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OGM : la France a interdit huit maïs génétiquement modifiés à la culture

Par Pauline VERRIERE, Christophe NOISETTE

Publié le 20/01/2016

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L’idée, lancée par la Commission européenne en 2010, a été adoptée formellement en mars 2015 [1] : les États disposent désormais d’une nouvelle procédure pour restreindre ou interdire la culture d’OGM sur leur territoire [2], la balle est donc maintenant dans leur camp. Déposé à la mi-juillet, le projet de loi qui inclut la transposition en droit français de cette directive européenne a été adopté le 2 décembre 2015 [3].

En parallèle à l’élaboration de cette loi, le gouvernement français a enclenché la procédure pour demander à Monsanto, Syngenta et Bayer d’exclure la France de leur demande d’autorisation de maïs transgénique. Huit maïs génétiquement modifiés sont désormais interdits à la culture en France, selon cette nouvelle procédure [4].

Cette loi concerne plusieurs transpositions de textes européens. À côté de la question des OGM, le texte transpose également des éléments en matière de réglementation des produits biocides, d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou encore d’extraction de pétrole et de gaz off-shore.

Pour ce qui est des OGM, la loi modifie le Code de l’environnement et le Code rural. Elle intègre au droit français la nouvelle procédure en deux étapes pour restreindre ou interdire la culture d’OGM. Lors de la procédure d’autorisation, les États peuvent désormais mettre en œuvre une étape de négociation avec l’entreprise, pour lui demander d’exclure tout ou partie de son territoire dans sa demande d’autorisation. Si l’entreprise n’accepte pas ou si l’État a laissé passer cette première phase, une deuxième phase peut alors être mise en œuvre. L’État peut prendre des mesures d’interdiction, mais doit justifier ces dernières sur des arguments autres que ceux de protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement.

La première phase a toujours posé des questions quant à sa réalisation effective. Lorsqu’on parle de négociation, ici entre des États et des entreprises, on peut aisément imaginer que pour obtenir gain de cause, les États devront donner une contrepartie aux entreprises. Et certains d’affirmer qu’en échange de la protection de leur territoire, les États pourraient accepter de voter ensuite positivement à la demande d’autorisation… Une crainte portée par de nombreux acteurs de la société civile travaillant sur le sujet mais qui n’a jamais été confirmée ou infirmée par la Commission européenne.

Or, dans son exposé des motifs pour transposer la directive, le gouvernement français estime qu’en « contrepartie » de cette nouvelle procédure « le processus européen d’autorisation des OGM sera moins paralysé qu’aujourd’hui ». Une façon d’annoncer ces futurs votes positifs si elle décide d’exclure les OGM de son territoire ? En tout cas une position pour le moins schizophrénique : si l’on s’oppose à la culture d’OGM sur son territoire, ne devrait-on pas y être opposé globalement ?

Transposition obligatoire oblige : un texte controversé mais adopté

Les discussions autour de ce texte ont montré à nouveau combien le dossier « OGM » est passionnel. À l’Assemblée nationale, certains députés se sont lancés dans de grandes diatribes, que ce soit pour clamer leur opposition radicale aux OGM ou pour défendre un droit absolu à expérimenter de telles plantes. Mais au final, tous ont exprimé leur insatisfaction de cette réglementation européenne qu’il fallait, pourtant, maintenant transposer en droit national. Une transposition nécessaire sous peine de voir la France à nouveau condamnée pour manquement à ses engagements européens.

Ainsi, à l’instar du député Bertrand Pancher, de l’UDI, nombreux sont ceux qui craignent que «  cette directive (…), en contrepartie, [facilite] l’importation et la mise en culture d’OGM dans l’Union européenne ». Même dans le groupe radical, allié au Parti socialiste, la crainte a été soulignée, notamment par M. Krabal : « cette législation va être la source de contentieux. Elle va faciliter l’importation d’OGM sur notre territoire (…) et, surtout, elle va de nouveau accentuer les distorsions de concurrence et affaiblir nos agriculteurs ». Une question que la société civile n’a pas arrêté de poser pendant les quatre ans qu’ont duré les négociations sur ce texte…

Parmi les griefs les plus exprimés, on retrouve la crainte d’une contamination transfrontière en l’absence de réglementation européenne et française sur la coexistence des filières OGM et non OGM [5], la crainte que ces mesures soient contestées devant des Tribunaux d’arbitrage [6].

Le texte a néanmoins bénéficié de l’appui des députés, la transposition étant de toutes façons nécessaire. Danielle Auroi, députée écologiste invite cependant le gouvernement à « être très vigilant dans l’application de cette loi ». La députée socialiste, Sophie Errante, a demandé à la ministre Ségolène Royal de « [nous] tenir informés au mieux de la mise en action de ces textes de transposition. Nous devrons être très attentifs à ce qu’ils soient bien le reflet de ce que nous votons aujourd’hui : une transposition sans surinterprétation ».

Le projet de texte français, dans les grandes lignes, colle au texte européen. Entre le texte initial proposé par le gouvernement, et celui finalement adopté après être passé entre les mains des députés et sénateurs, il n’y a que quelques changements, principalement de correction ou de clarification. Deux ajouts ont cependant été adoptés : le premier impose au gouvernement de rendre « sous douze mois » un rapport sur les risques de contamination dans les zones transfrontalières, les mesures techniques de coexistence et la responsabilité juridique ; le deuxième concerne les modalités de désignation des membres du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB).

D’autres amendements ont été refusés, car ils sortaient « du cadre de ce projet de loi relatif à la prévention des risques ». Notamment celui concernant l’étiquetage des produits animaux nourris aux OGM (amendement soutenu par les écologistes et l’UDI) peut être vu comme une mesure visant à faciliter la prévention des risques par une information précise sur l’ensemble de la chaîne alimentaire… En tout cas, cette question n’est pas plus hors sujet que la façon de nommer les membres du HCB… Pour la Rapporteuse, l’étiquetage est une compétence européenne, donc elle est défavorable à légiférer sur ce point. La ministre de l’Écologie, elle aussi défavorable à cet amendement, explique que « cet amendement vise à faire étiqueter des produits très différents : les OGM non transformés, les OGM transformés et les animaux nourris avec des OGM. Or cela n’est ni compatible avec le droit européen, ni souhaitable pour la bonne compréhension du dispositif par les consommateurs puisque des dispositions européennes en matière d’étiquetage sont déjà prévues. Elles portent sur les OGM, transformés ou non. Or un animal nourri avec des végétaux OGM n’est pas lui-même génétiquement modifié. Des réflexions sont donc en cours au niveau européen (…) en vue de faire évoluer ces mesures. Il serait donc prématuré de fixer dès maintenant des règles nationales alors que les débats européens ne sont pas achevés ». Pourtant la France a bien mis en place un étiquetage national sur le « sans OGM ».

Pour B. Pancher, il s’agit d’« une disposition en trompe-l’œil, très peu utilisée » ; pour Ségolène Royal, d’une « formule plus souple qu’une démarche obligatoire, et plus positive dans son principe puisqu’elle met en avant la qualité ». Le gouvernement et le Parlement français ont donc décidé de ne pas donner un signal politique fort à Bruxelles ni aux autres États membres, ce qu’ils auraient pu faire en imposant un étiquetage sur l’utilisation réelle des PGM dans l’Union européenne.

Au Sénat, le groupe des écologistes a également essayé de déposer un amendement visant à étendre la procédure d’interdiction aux importations d’aliments génétiquement modifiés pour animaux, mais ce dernier a été rejeté par les votes. Là encore, la non compétence de la France sur cette question dans un contexte international et européen a été souligné lors des débats.

Le public participera… si le dossier est « maigre »

Ce projet de loi précise les modalités d’information et de participation du public, ce qui n’était pas prévu par la directive européenne.

Jusqu’à présent, les français n’étaient appelés à se prononcer que dans le cas d’une demande d’autorisation d’un essai. Avec ce projet de loi, outre les essais, ils auront voix au chapitre sur les décisions d’autorisation, de dissémination et de mise sur le marché, des décisions de réintégrer les espaces exclus d’une autorisation dans le cadre de la phase 1 et les projets de décision de restreindre ou interdire la culture d’OGM dans le cadre de la phase 2.

Cette loi va dans le sens d’une plus grande participation du public au processus décisionnel en matière d’OGM. On peut toutefois regretter que les citoyens ne soient pas associés à la décision d’interdire les cultures dans le cadre de la phase 1 et à celle de réintégrer des territoires après exclusion selon la phase 2.

L’article L. 533-9. – II. du Code de l’environnement donne quelques modalités pratiques sur la diffusion de l’information en matière d’OGM : « Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ou du dossier de demande ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, le public est informé, par voie électronique, de l’objet de la procédure de participation et des lieux et horaires où l’intégralité du projet ou du dossier de demande peut-être consultée ». Les notions de « volumes » ou de « caractéristiques » sont peu précises. Cette formulation vague fait courir le risque que beaucoup de dossiers soient considérés comme ne pouvant pas faire l’objet d’une communication par voie électronique restreignant de fait fortement l’accès du public à l’information. Un amendement avait été porté par des députés et sénateurs écologistes pour clarifier ce point mais n’a pas été retenu. Un avis défavorable de la rapporteur et de la ministre pour qui « les dossiers relatifs aux OGM ne comportent a priori qu’une centaine de pages, ce qui ne devrait pas faire obstacle à leur publication par voie électronique. Il me semble toutefois important de préserver le support papier, notamment pour des dossiers bien précis ». Dommage, la loi est justement très imprécise sur les dossiers qui seraient concernés par cet absence de diffusion électronique…

N’a pas non plus été retenu l’amendement des écologistes qui demandait que « les dossiers de demande [soient] mis à disposition par voie électronique exploitable (…) afin de permettre des recherches par mots-clés ou des copier-coller. Il s’agit d’exclure les scans de centaines de pages de documents papier »…

L’exclusion en phase 1 : jusqu’au 3 octobre 2015

La nouvelle procédure décrite dans la directive 2015/412 pourra s’appliquer à tout nouveau dossier de demande d’autorisation d’un OGM. En ce qui concerne les OGM déjà autorisés à la culture (le maïs MON810) et ceux en cours d’autorisation avant le 2 avril 2015 [7], le texte accorde des mesures transitoires. Les États ont jusqu’au 3 octobre 2015 pour mettre en œuvre la phase 1. Passé ce délai, la phase 2 sera toujours envisageable.

La France [8] et 17 autres pays (ainsi que trois régions de Grande-Bretagne) ont saisi cette nouvelle possibilité pour interdire la culture de plusieurs maïs GM sur leur territoire.

[1Directive 2015/412 modifiant la directive 2001/18 en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés sur leur territoire, , « Directive 2015/442 », Inf’OGM, 11 mars 2015

[3Loi n°2015-1567 du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031556531&dateTexte=&categorieLien=id

[5Danielle Auroi, EELV : « Pas plus que le nuage de Tchernobyl, les OGM ne s’arrêtent aux frontières. Même si la France prenait une mesure d’interdiction d’un OGM autorisé, le risque de contamination accidentelle de nos champs, à partir des cultures d’un État membre, en particulier frontalier, qui ne l’aurait pas interdit, est considérable »

[6Danielle Auroi, EELV : « Ces mesures nationales seront probablement, demain comme aujourd’hui, contestées par les semenciers, en particulier américains. Rien ne dit que la Cour européenne de justice les validera, sans parler de l’OMC ou des tribunaux arbitraux prévus dans le cadre du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le TTIP »

[7Il s’agit des maïs 1507×59122, 1507, 59122, Bt11, GA21, MIR604, Bt11*MIR604*GA21

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