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Producteurs de semences et plants : l’inscription au Gnis est-elle obligatoire ?

Par Frédéric PRAT

Publié le 16/07/2015

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Depuis quelques mois, le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis) incite les producteurs de semences et plants en agriculture biologique à se déclarer en tant que tels chez lui. Le réseau semences paysannes (RSP), alerté par des producteurs inquiets de cette obligation, en a profité pour faire un point précis sur les limites de la réglementation [1].

Garantir la nature et la qualité des semences et plants vendus au consommateur final (professionnel ou amateur) n’est pas toujours évident : s’agit-il bien de la variété annoncée et non d’une autre qui lui ressemble (notion de pureté variétale) ? Est-elle exempte de maladies (notion de qualité sanitaire) ? Va-t-elle germer correctement (notion de qualité technologique) ?

Pour répondre à ces interrogations légitimes de l’acheteur, l’État a mis en place un arsenal législatif parfois complexe à comprendre, notamment pour le vendeur occasionnel de semences et plants. S’il existe en effet quelques dérogations pour le vendeur occasionnel de semences non destinées à une production commerciale (mais le Gnis affirme le contraire, voir encadré ci-dessous), il n’en va pas de même pour la vente de plants, même destinés à une production non commerciale, pourtant de plus en plus demandés sur les marchés, notamment pour les variétés anciennes. Selon le RSP, cet arsenal juridique est détourné de ses objectifs initiaux pour garantir un monopole de l’accès au marché aux seules semences destinées aux monocultures industrielles et en exclure la plupart des semences destinées aux agricultures paysannes ou biologique diversifiées, qu’elles soient traditionnelles ou modernes [2].

Enregistrement et contrôles pour les producteurs de semences et plants : obligatoires ?

Pour pouvoir être commercialisées dans l’Union européenne, les semences des principales espèces cultivées sont soumises à une obligation d’enregistrement de la variété au catalogue et un contrôle de leur qualité mis en place par les pouvoirs publics de chaque État. En France, le ministère de l’Agriculture a délégué cette mission au Service officiel de contrôle et de certification (Soc), qui est un service technique du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis).

D’après le site du Gnis, mais ce n’est qu’une demi-vérité, nous le verrons plus bas, « tous les établissements producteurs et distributeurs de semences et de plants (…) en France doivent obligatoirement être enregistrés au Gnis et sont soumis au contrôle du Soc » [3]. Du coup, et c’est donc l’un de ses rôles, le Gnis traque les producteurs non inscrits, à partir de différentes sources. Récemment, il a utilisé le site de l’Agence Bio afin de contacter les producteurs référencés dans la catégorie « producteurs de semences et plants (pour la vente ) » [4] qui n’étaient pas encore inscrits sur leur liste, afin soit qu’ils s’enregistrent au Gnis ; soit qu’ils contactent l’Agence Bio pour qu’elle les radie de cette catégorie.

Alerté par des producteurs ne sachant quelle conduite tenir, le Réseau semences paysannes (RSP) a produit une « note d’information » [5] clarifiant les obligations de chacun. Avec tout d’abord cette précision à l’adresse des producteurs : « vous n’êtes pas toujours obligés de vous inscrire comme « producteurs de semences et plants (pour la vente ) » auprès de l’Agence Bio ; ou « producteur et opérateur pratiquant la vente de semences et plants » auprès du Gnis lorsque vous déclarez à votre organisme certificateur cette production de semences dans une catégorie différente de celle destinée à la vente « en vue d’une exploitation commerciale de la variété ». Explications de texte.

Les cas de non enregistrement au Gnis

Et la note passe en revue les différents cas de production de semences pour lesquels le RSP estime qu’un enregistrement au Gnis n’est pas obligatoire (nous verrons plus loin qu’il n’en va pas de même pour la production de plants). Nous résumons ici le cadre général, mais de nombreux détails indispensables pour rester dans la légalité sont dans cette note, nous invitons le lecteur à s’y référer.

Premier cas : le producteur produit des semences pour son propre usage. Dès lors, il lui suffit d’indiquer dans le formulaire de l’Agence Bio, partie « autres cultures » : «  auto-production de semences ». N’étant plus répertorié dans la partie « producteur de semences et plants (pour la vente) », le Gnis est satisfait.

Second cas : la production de semences dans le cadre d’un contrat de multiplication avec un semencier. Dans la mesure où c’est le semencier qui vend, le producteur peut, là aussi, sortir de la catégorie «  producteur de semences et plants (pour la vente)  » et indiquer dans « autres cultures  » : « contrat multiplication semences ».

Enfin, pour le producteur qui commercialise des semences, deux cas peuvent se présenter. Soit il s’adresse à tout type de marché, et là, il ne coupera pas à une déclaration en bonne et due forme à l’Agence Bio et au Gnis ; soit il commercialise « en vue d’une exploitation non commerciale des variétés  » dont il vend ou échange [6]les semences (marché exclusivement amateur, échanges destinés à la conservation de populations locales, à la recherche ou à la sélection par exemple). Si la déclaration à l’Agence Bio est obligatoire pour toute production bio commercialisée, celle au Gnis est facultative puisque le producteur ne commercialise aucune semence « en vue d’une exploitation commerciale de la variété ».

Par contre, il en va différemment pour la production de plants, où «  il n’existe aucune dérogation à l’obligation d’enregistrement auprès du Gnis pour la vente »… que ces plants soient destinés à une exploitation commerciale ou non commerciale de la variété (voir encadré ci-dessous). La note d’information du RSP liste au contraire quatre obligations à respecter, dont celle de l’inscription au Gnis. Mais le RSP s’insurge contre cette réglementation et informe qu’il « organisera une réflexion collective avec les maraîchers qui auront fait le choix de la « désobéissance civile », pour faire évoluer la réglementation de façon constructive ».

Pour le Gnis, « il n’y a pas de distinctions entre les producteurs de semences et les producteurs de plants  »

Afin de recueillir sa réaction, nous avons soumis une ébauche de cet article au Gnis. Voici sa réponse.

« Concernant les producteurs de plants et de semences, il n’y a aucune différence de traitement par le Gnis. Les producteurs de plants et de semences sont traités exactement de la même manière. Par ailleurs, la réglementation concernant l’enregistrement des producteurs de semences et de plants est extrêmement claire sur ce point : il n’y a pas de distinctions entre les producteurs de semences et les producteurs de plants (1). Les professionnels de la production de semence et de plants doivent donc être enregistrés au Gnis ».

Alors, distinction ou pas entre producteurs de semences et producteurs de plants ? Suite à cette mise au point du Gnis, le RSP a détaillé pour Inf’OGM les articles de loi distinguant bien ces deux catégories :

Définition de la commercialisation du Décret n°81-605 du 18 mai 1981 pris pour l’application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne le commerce des semences et plants.

« Au sens du présent décret, par commercialisation, on entend la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d’une exploitation commerciale, de semences ou de plants, que ce soit contre rémunération ou non  ».

L’Art. 1-1 du même décret montre bien qu’il s’agit de l’exploitation commerciale de la variété qui passe par la commercialisation des produits (semences, légumes, produits transformés issus de la récolte…) issus des semences échangées et non du statut commercial de celui qui échange : « Ne relèvent pas de la commercialisation les échanges de semences qui ne visent pas une exploitation commerciale de la variété »

Les semences échangées ou vendues en vue d’une utilisation non commerciale de la variété (sélection, recherche, conservation, formation, culture pour l’autoconsommation) ne rentrent donc pas dans le champ d’application de ce décret, pas plus que ceux qui les échangent ou les vendent et ne sont donc pas obligés de s’enregistrer.

Il n’en est par contre pas de même pour les plants, et les producteurs de plants, puisque la définition de la commercialisation du Décret n° 94-510 du 23 juin 1994 relatif à la commercialisation des jeunes plants de légumes et de leurs matériels de multiplication et modifiant le décret n° 81-605 du 18 mai 1981 pris pour l’application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne le commerce des semences et plants (actualisé 8 novembre 2010) ne limite pas son champ d’application aux seuls échanges « en vue d’une exploitation commerciale de la variété » :

« Au sens du présent décret, on entend par commercialisation le maintien à disposition ou en stock, l’exposition ou l’offre à la vente, la vente, la mise à la disposition d’une autre personne sous quelque forme que ce soit ».

Quant aux éventuelles poursuites suite à des contrôles, le Gnis est catégorique : « depuis plus de 50 ans, aucun agriculteur n’a été poursuivi par le Gnis, ou, à notre connaissance, par la répression des fraudes ». Le RSP rappelle cependant que « de très nombreux agriculteurs ont été victimes d’injonctions d’agents du Gnis les menaçant de poursuites s’ils ne s’enregistraient pas auprès de ses services ou s’ils continuaient à échanger ou vendre des semences ou plants n’appartenant pas à des variétés enregistrées au catalogue et/ou sans carte Gnis. Les uns se sont soumis avant poursuites. Pour d’autres, des manifestations et des visites des directions régionales ou nationales de la DGCCRF organisées par le RSP, la Confédération paysanne et parfois la FNAB ont permis de mettre un terme à ces intimidations avant que le Gnis n’entame des poursuites juridiques ».

A noter que la DGCCRF n’a pas reconduit cette année la convention par laquelle elle missionnait les agents du Gnis pour exécuter à sa place les contrôles de la commercialisation des semences. Ce sont désormais les agents de la DGCCRF qui font ces contrôles, les agents du Gnis pouvant éventuellement les accompagner à titre d’expert mais non pour contrôler eux-mêmes. Le Gnis reste cependant chargé du contrôle de la production des semences commerciales.

1, les gras sont de la rédaction

[2Pour un argumentaire étayant cette affirmation, voir par exemple Inf’OGM, « Débat Gnis / RSP : dialogue de sourds sur la sélection variétale », Inf’OGM, 25 février 2015

[5note d’information à destination des producteurs en agriculture biologique : Sollicitations du Gnis pour les producteurs de semences et plants répertoriés à l’Agence Bio, http://www.semencespaysannes.org/fiches_pratiques_sur_la_reglementation_433.php

[6Tout échange, à titre onéreux ou gratuit, est considéré par la législation européenne des semences comme de la commercialisation s’il se fait « en vue d’une exploitation commerciale de la variété »

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