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Comment interdire les cultures d’OGM dans l’UE ?

Par Inf’OGM

Publié le 21/08/2015

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Pour qu’un État membre de l’Union européenne (UE) puisse interdire une plante génétiquement modifiée (PGM) à la culture, encore faut-il qu’il justifie juridiquement cette interdiction par un texte lui conférant cette possibilité. Au sein de l’Union européenne, il existe plusieurs bases juridiques pour justifier d’une interdiction nationale. Chacune d’elle s’inscrit dans un contexte particulier et ne peut être utilisée que sous certaines conditions.

La France, notamment, a fait l’expérience de ces différentes possibilités suite à l’annulation de plusieurs de ses moratoires [1]. Face à ces difficultés, l’Union européenne a adopté en 2015 une nouvelle procédure pour permettre aux États membres d’interdire la culture de PGM. Tour d’horizon des différentes manières d’interdire la culture de PGM en Europe.

La clause de sauvegarde de la Directive 2001/18

La Directive 2001/18 prévoit dans son article 23 la possibilité pour un État de prendre des mesures pour suspendre la mise sur le marché pour tout OGM – « en tant que produit ou élément de produit », c’est-à-dire qu’il soit cultivé ou mis sur le marché comme aliment, semence, nourriture pour animaux… – si ce dernier présente « un risque pour la santé humaine ou l’environnement ».

L’État doit informer la Commission européenne et les autres États membres au plus tard au moment où il adopte ces mesures et motiver sa décision par des arguments scientifiques qui seront expertisés par l’Agence européenne de sécurité sanitaire (AESA). Si l’AESA ne valide pas les arguments (comme c’est le cas systématiquement jusqu’à présent), la Commission européenne soumet une proposition d’annulation de l’interdiction nationale au vote des États membres par le biais de la procédure de comitologie (Qu’est-ce que la procédure de comitologie ? Quel rôle dans le dossier OGM ?).

Actuellement, quatre pays ont adopté un moratoire sur le maïs MON810 en utilisant la clause de sauvegarde. Deux de ces moratoires (Autriche, Hongrie) ont été invalidés par l’AESA, mais sont toujours en vigueur car les autres États membres ont voté pour leur maintien.

Cette mesure ne concerne que les OGM autorisés au titre de la Directive 2001/18. Or, la quasi totalité des OGM est désormais autorisée au titre du règlement 1829/2003. En pratique, l’article 23 de la Directive n’est donc pas utilisable. Le maïs MON810 – la seule PGM autorisée à la culture – a été autorisé selon la directive 90/220, laquelle a été abrogée au profit de la Directive 2001/18… Mais Monsanto a demandé le renouvellement de cette autorisation selon le règlement 1829/2003, rendant alors de facto, impossible, en théorie et à partir de 2008 (date du dépôt du dossier de renouvellement), l’utilisation de la clause de sauvegarde de la Directive. Cependant, l’Allemagne et la Bulgarie ont adopté une telle clause de sauvegarde, respectivement en 2009 et 2010, mais la Commission européenne n’a jamais tenté de les annuler.

La mesure d’urgence du Règlement 1829/2003

Si la PGM a été autorisée selon le Règlement 1829/20032, un État membre peut donc utiliser l’article 34 de ce règlement comme fondement juridique d’une interdiction nationale. Cependant, pour mettre en place une mesure d’urgence, il faut que l’OGM soit « de toute évidence, susceptible de présenter un risque grave pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ». Les notions de « toute évidence » et de « risque grave » font du règlement un texte moins favorable aux interdictions que la directive…

Là encore, l’État membre doit informer la Commission européenne des mesures envisagées de manière au moins concomitante à leur adoption, là encore la Commission européenne peut alors demander à l’AESA d’expertiser les arguments de l’État membre et là encore, si l’AESA ne valide pas, la Commission peut alors demander aux autres États membres de lever l’interdiction nationale via la procédure de comitologie (Qu’est-ce que la procédure de comitologie ? Quel rôle dans le dossier OGM ?).

En revanche, selon cette procédure (détaillée aux articles 53 et 54 du règlement 178/2002), si le risque est avéré, c’est à la Commission européenne d’agir pour écarter ce risque pour l’ensemble du territoire européen.

Ce règlement ne devrait en principe, selon le sens initial du texte, ne concerner que les denrées alimentaires et aliments pour animaux GM. Mais dans la pratique, la Commission européenne a détourné le texte et l’utilise désormais pour l’autorisation d’OGM y compris pour la culture…

Les trois cas de la Directive semence

La directive 2002/533 peut également servir de base à une interdiction nationale. À ce jour, la Pologne et la Grèce ont effectivement utilisé cette directive semence pour l’interdiction de plusieurs variétés de maïs. L’interdiction polonaise concernait 16 variétés et a été validée par la Commission européenne [2]. Une première interdiction grecque concernant 17 variétés a été annulée par la Commission en 2006. La Grèce a alors adopté une nouvelle interdiction, qui concernait cette fois-ci 70 variétés de maïs MON810. A l’heure actuelle, la Commission européenne n’a, semble-t-il, pas encore demandé à ce pays de retirer son interdiction.

Les articles 16.2 et 18 permettent une interdiction :

- si l’OGM nuit sur le plan phytosanitaire à d’autre cultures ;

- si l’OGM n’est pas adapté aux conditions de culture du pays ou si la variété GM n’a pas de résultats comparables avec les variétés non GM ;

- ou s’il y a un risque pour la santé humaine ou environnementale.

La mise en œuvre de ces interdictions nécessite une information préalable de la Commission et est soumise à la procédure de comitologie [3].

Directive 2015/412 : une interdiction consentie par les entreprises ?

Depuis 2015, une nouvelle possibilité [4] est offerte aux États membres pour leur permettre d’interdire les OGM à la culture, en introduisant dans la directive 2001/18 deux étapes supplémentaires à la procédure d’autorisation. Cette nouvelle procédure (cf. schéma explicatif [5]) s’applique pour les OGM autorisés sous la directive 2001/18 ainsi que sous le règlement 1829/2003.

Dans un premier temps, un État « peut exiger » auprès du notifiant (via la Commission européenne) que tout ou partie de son territoire soit exclu de la portée géographique de la future autorisation. À ce stade de la procédure, l’État n’a pas besoin de justifier sa demande auprès du notifiant qui peut l’accepter ou la refuser.

En cas d’accord de l’entreprise, le changement de portée géographique de l’autorisation est admis.

Mais si l’entreprise n’accepte pas, ou si un État se réveille un peu tard, une deuxième phase est prévue, mais alors l’État devra justifier sa mesure. Ces mesures doivent être « motivées, proportionnées et non discriminatoires » et « être fondées sur des motifs sérieux ».

Le texte évoque, dans une liste non limitative, différents arguments invocables : objectif de politique environnementale, aménagement du territoire, affectation des sols, incidences socio-économiques, absence d’OGM dans d’autres produits, objectifs de politique agricole, ordre public… Une chose est sûre : contrairement à la clause de sauvegarde et à la mesure d’urgence, les arguments déjà évalués par l’AESA et concernant les risques environnementaux et sanitaires ne peuvent être invoqués dans cette procédure. Pour cette deuxième phase, pas de délai particulier : l’État peut prendre ce genre de mesure « pendant toute la durée de l’autorisation et à compter de [sa] date d’entrée en vigueur ». En cas de changement d’avis sur l’interdiction de cet OGM, un État peut toujours faire marche arrière et le ré-autoriser sur son territoire.

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