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OGM – La Pologne épinglée pour manque de transparence

Par Pauline VERRIERE

Publié le 07/10/2014

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Le 2 octobre 2014, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que la Pologne avait mal transposé la Directive 2001/18 [1]. En cause : la question de la transparence en matière de localisation des cultures d’OGM. La CJUE rappelle, à cette occasion, le contenu de la directive sur le point litigieux et la nécessité pour les États d’en faire une transposition « avec la spécificité, la précision et la clarté requises ».

Treize ans après son adoption, force est de constater que la mise en œuvre au niveau national de la directive 2001/18 est encore source de quelques soucis. Cette fois, c’est la Pologne qui est visée [2] pour n’avoir pas transposé avec suffisamment de précision et de force contraignante ladite directive. C’est la Commission européenne qui a attaqué le pays devant la CJUE concernant ce défaut de transposition.

La réglementation européenne impose en effet qu’un registre national soit établi pour rendre publique la localisation des cultures d’OGM, à titre d’expérimentation (article 31§3 a) et à titre commercial (article 31§3 b). Cette obligation doit être valable tant pour les OGM autorisés sous la directive 2001/18 que pour ceux autorisés au titre du règlement 1829/2003 (cf. encadré), même si la CJUE, dans cette décision précisément, reste silencieuse sur ce point.

Absence du registre, pourtant obligatoire, des cultures

La Commission européenne, par ce recours en manquement devant la CJUE, estime que la réglementation polonaise ne transpose pas correctement l’article dans son volet transparence sur les cultures commerciales d’OGM :

- elle ne prévoit pas une obligation d’informer les autorités compétentes quant à la localisation des OGM ;

- elle ne rend pas obligatoire l’établissement d’un registre de cette localisation ;

- elle ne rend pas publiques les informations relatives à ce registre.

La CJUE confirme l’interprétation juridique de la Commission européenne : les différents textes polonais [3] ne transposent pas de façon suffisamment claire et précise les dispositions de la directive 2001/18.

La réglementation polonaise rend obligatoire « d’informer les autorités compétentes de la zone de mise sur le marché de ces OGM » (arrêt §40), mais elle ne rend pas obligatoire l’information du lieu où sont cultivés les OGM. La CJUE reconnaît que « de façon indirecte » la connaissance du lieu de commercialisation de semences peut fournir une indication du lieu de cette culture mais «  il ne saurait être considéré que la zone de mise sur le marché d’une semence génétiquement modifiée est toujours identique au lieu de culture de celle-ci » (arrêt §42). La Cour rappelle que « les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable et avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique » (arrêt §43). Elle estime ainsi que la transposition polonaise sur ce point «  ne présente pas la clarté et la précision requises » (arrêt §44). Ces exigences sont d’autant plus impératives qu’elles ont spécifiquement pour objet de mettre en œuvre l’objectif de surveillance et de protection de la santé humaine et de l’environnement. Si la localisation des cultures d’OGM est impossible du fait de l’absence d’obligation de déclarer celle-ci, cette surveillance sera difficile, voire impossible, à mettre en œuvre.

La CJUE condamne donc aux dépens – c’est-à-dire à prendre en charge les frais liés à la procédure – la Pologne pour mauvaise transposition de la Directive 2001/18.

La balle est désormais dans le camp polonais qui va devoir légiférer pour intégrer l’ensemble de ces dispositions en matière de transparence dans sa réglementation OGM nationale. Une transposition qu’elle devra faire dans un délai raisonnable si elle ne veut pas se voir condamnée à nouveau, mais cette fois financièrement, par l’UE. Des amendes qui peuvent s’avérer relativement importantes.

Déclaration des cultures : la directive 2001/18 et le règlement 1829/2003 ont-ils des prescriptions équivalentes ?


Le règlement 1829/2003 a été conçu pour l’autorisation des denrées alimentaires et aliments GM pour animaux. Il ne prévoit donc pas, en toute logique, l’obligation de tenir un registre de localisation des cultures. L’article 28 du règlement prévoit qu’ « un registre communautaires des denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés » doit être rendu public. Ce registre est différent du registre national de localisation des cultures.

Aujourd’hui, la quasi totalité des OGM, y compris pour la culture, sont autorisés au titre du règlement 1829/2003. Est-ce à dire que pour ces OGM-là, aucune information sur la localisation des parcelles ne doit être prévue ?

Comme nous l’avait précisé la Commission européenne [4], les parties A et D de la directive 2001/18 s’appliquent aussi aux OGM autorisés selon le règlement 1829/2003. Or, l’article 31, qui instaure le registre, se trouve dans la partie D de la directive. Ainsi, l’obligation d’un registre des cultures doit donc être valable pour l’ensemble des OGM autorisés à la culture, peu importe le biais par lequel (directive 2001/18 ou règlement 1829/2003) ils l’ont été.

La directive 2001/18 nous rappelle d’ailleurs que tout autre texte législatif qui autorise les OGM doit fixer « des exigences en matière de gestion des risques, d’étiquetage, d’information du public et de clause de sauvegarde […] au moins équivalentes à celles fixées dans la présente directive » (considérant 27).

Malgré le manque de « précision » et de « clarté » (pour reprendre les mêmes termes que la CJUE dans son arrêt) du règlement 1829/2003 sur ce point, et suite au raisonnement juridique précédemment énoncé, Inf’OGM estime que ces deux textes doivent offrir les mêmes garanties en la matière.

Les rappels de la CJUE qui ne portent que sur les OGM autorisés à des fins commerciales au titre de la directive 2001/18, sont donc tout aussi applicables en ce qui concerne les OGM autorisés selon le règlement 1829/2003, même si l’arrêt est silencieux à ce sujet. Et comme le rappelle elle-même la CJUE « il ne saurait être considéré que la zone de mise sur le marché d’une semence génétiquement modifiée est toujours identique au lieu de culture de celle ci ». Les deux registres, de commercialisation et de culture, qui ne sont pas équivalents, sont donc obligatoires.

[1CJUE, Commission européenne contre République de Pologne, 2 octobre 2014, C-478/13.

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=158187&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=335989

[3Loi du 22 juin 2001 sur les OGM (Dz. U. de 2001, n°76 position 811) et Règlement du ministre de l’environnement du 6 juin 2002 relatif à l’établissement de modèles types pour les demandes d’accords et d’autorisations concernant les opérations portant sur des OGM (Dz. U. de 2002, n°87, position 797)

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