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Soja OGM – La toxine insecticide détectée chez des insectes non cibles

Par Eric MEUNIER

Publié le 26/09/2014

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Les plantes transgéniques dites « Bt » produisent une toxine insecticide contre un ou plusieurs parasites. Mais quelle quantité de cette toxine produit donc la plante ? Et que devient-elle ensuite dans la chaîne alimentaire ? Ces questions font polémique. Récemment, une équipe de chercheurs s’est intéressée à l’exposition des arthropodes à la protéine insecticide Bt Cry1Ac exprimée par des sojas GM MON87701. Cette étude [1], précisent les auteurs, « est la première à renseigner les taux de protéine Cry1Ac dans des sojas [GM] et dans des insectes non cibles en Chine ». L’objectif de ce travail ? Suivre la protéine Cry synthétisée par un soja transgénique au sein de la chaîne alimentaire, permettant ainsi de mieux appréhender les potentiels impacts de cette protéine sur les insectes non ciblés.

Dans des sojas transgéniques cultivés en champs expérimentaux en 2010, Yu et ses collègues ont mesuré la quantité de protéine insecticide Cry1Ac dans différentes parties de la plante, à différentes étapes de sa culture ainsi que la quantité de cette même protéine dans des arthropodes présents dans le champ.

Des quantités variables de protéines Bt dans la plante

Selon les résultats présentés, la protéine Cry1Ac est présente dans les feuilles de soja dans des quantités allant de 25,5 à 37,5 µg/g (microgramme par gramme) de poids sec (soit environ 13,4 µg/g de poids frais). Cette quantité n’est pas constante : elle fluctue en fonction des stades de développements de la plante. La quantité de protéine mesurée dans les fleurs est, elle, inférieure (10 µg/g de poids sec).

En l’état, un tel résultat n’est pas très parlant. Inf’OGM a donc pris soin de comparer ces résultats avec les quantités déclarées par l’entreprise Monsanto dans sa demande d’autorisation déposée dans l’Union européenne du soja MON87701. Le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) écrivait, dans son avis du 23 décembre 2010 que « c’est dans les feuilles que la protéine de Cry1Ac est la plus abondante (220 à 340 µg/g de poids sec, 30 à 53 µg/g de poids frais) » [2]. Interrogé par Inf’OGM, Joerg Romeis, co-auteur de l’article scientifique, considère de son côté que « ces quantités sont dans la lignée des résultats que nous avons détectés ». Aucune explication directe n’est donnée à l’appui de cette affirmation. Il apparaît qu’une telle différence peut être due aux différences de sol, de température ou encore hygrométriques qui peuvent influer sur la quantité de protéine Cry produite par une plante GM. En outre, la technique de quantification ELISA, utilisée dans les deux cas, dispose d’une marge d’erreur pouvant expliquer un facteur dix de différence, ce qui est en gros le cas ici. Mais une telle variabilité dans les résultats de mesures effectuées soulève des questions.

Les auteurs précisent d’ailleurs que les quantités de protéine Cry1Ac mesurées dans le soja MON87701 sont supérieures à celles retrouvées « dans les feuilles de coton (0,7 µg/g de poids frais), riz (8 µg/g de poids frais) et maïs Bt (4 µg/g de poids frais) cultivées dans les champs ». Une indication qui pourrait amener à considérer que la quantité de protéine Cry1Ac retrouvée au champ reste suffisante pour agir sur les insectes cibles. Mais encore faudrait-il le vérifier… [3] A noter que pour le maïs, les auteurs se réfèrent à une étude faite sur le maïs MON810 qui conclut à une quantité de 4 µg/g de poids frais de feuilles, contre 8,6 à 9,35 µg/g de poids frais selon Monsanto [4].

Connaître la quantité de protéine insecticide Cry synthétisée par une plante transgénique est important. Cela permet d’évaluer si cette plante permettra effectivement de tuer suffisamment d’insectes ravageurs ciblés sans qu’une résistance à cette protéine n’apparaisse. Cela permet également d’évaluer les potentiels impacts sur les insectes non ciblés par la protéine.

Pour les insectes cibles, ce qui importe, c’est de savoir la quantité minimale nécessaire pour que la protéine insecticide soit « efficace ». Pour les insectes non cibles, il s’agirait plutôt de connaître les différentes quantités de la protéine synthétisée afin d’évaluer son impact sur ces insectes. Idéalement, il semblerait même intéressant d’intégrer dans ces évaluations la notion de moments auxquels les insectes cibles ou non cibles sont présents sur le champ. Les quantités de protéines synthétisées étant fluctuantes, quel sens donner à une quantité maximale de protéine qui intervient à un moment particulier du développement de la plante si les insectes ciblés sont présents à un autre moment ?

Dès lors, le travail d’évaluation des risques apparaît complexe et nécessite de nombreuses données scientifiques précises. Les travaux publiés par Yu et al., et leur comparaison avec les données utilisées pour évaluer les risques liés au soja MON87701, montrent que la question « quelle quantité de protéine Cry est produite par une plante GM ? » n’a pas encore de réponse précise aujourd’hui.

La même protéine Bt retrouvée dans des arthropodes non cibles

Souhaitant suivre le devenir de la protéine Cry1Ac dans la chaîne alimentaire, les chercheurs ont prélevé des arthropodes présents dans le champ et ont calculé la quantité de Cry1Ac présente dans leurs organes. 17 espèces d’arthropodes contenaient de la protéine Cry1Ac sur 50 espèces. La plus forte quantité a été détectée chez des individus adultes de l’herbivore Atractomorpha sinensis de la famille des sauterelles avec une quantité de 16,24 µg/g, soit « près de la moitié de la quantité retrouvée dans les feuilles de soja ». Les quantités détectées chez d’autres arthropodes herbivores [5] représentent entre 1 et 10% de la quantité trouvée dans les feuilles de soja. La protéine Cry1Ac a également été détectée chez des arthropodes « prédateurs » (c’est-à-dire se nourrissant également de proies et non seulement de tissus végétaux) [6]. Pour ce type d’arthropodes, les auteurs précisent que leur exposition à la protéine Cry1Ac est variable puisque dépendant de « la proie consommée, du moment de la dernière consommation et si les prédateurs ont directement mangé des tissus végétaux comme du pollen ».

Enfin, la protéine Cry1Ac a aussi été détectée chez des araignées. Pour les chercheurs, cela indique que « des voies d’exposition [à la protéine Cry1Ac] existent pour ces araignées dans les champs de soja ». Joerg Romeis nous a d’ailleurs précisé qu’ « il est intéressant de suivre la toxine (ndlr, dans la chaîne alimentaire). Considérant qu’elle va se diluer, une espèce prédatrice se nourrissant d’herbivores qui ont consommé du matériel végétal de plante Bt sera moins exposée que les herbivores eux-mêmes ». Une connaissance importante selon lui pour mieux élaborer les analyses d’impacts sur les insectes non cibles.

[1« Acquisition of Cry1Ac Protein by Non-Target Arthropods in Bt Soybean Fields. », Yu, H. et al., 2014, PloS one, 9(8), e103973. http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0104950

[2HCB, 23 décembre 2010, avis sur le soja MON87701, http://www.infogm.org/IMG/pdf/hcb_cs_mon87701_be201079_20101223.pdf

[3Les cotons et riz étudiés ne sont pas des PGM pour lesquelles une demande d’autorisation est en cours dans l’Union européenne. Nous n’avons donc pas pu comparer les données scientifiques avec celles fournies par les pétitionnaires

[4Afssa, 30 avril 2008, avis sur le maïs Mon810, http://www.infogm.org/IMG/pdf/afssa_mon810_renew_20080430.pdf

[5comme les Cicadella vividis, Lyguus, Dolycoris baccarum et Halyomorpha halys

[6comme par exemple, Chrysoperla, Propylea japonica ou encore Geocoris pallidipennis

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