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ETATS-UNIS – Le ministère de l’Environnement propose d’augmenter les surfaces de maïs non OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 06/05/2015

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En janvier 2015, le ministère étasunien de l’Environnement (EPA – Environmental Protection Agency) a soumis à consultation publique une proposition d’encadrement des cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM) résistantes à la chrysomèle du maïs. La motivation de cette proposition ? L’apparition de chrysomèle des racines du maïs résistantes aux protéines insecticides Bt produites par des plantes génétiquement modifiées (PGM) rendant ces cultures caduques.

Les États-Unis cultivent du maïs GM produisant une protéine insecticide Bt principalement dans treize états, mais dans six d’entre eux – Illinois, Iowa, Minnesota, Missouri, Nebraska, Dakota du sud – le taux d’adoption du Bt est supérieur à 80% (en comptant également les PGM empilées) [1].

Ces maïs Bt autorisés commercialement à la culture sont au nombre de cinq (cf. tableau).

Les maïs Bt autorisés commercialement

Plante
Protéine Bt
Entreprise
Année d’autorisation
Maïs Mon863 et Mon88017
Cry3Bb1
Monsanto
2003
Maïs 59122
Cry34/35Ab1
Dow AgroSciences
2005
Maïs MIR 604
mCry3A
Syngenta Seeds
2006
Maïs 5307
eCry3.1Ab
Syngenta Seeds
2012

La question de la résistance des insectes cibles aux protéines Cry produites par les plantes transgéniques Bt est de mieux en mieux renseignée. En 2011, Gassmann décrivait les cas de chrysomèles des racines du maïs devenues résistantes à la protéine Bt Cry3Bb1. En 2014, il trouvait que la chrysomèle avait acquis une résistance à une seconde protéine Bt, la protéine mCry3A (une forme synthétique de la protéine Cry3A) [2]. Inf’OGM a aussi rapporté qu’en 2013, Syngenta avait pris acte de cette situation… pour mieux vendre l’un de ses insecticides : « les récents cas de dommages inattendus de la chrysomèle et la difficulté de contrôler ces populations ont montré l’intérêt à appliquer l’insecticide Force dans le Midwestern, peut-être plus que jamais » [3].

Des observations de terrain qui remontent à 2009

Ce phénomène inquiète aussi l’EPA. En 2012, l’EPA publie un premier document de synthèse dans lequel ce ministère explique que les rapports annuels de surveillance fournis par Monsanto en 2009 permettaient de conclure à une diminution de la susceptibilité de chrysomèles à la protéine Bt Cry3Bb1 [4] dans les états de l’Iowa, de l’Illinois, du Nebraska et du Minnesota. L’EPA précise encore dans ce rapport que cela confirme d’autres observations faites entre 2007 et 2010 ! Ainsi, l’EPA précise « être au courant qu’au moins 23 comtés de la cornbelt (« ceinture de maïs ») rapportent depuis 2009 des cas de dommages lourds du fait de chrysomèles du maïs ». Des dommages qui « pourraient être dus à une résistance à la protéine Cry3Bb1 ». Des cas de dommages ont également été rapportés dans l’état du Wisconsin. Enfin, plusieurs chercheurs ont renseigné scientifiquement l’échec de cultures de maïs GM produisant la protéine Cry3Bb1 [5]. Ainsi, l’EPA recommandait dès 2011, en cas de suspicion de résistance, que les entreprises vendant les semences de ces maïs GM « accompagnent les agriculteurs pour mettre en œuvre […] l’utilisation d’insecticides conventionnels […] et l’utilisation de méthodes alternatives pour décourager l’installation d’insectes potentiellement résistants ».

Ces constats et recommandations n’ont pas toujours été d’actualité à l’EPA, loin de là. En 2008, ce ministère autorisait les agriculteurs à mettre en place des zones refuges réduites [6].

En 2013, le ministère de l’Environnement étasunien réunissait un comité scientifique consultatif afin de prendre acte de ces résistances et de tenter d’y remédier. Deux ans plus tard, en 2015, l’EPA concluait que ces apparitions de résistance sont suffisamment inquiétantes pour devoir réfléchir à « un cadre visant à retarder l’acquisition de résistance par la chrysomèle des racines du maïs » [7]. L’EPA décidait donc de proposer une batterie de mesures. Ces dernières ont été soumises à commentaires publics entre le 28 janvier et le 15 avril 2015 [8]. Et selon le site de la consultation publique, 87 commentaires ont été adressés à l’EPA. Le ministère doit maintenant finaliser son rapport, sans qu’une date précise ne soit connue.

Des mesures variées mais aucun constat d’échec des cultures de PGM

Précisons avant tout que, pour l’EPA, l’apparition de résistance chez la chrysomèle du maïs ne remet pas en cause l’approche biotechnologique. En effet, dans sa communication, l’EPA prend bien soin de rappeler que « l’utilisation des [OGM] est une des méthodes de contrôle des insectes les plus sûres qui soient  ». Mais, « afin que ces méthodes continuent d’être disponibles sur le long terme, il est essentiel qu’elles conservent leur efficacité ». L’EPA souhaite donc qu’elles soient « gérées correctement » et annonce qu’elle continuera à les « surveiller […] pour préserver leur bénéfices conséquents pour l’agriculture et l’environnement » [9]. Ou comment ne pas critiquer les OGM tout en actant l’existence d’un problème d’importance…

Concrètement, l’EPA propose donc aux opérateurs d’agir notamment aux niveaux des pratiques agricoles et de la surveillance post-commercialisation [10] dans le cadre d’un programme de « gestion intégrée des parasites ». Dans les zones « à forts risques » d’apparition de résistance, l’EPA préconise que ce programme concerne 70 % des surfaces cultivées en maïs pour lesquelles il préconise les pratiques agricoles suivantes : 50 % des cultures mises en œuvre dans le cadre d’une rotation de culture avec deux années consécutives maximum de culture de maïs Bt en alternance avec une année de culture d’une autre plante (préférentiellement du soja), 25 % avec utilisation de maïs GM empilés avec plusieurs protéines Bt produites et 25 % avec utilisation de maïs non GM traité aux insecticides. Au-delà de ce programme, l’EPA demande qu’un maximum de 10 % des surfaces cultivées avec du maïs Bt le soient avec des maïs Bt non empilés. Objectif avoué par l’EPA : qu’un « maximum d’agriculteurs utilisent les maïs empilés » [11]. Pour les zones à « faibles risques », les mesures sont les mêmes mais à des taux différents : elles concernent 50 % des surfaces de culture en maïs avec 33 % en rotation, 33 % en maïs GM empilés et 33 % en maïs non GM. Enfin, l’EPA recommande de ne plus utiliser d’insecticides directement appliqués au sol avec du maïs Bt.
L’EPA recommande également d’améliorer la performance des plans de surveillance annuels pour détecter des effets inattendus et engager des actions en cas de détection d’une résistance (sans attendre confirmation de la résistance). Enfin, l’EPA recommande que, préalablement à une autorisation, les tests d’évaluation des risques d’apparition de résistance soient conduits non plus par le biais de régime alimentaire mais par des tests sur plante directement. Faisant son mea culpa, l’EPA conclut en effet que « les essais par régime alimentaire n’ont pas été utiles dans le cadre des procédures réglementaires ».

Deux propositions provoquent une levée de bouclier

Les réactions aux propositions de l’EPA n’ont pas manqué. Si le Centre pour une Science dans l’intérêt public a apporté son soutien à l’ensemble des mesures proposées par l’EPA, demandant à ce qu’elles soient rendues obligatoires, ce n’est pas le cas de tous.
Ainsi, le 15 avril 2015 [12], Syngenta qui déclarait souhaiter une approche du problème basée sur la science, considère qu’aucune recommandation qui limite les outils à disposition des agriculteurs n’est bonne : il est « impératif, dit-elle, que les agriculteurs aient la flexibilité de choisir les pratiques les plus adéquates à leur situation  ». Il n’est ainsi pas question pour Syngenta d’imposer un maximum de deux années de culture de maïs Bt dans le cadre d’une rotation de cultures. Il en est de même pour l’interdiction de combiner le maïs Bt et les insecticides appliqués au sol. Une approche partagée par l’Association Nationale des départements d’état pour l’agriculture, l’association nationale des producteurs de maïs, l’association des producteurs de maïs du Minnesota, l’association nationale des producteurs de soja (ces trois acteurs partageant le même souci de ne pas avoir à imposer à leurs membres une rotation de cultures)… La réponse reçue du département pour l’agriculture du Dakota du Sud montre que ce service conteste la seule proposition de rotation des cultures.
Ces réponses permettent de constater que les états concernés dans un premier temps par ces problèmes d’apparition de résistance (Nebraska, Michigan, Minnesota, Iowa, Dakota du Sud, Illinois, Missouri) réagissent donc de manière réservée aux mesures proposées. S’ils sont d’accord pour que l’EPA se penche sur problèmes des chrysomèles résistantes aux protéines Bt produites par des maïs GM, ils ne souhaitent pas par contre se voir imposer des règles contraignantes de mise en culture ou d’interdiction d’insecticides. En clair, le problème existe mais c’est aux acteurs de s’organiser pour le résoudre, pas au monde politique…

L’EPA choisira-t-elle au final des recommandations ou des mesures obligatoires ? Aucune date de décision finale n’a été officiellement annoncée à ce jour. Mais, que les entreprises se rassurent, il n’est pas encore question d’acter un échec potentiel des cultures de maïs Bt, l’EPA ne vise pas à mettre un terme aux apparitions de résistance mais simplement à « prolonger la durabilité et l’efficacité de ces plantes [les PGM] pour contrôler les chrysomèles des racines du maïs » [13].

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