en lançant des ponts entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise » et qui comprend dans son Conseil d’Administration, Camille Otton, d’Areva ou Pierre Gattaz, président du Medef, ce centre de recherche accueille aussi régulièrement des enseignants du secondaire et des chefs d’établissement afin de leur expliquer comment est sélectionné un hybride, présenter « l’année-type d’un technicien de sélection », exposer leurs axes de recherche et l’enjeu global de l’amélioration des semences. Et bien entendu, même si ce centre ne travaille pas sur les OGM, « un temps d’échange [permet] de discuter de l’intérêt des OGM et des biotechnologies agricoles et aussi d’évoquer les opportunités de carrière et de formation qu’offre notre secteur ». Le prochain rendez-vous est fixé au 25 novembre 2015 [10].

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