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Fusion Monsanto-Syngenta : moins d’impôts pour plus de pesticides ?

Par Christophe NOISETTE

Publié le 27/05/2015

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Monsanto, acteur important du futur Traité bilatéral de commerce entre les États-Unis et l’UE (TAFTA), annonce vouloir racheter Syngenta et pourrait donc ainsi quitter fiscalement cet espace de libre échange au profit de la Suisse ou de l’Angleterre, plus souples en la matière. Car aujourd’hui, il est possible de payer ses impôts en Suisse, élaborer ses produits dans le Missouri ou à Trèbes (Pyrénées françaises) et influencer les politiques pour mieux vendre ses produits partout dans le monde : le monde entier est l’espace de jeu de ces entreprises. Mais pourquoi Syngenta a-t-elle refusé cette offre ? N’était-elle pas assez alléchante ? Monsanto s’installera-t-elle vraiment en Europe pour alléger sa facture fiscale ? Monsanto veut-elle récupérer le porte-feuille de brevets de Syngenta ? Ou ses pesticides ? Le point sur ce nouveau feuilleton de la guerre de Titans dont le deuxième épisode (juin 2015) se termine sur un nouvel échec de la fusion (cf. encadré).

Monsanto, entreprise symbole mondial des OGM, confirmait dans un communiqué de presse en date du 8 mai [1], avoir fait une offre privée d’achat à Syngenta, une multinationale dont le siège social est à Bâle, en Suisse. Monsanto proposait d’acquérir Syngenta pour 449 FCH (franc suisse) par actions [2], soit un total de 41,8 milliards de FCH (soit 45 millions de dollars – au taux du 21 mai 2015 – ou encore 40,4 milliards d’euros). Monsanto proposait concrètement de racheter les actions 35% plus cher que leur valeur boursière au moment de l’offre.

Et Syngenta, le même jour, confirmait avoir refusé à l’unanimité des membres de son Directoire cette offre qu’elle qualifie de « non souhaitée ». Mais un refus plutôt en forme de « non, mais… ». En effet, dans son communiqué de presse [3], Syngenta met en avant deux arguments : tout d’abord, le risque que cette OPA ne soit pas acceptée par les autorités suisses et étasuniennes de la concurrence qui sont chargées de lutter contre la création de monopoles. Ensuite, et plus fondamentalement, elle insiste sur le fait que « l’offre sous-évalue fondamentalement les perspectives de Syngenta ». Le président du Conseil d’administration de Syngenta, Michel Demaré, cité dans ce communiqué, précise qu’elle est « la première entreprise à avoir introduit des solutions intégrées pour les agriculteurs ». Et si ce même président admet que Syngenta connaît actuellement des difficultés économiques [4], il prend soin de rassurer les investisseurs : tout d’abord, les difficultés ne sont que « momentanées », conjoncturelles et liées « au taux de change et à l’instabilité des prix des produits de base ». D’autre part, note-il, en 2015, l’entreprise aura réussi à économiser 265 millions de dollars, et atteindra un milliard de dollars d’économies en 2018. Nous verrons plus loin que ces économies pèsent surtout sur les épaules des salariés (cf. encadré ci-dessous)… Enfin, il souligne que « les nouveaux produits récemment lancés atteignent une croissance de vente rapide » et que d’autres, « dans les pipelines, notamment en matière de protection des cultures, ont un potentiel de vente de plus de trois milliards de dollars ». Au final, ce communiqué doit être lu comme : « l’offre de Monsanto n’est pas assez généreuse… ». Et dans les couloirs, selon Reuters [5], certains investisseurs importants chez Syngenta estiment que le deal pourrait avoir lieu si Monsanto propose une nouvelle offre supérieure de 10%.

Qui est Syngenta ?


Syngenta est née en 2000 de la fusion des activités chimiques de Novartis (elle-même fusion de Ciba, de Merck et de Sandoz en 1996) et d’AstraZeneca. En 2004, les deux branches du schéma se réunissaient. En effet, Advanta était rachetée en mai 2004 conjointement par Syngenta et Fox Paine [6]. Mais la marque AdvantaSeeds [7] est en France propriété de Limagrain. La nébuleuse des entreprises, via les fusions / acquisitions est délibérément opaque, ce qui arrange bien les responsables. Notons aussi qu’en 2009, Monsanto vendait à Syngenta, sa division « tournesol » [8].

On trouvera, en fin d’article, un schéma sur les fusions récentes (1996 – 2013) entre les différentes entreprises semencières (source : https://msu.edu/~howardp/seedindustry.html).

Syngenta : son arbre généalogique entre 1990 et 2003
Syngenta : son arbre généalogique entre 1990 et 2003
Crédits : Corporate Watch

Au-delà des mots, le refus de Syngenta a eu comme effet immédiat de faire grimper à la Bourse de Zurich ses actions. Ainsi, à l’ouverture de la Bourse de Zurich, le 8 mai, l’action Syngenta a immédiatement bondi de 18%, pour passer à 392,20 francs suisses. Et les jours suivants, l’action a continué de grimper : elle est passée à 399 FCH le 15 mai, et à 422 FCH le 21 mai…

De fait, actuellement, le chiffre d’affaires des deux grands groupes est globalement identique, et se situe autour de 15 milliards de dollars. En revanche, la marge bénéficiaire EBTIDA [9], c’est-à-dire la rentabilité de l’activité de l’entreprise, de Monsanto est d’un tiers supérieure à celle de Syngenta (en 2014, elle était de 4,766 milliards de dollars contre 2,926)… Chez Syngenta, le chiffre d’affaires du groupe est réparti entre la protection des cultures (74,15 %), les semences (21,77 %) et la division « espaces verts et produits professionnels » (5 %). Et les OGM ne participent au chiffre d’affaires de Syngenta qu’à hauteur de 10 % sur les trois dernières années… (environ 40 % de la division « semences »). A noter que Syngenta est surtout présente avec ses semences transgéniques en Argentine, au Brésil, au Canada, aux Philippines et aux États-Unis [10]

Le refus de Syngenta n’a pas effrayé Monsanto. Elle a renouvelé son offre et précisé à la presse que les discussions continuaient entre les deux entreprises. Au cours de l’Assemblée générale ordinaire de Monsanto, le mercredi 19 mai, le Président a souligné qu’avec ce rachat, l’ambition était de « créer une société poursuivant une stratégie véritablement intégrée, à même de redéfinir le futur de l’agriculture ».

Vers une entreprise hégémonique et monopolistique ?

Il existe dans le monde entier des lois « anti-trusts », qui interdisent la création de monopole ou d’oligopole. Ces lois ont été pensées par les pères du capitalisme libéral pour permettre à la « concurrence libre et non faussée » de réguler effectivement, via la loi de l’offre et de la demande, les marchés et en théorie de satisfaire le plus grand nombre de personnes.

Ainsi, comme l’indiquait le directoire de Syngenta, cette fusion / acquisition ne pourrait pas être validée par les autorités anti-monopole tant sur la partie « semence » que « produit chimique ». En effet, Monsanto est le premier semencier mondial (avec 26 % du marché en 2013 selon ETC Group), et Syngenta le troisième (9 % en 2013, selon la même source). Monsanto détient 36 % des variétés de tomates et 49 % des variétés de chou-fleur, et Syngenta, respectivement 26 % et 22 %. Ce ne sont que deux exemples, mais nous pourrions citer de nombreuses autres espèces maraîchères ou de céréales où le constat de prédominance de ces deux entreprises agro-chimiques est tout aussi évident. D’autre part, Syngenta est le premier producteur de pesticides au monde (avec 23,1 % du marché mondial, en 2013, selon ETC Group) et Monsanto est en cinquième position sur ce marché (avec 7,4 % du marché mondial).

Concrètement, le chiffre d’affaires de ce nouveau monstre de l’agrochimie pourrait atteindre les 27,5 milliards d’euros, « avant tout désinvestissement »… et sa capitalisation boursière pourrait atteindre les 100 milliards de dollars (près de 92 milliards d’euros), si on se réfère au prix actuel des actions.

Ainsi, pour calmer les autorités en charge de la concurrence, le Président de Monsanto, Brett Begemann, a annoncé le 20 mai 2015 que Monsanto pourrait envisager la vente des activités de Syngenta dans les semences et les traits (c’est-à-dire les caractères) génétiques… D’ailleurs, cette vente pourrait aussi, par ricochet, précise-t-il, apporter des liquidités qui serviront à solidifier ce nouveau groupe. Syngenta a déjà répondu que cela ne suffirait probablement pas à apaiser les craintes de monopole…

Monsanto négocie donc en parallèle avec d’autres entreprises pour qu’elles rachètent certaines divisions de l’une des deux entreprises. Ainsi, Monsanto s’est rapprochée de BASF pour qu’elle reprenne la division « semence » de Syngenta… Or Monsanto et BASF collaborent depuis plusieurs années : elles ont déjà conclu de nombreux accords de licence, Monsanto développe des sojas et des cotons transgéniques tolérant le dicamba, un herbicide total de BASF [11] [12]. En 2010, leur collaboration s’étendait au blé, qui devenait alors, selon les termes mêmes de Monsanto, « la cinquième plante biotechnologique ajoutée au portefeuille commun de produits en cours de développement » [13]. En 2011, l’USDA autorisait le premier maïs génétiquement modifié pour mieux supporter le stress hydrique, le maïs MON87460, fruit de la collaboration entre Monsanto et BASF [14]

Mais, l’entreprise de Saint Louis se serait aussi rapprochée de China National Chemical Corporation (ChemChina) pour céder les herbicides de Syngenta à base de glyphosate, et de Dow Chemical. Le glyphosate, agent actif du Roundup, n’est plus propriété de Monsanto depuis 2000, année où le brevet est tombé dans le domaine public. Ainsi, d’après le National Pesticide Information Center, plus de 750 produits contenant du glyphosate sont vendus aux États-Unis [15], dont le Touchdown®, un herbicide de Syngenta [16].

Pourquoi une telle OPA ?

Une première rumeur d’OPA avait circulé l’année dernière mais cette offre n’avait alors pas été confirmée par les deux protagonistes. Cependant, cette rumeur coïncidait avec un mouvement « d’inversion fiscale ». En effet, le fisc étasunien permettait à une entreprise dont au moins 20% des parts sont détenues par des étrangers, de payer ses impôts dans un autre pays. Ainsi, les laboratoires Actavis installés dans le New Jersey ont désormais leur siège social en Irlande, Anheuser Bush a fusionné avec le brasseur belge InBev et s’est installé fiscalement en Belgique… Selon le Figaro [17], « au total depuis trente ans, cinquante sociétés américaines, toujours gérées depuis les États-Unis et largement implantées sur ce marché, ont profité d’une acquisition pour avoir recours à une « inversion ». La moitié l’ont fait depuis deux ans ».

Si Monsanto rachète Syngenta, elle pourrait devenir entreprise suisse, c’est-à-dire déclarer son siège social en Suisse… et à ce titre, d’après Piper Jaffray, une banque d’investissement basée dans le Minnesota, Monsanto pourrait gagner (et donc l’État étasunien perdre) près de 500 millions de dollars annuellement en revenu fiscal.

Mais l’administration Obama a déjà commencé à verrouiller ces fusions… En juillet 2014, à Los Angeles [18], le président des États-Unis a affirmé vouloir mettre un terme à la « cueillette de cerises fiscales » [19], et a ouvertement critiqué les entreprises impliquées dans ces fusions à valorisation fiscale, responsables d’un manque à gagner pour les dépenses publiques, pour l’éducation… Il a parlé de « patriotisme économique » et d’ajouter : « peu importe si c’est légal, ce n’est pas bien [20]. D’ailleurs, une des commissions du Congrès des États-Unis avait estimé le manque à gagner à 20 milliards de dollars en dix ans. En septembre 2014, le Trésor étasunien modifiait la règle et imposait qu’au moins 50 % du capital de l’entreprise soit détenu par des investisseurs étrangers pour pouvoir modifier son siège social et donc fiscal. Certains observateurs craignent que malgré des branches plus hautes, la cueillette des cerises reste malgré tout économiquement intéressante… Actuellement, un certain nombre de projets de fusion acquisition sont en instance, comme Pfizer qui voulait racheter AstraZeneca pour 122 milliards de dollars [21]

Monsanto veut l’Europe et plus de pesticides

Cette OPA ne peut pas s’expliquer uniquement par ces « queues de cerise »… L’intérêt de Monsanto est aussi de s’implanter dans des zones géographiques où Syngenta est bien mieux implantée qu’elle, comme en Europe et en Asie, par exemple… Et de partager des brevets mais aussi de bénéficier de la vaste panoplie de produits chimiques de Syngenta…

Monsanto et Syngenta s’affrontent aussi, depuis des années, sur des droits de licences et autres conflits liés à la propriété intellectuelle. Si Monsanto ne veut pas de la division « semences », est-ce que cela implique qu’elle ne louche pas sur l’important portefeuille de brevets ? Syngenta possède en effet quelques brevets sur des séquences génétiques [22], certains sur des technologies de modification génétique comme la technologie Terminator [23] ou sur des méthodes pour sélectionner des cellules génétiquement modifiées ; ainsi que de très nombreux brevets sur des molécules chimiques. Ainsi, à titre d’exemple, Monsanto est actuellement en train de mettre sur le marché un nouveau coton Bt, Bollgard III, avec trois transgènes empilés. Or le dernier des transgènes Bt ajoutés à ce coton appartient à Syngenta. Syngenta s’était implantée aux États-Unis en rachetant Garst Seed et Golden Harvest Seeds, ce qui lui donnait accès à certaines technologies brevetées de Monsanto, dont la licence avait été accordée à ces deux entreprises… Une situation qui déplaisait à Monsanto qui avait donc essayé d’obtenir gain de cause auprès de la justice en 2007, mais en vain [24]. En 2008, Monsanto et Syngenta qui s’affrontaient sur d’autres brevets, ont finalement signé un accord qui autorise les deux parties « à développer et distribuer des produits innovants pour la tolérance aux herbicides et la protection Bt contre les insectes dans le maïs, le coton et le soja afin de fournir des offres concurrentielles aux agriculteurs à travers le monde » [25]. Une fusion Monsanto / Syngenta pourrait permettre de régler définitivement ces litiges.

Mais plus fondamentalement, c’est l’aspect chimie qui titille Monsanto. En effet, malgré des « efforts », les bénéfices de Monsanto sont encore en grande partie liés à la vente de son herbicide Roundup, et ensuite des semences qui tolèrent cet herbicide. Mais les variétés Roundup Ready qui se sont vendues comme des petits pains fin des années 90 / début 2000, sont actuellement sur la sellette, du fait de l’invasion dans les champs étasuniens d’adventices qui ont acquis une tolérance au glyphosate, l’agent actif du Roundup. Et le Roundup est aussi menacé par la récente décision du Centre international contre le cancer (CIRC, agence de l’OMS) de classer cet herbicide parmi les substances potentiellement cancérigènes. Depuis cette annonce, nombreux sont les pays qui se posent la question de son interdiction, à l’instar de la Colombie, ou du Salvador [26] ou encore de l’Union européenne qui doit se pencher sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate avant la fin de l’année.

En rachetant Syngenta, Monsanto accèderait aussi à un large portefeuille d’agrotoxiques (fongicides, insecticides et bien entendu herbicides). Au Brésil, par exemple, la culture du soja, majoritairement transgénique, s’est accompagnée d’une hausse sensible de l’usage des pesticides. D’après l’étude de Meyer et Cederberg [27], l’usage moyen des herbicides est passé de 2,8 kg en 2003 à 4,2 kg en 2008 par hectare de soja (+50%), l’usage moyen des fongicides de 0,32 kg en 2004 à 0,55 kg en 2008, par hectare de soja (+70%). Pour les fongicides, cette augmentation est principalement liée à la lutte contre la rouille asiatique du soja (Phakopsora pachyrhizi) qui s’est installée en Amérique du sud au début des années 2000. Le Brésil a donc l’honneur de devenir le deuxième marché mondial pour ces produits agrochimiques, le tout pour une facture de plus de 8,5 milliards de dollars en 2011…

Ainsi concrètement, Monsanto louche notamment sur Elatus, un fongicide contre la rouille du soja que Syngenta commercialise au Brésil.

Narciso Barison Neto, président de l’association brésilienne des semences et des semis (Abrasem) confirme que l’augmentation des pesticides est en partie liée aux ravages causées par la rouille asiatique du soja [28]. D’autres observateurs considèrent que cette rouille s’est répandue rapidement en Amérique latine [29] du fait de la généralisation de la monoculture du soja et du « non labour » : deux conditions qui favorisent la survie des spores et leur dissémination par le vent… L’Université d’état de Washington et Monsanto ont noté qu’une application de Roundup à un stade précoce du développement du soja réduisait les méfaits de la rouille… mais l’utilisation du Roundup est devenu problématique du fait des très nombreuses adventices qui ont acquis une résistance à ce défoliant… Enfin, le glyphosate, par ailleurs, rend les plantes plus susceptibles à d’autres maladies, comme celle causée par les champignons du genre Fusarium.

La vente de produits chimiques au Brésil rapporte plus que la vente des semences transgéniques, notamment car les entreprises semencières ne récupèrent pas les royalties comme elles le souhaiteraient. On se souvient qu’un juge brésilien avait suspendu, en 2012, la collecte des redevances sur les semences transgéniques de soja [30].

Mais Syngenta est aussi le propriétaire de l’atrazine ou du paraquat, présents dans de très nombreux herbicides… lesquels sont de plus en plus utilisés pour « combattre » les adventices devenues résistantes au Roundup, notamment au Brésil et en Argentine [31]… Monsanto pourrait alors proposer de nouvelles plantes génétiquement modifiées pour résister à plusieurs herbicides sans avoir à négocier des accords de licences. Rappelons que plus de 75% des plantes transgéniques cultivées dans le monde ont été conçues pour tolérer un ou plusieurs herbicides.

Enfin, n’oublions pas que Syngenta est, avec sa « filiale » Oxitec, le leader sur le marché des insectes transgéniques. Après avoir proposé un moustique transgénique contre la dengue, Oxitec a soumis à l’administration étasunienne une demande pour autoriser la dissémination dans l’environnement d’un papillon génétiquement modifié (Plutella xylostella, OX4319), un parasite important des choux, colzas et autres plantes de la famille des Brassicacées. Ce papillon GM serait stérile et devrait en théorie permettre de lutter efficacement contre ce parasite en tentant de l’éliminer progressivement. Ce papillon GM arrive à point nommé… En effet, dans sa version sauvage, il est le premier parasite à avoir développé une résistance à quatre protéines Bt, produites par des plantes transgéniques (PGM)… de Syngenta [32].

Syngenta a également investi dans les nouvelles technologies de modification du vivant, comme la mutagénèse et la cisgénèse. Parmi les nouveaux acteurs investis dans ces biotechnologies, Cibus a une place prédominante. Or, plusieurs responsables – Christopher Richards, Carlo Broos, par exemple – ont travaillé chez Syngenta avant de rejoindre cette entreprise.

Quelles conséquences de ce rachat sur le personnel de Syngenta et de Monsanto ?


Le 7 mai 2015, Syngenta annonçait la suppression de 116 postes de travail. Le syndicat suisse majoritaire à Syngenta, Unia, a aussitôt réagi : «  Lors de l’assemblée des actionnaires du 28 avril Syngenta a annoncé un bénéfice net de 1,49 milliard de francs suisses et a proposé une augmentation du dividende de 10% (…). Malgré les excellents résultats financiers qui s’enchaînent année après année, pour accroître encore davantage sa rentabilité, Syngenta a décidé de stopper la mise en conditionnement et formulation sur le site de Monthey [Suisse] ». Or, en novembre 2014, Syngenta avait déjà annoncé « une restructuration touchant 1 800 personnes dans le monde dont 500 suppressions d’emplois à Bâle », précise le syndicat. En 2014, le directeur général de Syngenta s’était octroyé, toujours selon le syndicat, une augmentation de revenu de 60 %… Concrètement, Mike Mack a gagné 8,2 millions de dollars en 2014, contre 4,9 l’année précédente, bien que son salaire de base, de 1,7 millions de dollars, soit resté stable. Et les rémunérations des neuf membres de la direction ont également augmenté, passant de 18,6 millions de dollars en 2013 à 31 millions, selon un rapport officiel de Syngenta. Mais les suppressions d’emplois sont justifiées par la direction par le besoin vital de Syngenta de réaliser des économies substantielles. Chercher l’erreur !


Fusion Monsanto – Syngenta : un second round dans l’eau


Le 8 juin 2015, Syngenta annonçait, dans un communiqué de presse [33], avoir refusé la seconde offre de rachat faite par Monsanto, considérant que cette proposition « représente le même prix inadéquat, les mêmes engagements réglementaires inadéquats [34], les mêmes risques réglementaires et les mêmes questions associées au double déménagement des sièges sociaux ».

Monsanto propose cependant d’ajouter à son offre deux milliards de dollars d’indemnité de résiliation [35] : il s’agit d’une « assurance » ou d’un « dédommagement » au cas où le rachat n’ait pas lieu, par exemple, si Monsanto finalement n’arrive pas à réunir la somme proposée ou si d’autres entraves, notamment réglementaires, venaient à annuler l’opération financière. Mais Syngenta a considéré aussi ces indemnités en cas d’annulation de la vente par les autorités de régulation comme « inadéquates » car, précise l’entreprise, si la transaction n’a finalement pas lieu, « il y aurait un préjudice important et une perte de valeur pour l’entreprise et ses actionnaires, ce qui nécessite une évaluation minutieuse de tous les risques et une façon claire de conclure l’accord ». Syngenta considère ces indemnités comme étant « maigres » si on se réfère aux frais engendrés par d’autres transactions de cette ampleur.

Officiellement, Syngenta focalise sa réponse sur le fait que Monsanto ne répond pas sérieusement aux craintes liées aux réglementations sur la concurrence : « Les rencontres [entre Monsanto et Syngenta] ont renforcé l’évaluation de Syngenta sur les risques réglementaires et Monsanto n’a fait aucune tentative pour sérieusement répondre à ces préoccupations. Monsanto continue de nier ces risques fondamentaux de la transaction ». Mais Syngenta pense aussi à ses propres deniers et martèle, à nouveau, que les différentes opérations engagées lui permettront d’augmenter considérablement sa marge financière d’ici à 2018…

Quant à Monsanto, cette dernière continue d’affirmer que son intérêt premier n’est pas fiscal… Soulignons cependant que le Parlement britannique a changé, il y a peu, les règles du jeu : en échange d’une taxe de 25% sur les « bénéfices détournés » [36], le Royaume Uni diminuera les taxes sur les profits des entreprises, qui passeront alors à 20%.

Syngenta a aussi rendu publique cette deuxième lettre de Monsanto [37], datée du 6 juin, et signée par le PDG Hugh Grant. Cette lettre précise que Monsanto envisage de créer une nouvelle structure juridique, née de la fusion de Monsanto et de Syngenta dont le siège social serait alors établi au Royaume-Uni. Monsanto souhaiterait aussi que cette nouvelle entité ait « un nouveau nom [qui] reflétera sa nature unique et globale ». De même, Monsanto propose que le nouveau conseil d’Administration (CA) soit composé des membres des CA des deux entreprises… Monsanto envisage que 30 % des actions du nouveau géant agro-chimique soient attribuées aux actionnaires de Syngenta et le reste à ceux de Monsanto. Les actionnaires de Syngenta se verront aussi, toujours selon les termes de la proposition de Monsanto, payés en « cash ».

Monsanto termine sa lettre à Syngenta en soulignant que l’offre initiale a malheureusement « fuité dans la presse » et que « spéculation et incertitude ont potentiellement des effets négatifs sur les employés des deux organisations et sur la valeur » de l’entreprise. Et d’ajouter : « nous avons l’opportunité unique de mener nos entreprises, ensemble, dans une transaction qui serait dans le meilleur intérêt de nos actionnaires respectifs »…

Concentration des entreprises semencières 1996-2013
Concentration des entreprises semencières 1996-2013
Crédits : https://msu.edu/ howardp/seedindustry.html

[292 945 649 actions ont été émises par Syngenta

[4Il pourrait difficilement s’en cacher, étant donné que sur les trois premiers mois de 2015, les ventes ont reculé de 14%, et son bénéfice net de 1 %

[5Jessop, S.,« Major Syngenta shareholders would back Monsanto bid around $50 bln », Reuters, 8 mai 2015, http://www.reuters.com/article/2015/05/08/us-syngenta-m-a-investors-idUSKBN0NT21520150508

[9Earnings Before Taxes, Interest, Depreciation and Amortization

[12Les produits de Monsanto commercialisés sous la marque Xtend tolèrent le glyphosate et le dicamba. Actuellement, Monsanto vend le soja RR2Xtend, et le coton Bollgard II XtendFlex

[17Dugua, P.-Y., « Les États-Unis se mobilisent contre l’exil fiscal des multinationales », Le Figaro, 12 mai 2015, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/05/12/20002-20140512ARTFIG00003-les-etats-unis-se-mobilisent-contre-l-exil-fiscal-des-multinationales.php

[19« cherry-picking the tax rules »

[20« My attitude is I don’t care if it’s legal — it’s wrong »

[21Quelques mois plus tard, Pfizer renonçait à cette fusion : https://www.journaldeleconomie.fr/Pfizer-renonce-finalement-a-sa-fusion-avec-AstraZeneca_a1026.html

[28« Uso de defensivos e intensificado no Brasil », Valor Economico, 30 Juillet 2012, http://www.valor.com.br/empresas/2768478/uso-de-defensivos-e-intensificado-no-brasil

[29Elle est aussi présente depuis 2004 sur le territoire étasunien

[34same inadequate regulatory undertakings to close

[35ou frais de rupture inverse, en anglais reverse breakup fee

[36« L’objectif de la « taxe Google » est de mettre fin aux pratiques des grandes multinationales qui déclarent artificiellement des profits dans des pays à faible imposition, alors que leur chiffre d’affaires est réalisé ailleurs. Les géants de l’Internet – de Google à Amazon – se sont particulièrement illustrés en la matière », in Albert, E., « Le Royaume-Uni met en place une « taxe Google » dès le mois prochain », Le Monde, 18 mars 2015 http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/18/le-royaume-uni-met-en-place-une-taxe-google-des-le-mois-prochain_4596256_3234.html

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