n°133 - mars / avril 2015Interview / débat contradictoire

Débat Gnis / RSP : dialogue de sourds sur la sélection variétale

Par Inf’OGM

Publié le 25/02/2015

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Suite à la publication de l’article « La recherche variétale française : une bonne santé en trompe l’oeil » (Inf’OGM, Le Journal 132), le Gnis a commenté cet article en dénonçant sur Twitter « des approximations et des erreurs ». Nous avons donc proposé au Réseau semences paysannes et au Gnis d’en débattre directement dans nos colonnes. Les positions sont très tranchées [1].

L’agriculture mondiale a deux visages : l’agriculture paysanne qui utilise des « populations » et l’agriculture industrielle qui travaille avec des variétés améliorées stables et homogènes. Quels sont les avantages et inconvénients de ces deux types de semences ? Faut-il les préserver toutes ?

Logo du GNIS

Catherine DAGORN, GNIS – L’agriculture mondiale a de nombreux visages, mais s’il fallait en distinguer deux, on pourrait distinguer celui d’une agriculture qui assure à la fois la sécurité alimentaire d’un pays et des revenus décents à ses paysans et celui d’une agriculture de subsistance qui ne permet ni l’un ni l’autre.

Dans la première, il existe une amélioration des plantes qui permet d’améliorer les rendements, c’est-à-dire de mieux utiliser l’eau, le sol et de mieux résister aux maladies et aux parasites ; mais il existe aussi toute une filière qui permet que ce progrès génétique arrive dans les mains des paysans le plus rapidement possible et à travers des semences de qualité qui germent et correspondent à ce qu’attend le paysan utilisateur. Soyons concrets : la filière du blé tendre, grâce à la sélection des entreprises françaises qui représentent plus de 70% du marché, a permis de passer de 131 variétés de blé en 1955 à 336 en 2014 et à ce que la France ait le meilleur rendement moyen du monde avec sept tonnes / hectare quand l’Europe et la Chine en font cinq, et les États-Unis ou l’Inde trois. Ajoutons que dans de nombreux pays en développement, ce qu’on appelle « variétés locales » sont souvent d’anciennes variétés sélectionnées par la recherche publique et reproduites d’année en année faute de nouvelles variétés et d’une filière semencière organisée. Dans les pays développés comme la France, il peut exister des marchés de niche qui utilisent des variétés anciennes, parfois « des populations », mais en dehors des légumes, ces marchés sont d’une extrême marginalité. Dans les plantes agricoles, cela représente moins de 0,01% des cultures. Bien sûr, quel que soit le caractère des variétés (anciennes ou plus récentes), il faut les préserver et c’est ce que font les créateurs de variétés en France depuis des centaines d’années.

Logo du Réseau Semences Paysannes (RSP)

Guy KASTLER, RSP – Selon le rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation, l’agriculture paysanne dite « vivrière » produit les 3/4 de la nourriture mondiale sur 1/4 des surfaces cultivées sur la planète. Très productive par unité de surface, elle mobilise une importante main d’œuvre paysanne qui sélectionne et adapte continuellement plusieurs millions de variétés paysannes à l’immense diversité des terroirs et des valeurs culturelles, aux évolutions des pratiques agroécologiques et aux changements climatiques. Cette gestion dynamique de la biodiversité cultivée repose sur une très grande diversité et variabilité de chaque variété population locale.

L’agriculture industrielle mécanisée, très productive par unité de main d’œuvre, ne produit qu’1/4 de la nourriture mondiale tout en immobilisant les 3/4 des terres cultivées et des ressources en eau. Elle a remplacé l’énergie des paysans qui se retrouvent au chômage par l’énergie fossile indispensable à la fabrication des engrais et des pesticides chimiques, à la mécanisation et aux transports dans un marché mondialisé. Elle utilise quelques dizaines de milliers de variétés « élites » standardisées pour valoriser partout ce même paquet technologique. En croisant entre elles les semences paysannes collectées tout autour de la planète, elle a accéléré fortement le rythme de production d’innovations de plus en plus éphémères car, produites hors du champ du paysan, elles ne peuvent pas s’adapter à ses évolutions. Ces deux systèmes semenciers paysan et industriel pourraient être complémentaires. Malheureusement, ils s’opposent car l’industriel considère que le paysan qui reproduit gratuitement ses semences dans son champ est un concurrent insupportable.

Quels environnements économique et juridique doivent exister pour favoriser l’accès de tous aux semences dont nous avons besoin aujourd’hui, et à celles dont nous aurons besoin demain ?

CD – L’accès de tous aux semences dépend de l’existence d’une filière semencière organisée, avec une réserve de ressources génétiques d’accès facile et gratuit. Au niveau international, c’est l’objectif du Traité International sur les Ressources phyto-génétiques pour l’agriculture et l’alimentation (TIRPAA). Au niveau national, c’est l’objectif des collections nationales. En France, l’État tarde à s’organiser sur ce plan. C’est pourquoi les sélectionneurs, privés et publics, se sont regroupés pour créer des collections. 27 collections de « réseaux » regroupent plus de 30 000 plantes représentatives des ressources génétiques françaises. Certains de ces réseaux mettent à disposition de tous une partie de leur collection. Ainsi en blé tendre, sur les 5 500 variétés du réseau, 1 781 sont à la disposition de tous. Il faut ensuite un secteur fort de création variétale. En France, 73 entreprises de créations variétales dépensent chaque année plus de 300 millions et créent plus de 600 nouvelles variétés. L’État n’y a jamais « nationalisé » la création de variétés comme cela a pu être fait dans certains pays en développement ou émergents. C’est logique : les premiers créateurs de variétés étaient des personnes privées, les paysans, et en France, les entreprises d’aujourd’hui sont pour l’essentiel des entreprises familiales ou des coopératives d’agriculteurs. La troisième étape en Europe est un ensemble de listes qui forment le Catalogue et ont deux objectifs : que chaque variété soit bien identifiée et que le paysan sache ce qu’il achète ; et permettre à l’État d’orienter le travail des sélectionneurs : ainsi, suite au Grenelle de l’Environnement, l’État a intégré des critères environnementaux pour l’acceptation des nouvelles variétés.

Enfin, la semence vendue au paysan doit correspondre à la variété souhaitée, et germer. Le choix fait en Europe a été de créer un système officiel de contrôle de la qualité.

GK – Les systèmes semenciers paysans nourrissent d’abord les populations locales. Ils reposent sur deux piliers indissociables : ressemer chaque année une partie de la récolte précédente pour favoriser l’adaptation locale des plantes, échanger régulièrement des semences avec d’autres paysans pour entretenir la diversité indispensable à l’adaptation aux changements environnementaux. Produites d’abord par ceux qui les utilisent, les semences paysannes s’échangent entre des personnes qui se connaissent suffisamment pour que naisse la confiance indispensable au respect de droits collectifs souvent oraux qui écartent les pratiques à risques sanitaires, de perte des semences localement les plus adaptées, de contaminations génétiques malheureuses… et aujourd’hui de biopiraterie.

Produites pour être vendues, les semences industrielles s’abritent derrière une protection des obtentions végétales qui vise à forcer les paysans à les acheter chaque année en interdisant ou en taxant les semences de ferme. Le marché anonyme exige des normes d’identification et de qualité des marchandises échangées entre des personnes qui ne se connaissent pas. Ces normes sont imposées par les marchés de masse auxquels est destinée la production agricole industrielle : standardisation des lots, prix bas reposant sur une exploitation minière de l’humus des sols, des énergies fossiles et désormais de la biomasse. Elles régissent à la fois la protection de l’obtenteur et le catalogue des variétés « homogènes et stables » qui élimine les semences paysannes diversifiées et variables.

L’équité voudrait que les droits des obtenteurs s’arrêtent là où commencent les droits des agriculteurs d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences.

Les lois qui encadrent les droits de propriété intellectuelle sont-elles adaptées ? Le brevet menace-t-il le Certificat d’Obtention Végétal (COV) ? Et les semences fermières et paysannes ?

CD – On doit se féliciter d’avoir imaginé en France et en Europe, un droit de propriété intellectuelle (le COV) sur les variétés créées adapté à la création variétale, grâce à l’exception de sélection : si le créateur de la variété a un droit exclusif sur la vente ou la copie de sa variété, celle-ci est libre pour tous – entreprises, paysans, amateurs – pour être utilisée dans tout programme de sélection ; et ce sans payer le créateur de la variété et sans son autorisation. Ce droit est utilisé de plus en plus par les pays en développement. Ainsi les 16 pays de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle viennent de rejoindre l’Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV). Pour l’instant les quelques pays qui brevètent les variétés végétales sont minoritaires. Mais l’arrivée des inventions biotechnologiques, et les progrès faits dans le décryptage du génome des plantes sont de nouveaux défis. Le premier était de faire en sorte que la reconnaissance par l’Europe de la brevetabilité de ces inventions ne bloque pas l’accès aux variétés dans lesquelles ces inventions sont insérées. C’est pourquoi, la loi française a introduit une sorte d’exception de sélection qui permet d’utiliser librement des variétés comportant des gènes brevetés. Le deuxième défi plus récent, est celui de la brevetabilité de ce qu’on appelle les gènes natifs. Concrètement, avec les progrès de la génomique, la question se pose de savoir si on peut breveter la découverte de la fonction d’un ou de plusieurs gènes. Aujourd’hui, l’Office européen des brevets accepte cette brevetabilité. En France, le droit l’accepte mais les semenciers demandent depuis plusieurs années que cela ne soit plus possible.

Enfin, les semences dîtes « paysannes » relèvent des mêmes droits que les autres et ne sont pas menacées mais au contraire protégées par ces droits. Quant aux semences fermières, c’est-à-dire des copies à la ferme de variétés créées par d’autres, depuis 2011 elles sont autorisées en échange d’une rémunération du créateur.

GK – Le COV de 1961 ne protège que les semences commerciales. Il régule la concurrence entre obtenteurs sans remettre en cause le droit des paysans d’utiliser leurs semences de ferme et de les échanger hors du marché. La loi française de 1970 étend cette protection aux semences de ferme. Mais l’incapacité des obtenteurs à identifier dans les récoltes les caractères phénotypiques qui définissent leurs variétés permet aux paysans de continuer à utiliser leurs semences de ferme, sauf lorsqu’ils sont obligés d’indiquer le nom de la variété pour vendre leur récolte ou lorsque les royalties sont directement prélevées par l’acheteur. En 1980 apparaissent les brevets sur les « traits » OGM faciles à identifier avec les marqueurs moléculaires dans les récoltes et les variétés où ils sont introduits. Pour faire face à cette concurrence, le règlement européen de 1994 rapproche le COV du brevet en ouvrant la voie à la caractérisation génétique des « traits » qui définissent la variété, qualifie les semences de ferme de contrefaçon et restreint l’exception du sélectionneur avec le concept mal défini de variété essentiellement dérivée. Il ne protège pas pour autant les obtenteurs contre l’appropriation de leurs variétés par des brevets déposés sur leurs « traits », que ces traits soient rajoutés comme les OGM, ou naturellement présents dans chacune des plantes de la variété. Les contaminations par les OGM et les brevets sur ces traits « natifs » permettent aujourd’hui à dix multinationales détentrices des plus gros portefeuilles de brevets de contrôler 70% du marché mondial des semences et de s’emparer progressivement de toutes les semences paysannes existantes.

Christian Jacob affirme : « On a tué la recherche en France, on l’a tuée en Europe ». Ce diagnostic vous paraît-il pertinent ?

CD – La recherche française n’est pas morte mais elle a été blessée. La destruction de la recherche en champs et en serres des sélectionneurs privés et publics a empêché notre pays de participer au niveau qui aurait dû être le sien aux avancées sur les biotechnologies. Cela a une conséquence directe : c’est que, certes, la filière française reste la première en Europe et le premier exportateur mondial mais la part du marché mondial des entreprises étrangères qui ont pu investir dans les biotechnologies s’accroît chaque année. Or la force de la filière semencière française c’est sa capacité à créer les variétés dont ont besoin nos agriculteurs et ceux d’autres pays dans le monde. C’est pourquoi la manière dont seront tranchées les questions de financement de la génomique, d’accès aux ressources génétiques ou de brevetabilité sera déterminante pour que la blessure subie ne soit pas mortelle.

GK – Christian Jacob regrette l’interdiction des cultures OGM en France, alors que c’est une chance pour notre pays qui est le plus gros producteur d’aliments et de semences destinés d’abord à un marché européen qui ne supporte pas la moindre contamination par des OGM. Mais la recherche française, publique et privée, est en pointe sur les nouvelles techniques comme la mutagénèse dirigée et autres OGM brevetés mais non étiquetés car exclus du champ d’application de la réglementation OGM. Cependant, ces recherches ne sont qu’une fuite en avant dans les impasses de la sélection industrielle : sa dépendance aux engrais et pesticides chimiques est devenue insupportable pour la santé, l’environnement et le climat ; sa dépendance aux énergies fossiles ne pourra pas être remplacée par la biomasse qui produit moins d’énergie que celle mobilisée pour sa production ; et les adventices et les pathogènes finissent toujours par contourner les résistances génétiques introduites au laboratoire…

On a tué la recherche en « amélioration des plantes » en la sortant du champ des paysans, seuls écosystèmes où peuvent se sélectionner les caractères durables d’adaptation locale ; en l’amenant à mépriser les savoirs des paysans, seuls experts dans leurs champs car ils sont les seuls à pouvoir les observer, à interagir avec leurs plantes et leur système agraire tous les jours de l’année ; en l’incitant à dresser les paysans les uns contre les autres selon les lois des économistes des marchés, au lieu d’encourager la sélection et gestion collaborative de la biodiversité cultivée dans les fermes mobilisant des collectifs de paysans et des chercheurs à leur écoute.

Le GNIS et le RSP se répondent…

CD – Aujourd’hui le RSP attribue 75% de l’alimentation mondiale à l’agriculture vivrière. En réalité la FAO estime plutôt cette part à 20%. Ces 20% où la sécurité alimentaire est la plus fragile, où les paysans n’ont aucune nouvelle variété disponible, où les semences sont de mauvaise qualité, et où la recherche publique a le plus souvent l’exclusivité de l’amélioration des plantes.

En France, la filière semencière est capable de mettre 10% de nouvelles variétés dans les mains de ses paysans chaque année, 30 000 variétés sont disponibles et permettent de répondre à l’évolution des conduites de culture avec moins de fertilisants, de produits phytosanitaires ou d’eau, mais aussi au défi du changement climatique.

Ils peuvent le faire pour deux raisons :

- après 15 000 ans où le hasard et la chance ont permis d’améliorer les plantes, les croisements de la sélection conventionnelle, les connaissances sur les plantes, l’identification des parties de leurs génomes résistants à la sécheresse, à telle maladie ou à tel parasite, ont permis de réduire ce hasard et d’augmenter la chance. Ces résistances identifiées, qui prendrait la responsabilité de ne pas s’en servir ? La France ne l’a pas fait et ses créateurs de variétés ont permis de multiplier par sept les rendements du blé en 40 ans ;

- cette recherche doit être financée et la protection des obtentions végétales est le meilleur équilibre possible entre l’indispensable rémunération des créateurs de variétés et l’accès à ces variétés nouvelles, en tant que ressources génétiques, pour que chacun puisse apporter son amélioration. De ce point de vue, la copie sans rémunération du créateur de ces variétés, serait un vrai risque. Constatons que la Grande-Bretagne, qui a longtemps autorisé la copie par des semences de ferme, n’a plus aucune entreprise de sélection et que la France qui l’a longtemps interdit, a encore 53 sélectionneurs franco-français.

Au final, une très large majorité des agriculteurs utilisent les nouvelles variétés créées et achètent des semences dont la qualité variétale et germinative est garantie, et permettent ainsi à la France d’assurer sa sécurité alimentaire. Une partie de ces agriculteurs, pour économiser la rémunération des producteurs de semences certifiées, reproduisent dans leur champ les variétés modernes qu’ils ont achetées l’année précédente. Ils peuvent le faire grâce à la loi de 2011.

Enfin dans ce système vertueux, une petite minorité d’agriculteurs (2000 ha sur 18 millions, d’après le chiffre donné par le RSP dans le rapport « Biotechnologies végétales et propriété industrielle », HCB, 4 avril 2013) préfèrent reprendre les anciennes variétés ou populations conservées par les sélectionneurs pour sélectionner à la ferme ou s’échanger des semences de ces vieilles variétés. C’est leur droit, ils peuvent même aussi utiliser des variétés nouvelles dans leur sélection grâce au COV.

Pour finir, la propriété intellectuelle sur les nouvelles variétés créées ne consiste pas à s’emparer des semences paysannes existantes, puisque pour obtenir ce droit de propriété, il faut montrer que votre variété est nouvelle, pas seulement par rapport aux autres variétés protégées mais vis-à-vis de toute autre variété sélectionnée dans le passé, sélectionnée aujourd’hui par des paysans, ou existante dans la nature.

GK – En voulant supprimer les semences paysannes pour les remplacer par les siennes, l’industrie se comporte comme un arbre qui mangerait ses racines. Toutes les semences industrielles sont en effet issues des semences sélectionnées et conservées par des générations de paysans. Pour collecter librement ces semences dans les champs des paysans, l’industrie a décrété qu’elles sont un « patrimoine commun de l’humanité ». Elle les a ensuite enfermées dans des banques de gènes puis a interdit leur commercialisation avec le catalogue. Seuls les chercheurs et les sélectionneurs ont accès à ces « ressources phytogénétiques » qui sont ainsi devenues leur patrimoine exclusif. Pour légitimer ce hold’up, l’industrie qui emploie ces chercheurs prétend que seule l’agriculture qui utilise ses semences « améliorées » est capable d’assurer la sécurité alimentaire, alors qu’elle produit trois fois moins de nourriture par unité de surface, ou que le nombre de variétés existantes se réduit à celles qui sont inscrites sur son catalogue, alors qu’elle en a collecté 100 fois plus dans les champs des paysans, sans compter celles qu’elle n’a pas collectées.

Mais les ressources des banques de gènes ne sont pas inépuisables : les sélectionneurs arrivent aujourd’hui au bout des possibilités de nouveaux croisements intéressants et la fuite en avant des manipulations génétiques ne leur accordera que quelques années supplémentaires. Dans les chambres froides, la bio-diversité devient une diversité sans vie. Non seulement elle est coupée des changements environnementaux auxquels elle n’est plus adaptée, mais en plus sa vitalité diminue avec le temps et sa diversité s’érode à chaque multiplication destinée à l’empêcher de mourir définitivement. Sans le renouvellement constant de la biodiversité cultivée par les millions de paysans qui ressèment et échangent leurs semences, l’industrie semencière est menacée de panne sèche. C’est pourquoi le TIRPAA reconnaît « l’immense contribution » des paysans à la conservation des ressources phytogénétiques et leurs droits qui en découlent de partager les bénéfices issus de leur exploitation et de « conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences de ferme ». Mais l’industrie n’a jamais partagé le moindre de ses bénéfices et exige au contraire que ce soient les paysans qui lui payent des royalties pour utiliser leurs propres semences de ferme tandis que les lois nationales nient les droits des paysans !

Les brevets sur les traits natifs sont la phase ultime de cette biopiraterie : les paysans qui ont donné aux collections publiques leurs semences et les connaissances qu’ils détiennent de leurs qualités particulières pensaient les offrir à tous. Ils se verront interdire de les utiliser dès qu’un semencier les aura récupérées pour breveter les séquences génétiques associées à ces qualités particulières. L’industrie traditionnelle est confrontée à la même menace. Au lieu de faire la guerre aux paysans qui utilisent leurs propres semences, elle ferait mieux de respecter leurs droits afin d’interdire avec eux tout brevet sur le vivant. La prochaine loi « biodiversité », débattue au Parlement en mars, lui en donnera l’occasion puisqu’elle doit inscrire le TIRPAA dans nos lois : chiche !

Description rapide des acteurs

Le GNIS – Groupement national interprofessionnel des semences et plants – est une interprofession qui regroupe les acteurs de la semence. A ce titre, une des missions du Gnis est donc que les législateurs européen et français prennent en compte les avis et recommandations de la filière semence. L’État lui a par ailleurs délégué le contrôle de la qualité des semences depuis que celui-ci existe en 1962.

En savoir plus : http://www.gnis.fr

Le RSP – Réseau Semences Paysannes – fédère de nombreuses organisations impliquées dans la promotion et la défense de la biodiversité cultivée et des savoir-faire associés. Le RSP travaille à la promotion de modes de gestion collectifs et de protection des semences paysannes, ainsi qu’à la reconnaissance scientifique et juridique des pratiques paysannes de production et d’échange de semences et de plants.

En savoir plus : http://www.semencespaysannes.org

[1Signalons qu’un autre débat Gnis (Delphine Guey)/Confédération paysanne (Guy Kastler) a eu lieu le 20 décembre 2016 sur France Inter : force est de constater que positions et arguments n’ont guère changé en presque deux ans

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