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FRANCE – La loi d’interdiction des OGM adoptée par le Parlement est « conforme à la Constitution »

Par Christophe NOISETTE, Pauline VERRIERE

Publié le 28/05/2014

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La loi d’interdiction de tous les maïs génétiquement modifiés (OGM) a été adoptée à l’Assemblée nationale le 15 avril 2014. Le 5 mai, elle a été examinée par le Sénat et adoptée (par 172 voix pour et 147 voix contre) [1]. 65 députés et 81 sénateurs, majoritairement de l’UMP, ont attaqué cette loi devant le Conseil constitutionnel : ce dernier a cependant considéré, le 28 mai 2014, que cette loi « est conforme à la Constitution » [2].

15 avril 2014 – La loi est adoptée par l’Assemblée nationale

A l’Assemblée nationale, la loi d’interdiction de tous les maïs génétiquement modifiés (OGM) avait été adoptée le 15 avril. La motion d’irrecevabilité, présentée par l’UMP, avait été rejetée. Tout comme l’amendement du groupe Ecolo pour étendre l’interdiction à tous les OGM qui produisent un insecticide ou tolèrent un herbicide, lui aussi rejeté. Au cœur du débat parlementaire, la recherche, l’innovation, le progrès : si pour l’UMP, cette loi fera de la France un pays rétrograde, influencé par les vendeurs de peur et autres obscurantistes, pour le parti socialiste, ce texte n’empêchera pas la recherche, il en encadrera les applications industrielles. Les Verts, eux, ont défendu une autre vision du progrès agricole : l’agro-écologie. Un dialogue de sourds, reflétant un clivage gauche / droite très « politicien » et convenu, qui avait duré plus de trois heures…

5 mai 2014 – La loi est adoptée par le Sénat

Au Sénat, le 5 mai, la séance a été tout aussi polarisée qu’à l’Assemblée nationale, trois semaines plus tôt. La question des PGM ne recoupe pourtant pas l’échiquier politique classique et les mesures d’interdiction du maïs MON810 ont été prises tout autant par l’UMP que par le PS, comme l’a rappelé le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll ou le rapporteur, Daniel Raoul [3]. L’unique amendement déposé, celui du sénateur UDI Lasserre, qui visait à affirmer le principe de la recherche en champs dans le texte de loi («  les expérimentations de plein champ sous contrôle sont autorisées »), a été rejeté (à une faible majorité, 169 voix contre 161).

Si l’UMP a appelé à voter contre ce projet de loi, le groupe UDI s’est montré divisé. Ainsi, Chantal Jouanno (ex-ministre de l’Environnement) a pris la parole pour préciser que le maïs GM n’avait pas d’intérêt économique, et que les risques environnementaux étaient en parti avérés [4]. « En tant que parlementaire, je reste attachée à cette interdiction. (…) Peut-être trouverons-nous un jour des OGM intéressants pour la société. À ce jour, nous n’en avons pas trouvé. C’est pourquoi il est essentiel que nos agriculteurs ne soient pas otages – c’est bien le mot – de cette forme de production d’OGM », a-t-elle notamment affirmé.

A noter que le Sénateur Bizet a ironisé en évoquant les semis de maïs MON810 réalisés par les agriculteurs « dans la petite fenêtre de tir » qu’ils ont su mettre à profit [5]. Cependant, le Conseil d’État vient de considérer qu’il n’y a pas d’urgence à suspendre l’arrêté d’interdiction du MON810 et, qu’en attendant le jugement sur le fond, les cultures sont illégales [6].

Mai 2014 – La loi est confirmée par le Conseil constitutionnel

150 parlementaires, principalement de l’UMP (droite), avaient attaqué cette loi devant le Conseil constitutionnel. Le 24 mai 2014, le Conseil constitutionnel a établi que « la loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifiés est conforme à la Constitution » [7].

Tout d’abord, la loi en cause, affirmaient les Parlementaires, serait contraire au droit européen et de ce fait, ne respecterait pas le principe de primauté du droit européen, un principe inscrit dans la Constitution française. Or, le Conseil constitutionnel rappelle que si son rôle consiste à vérifier que les lois françaises respectent bien la Constitution, en revanche, il n’a pas à vérifier cette conformité par rapport au droit européen. Une jurisprudence qui date de 1975…

En revanche, le Conseil constitutionnel précise que cette compétence appartient « aux juridictions administratives et judiciaires ». Pour autant, il n’est pas possible d’attaquer directement une loi quant à sa conformité par rapport au droit européen devant les tribunaux. Il n’existe pas de procédure similaire à celle utilisée par les sénateurs et parlementaires. C’est seulement l’expression de la loi qui peut être attaquée et permettrait d’évoquer la question de la conformité au droit européen. Prenons un exemple : si la loi qui nous intéresse ici ne peut pas être attaquée directement devant les tribunaux, en revanche, un arrêté de destruction de parcelles de cultures GM illégales, pris en application de cette loi, lui, pourrait effectivement être attaqué. Une procédure au cours de laquelle les détracteurs de cette loi pourraient alors évoquer l’épineux problème de sa conformité au droit européen. Une situation qui ne sera a priori envisageable qu’à partir des semis 2015. Les cultures réalisées en 2014 [8] sont illégales du fait de l’arrêté d’interdiction du 14 mars et de la décision en référé suspension du Conseil d’État. La loi d’interdiction des maïs OGM n’était pas encore entrée en vigueur aux moments des semis de MON810.

Autre élément soulevé par les parlementaires, la loi serait également inconstitutionnelle car elle ne respecterait pas le principe de précaution (lui-même inscrit dans la Constitution). Ce principe prévoit en effet « des mesures provisoires et proportionnées » dans l’attente d’une évaluation des conséquences possibles d’une situation. Or, comme le souligne le Conseil, la loi ne s’appuie pas sur le principe de précaution, elle n’a donc aucune obligation d’instaurer une limite de temps à ses effets, ni même les autres conditions de ce principe.

A l’heure où les juges sont accusés par les partisans des biotechnologies végétales de faire de la politique (cf. l’affaire de Colmar), le Conseil constitutionnel a bien fait son travail en toute objectivité et rigueur. On ne peut reprocher aux personnes présentes d’être à la solde des écologistes ou de la gauche. Parmi eux, nous retrouvons des anciens élu-e-s de l’UMP (Jean-Louis Debré, Valéry Giscard d’Estaing, ou Hubert Haenel), des anciens élus socialistes ou proches (Michel Charasse, Nicole Belloubet, ancienne vice-présidente du Conseil régional Midi-Pyrénées, ou Nicole Maestracci, une figure importante du Syndicat de la Magistrature). Mme Claire Bazy Malaurie, proche de l’UMP, a été nommée par M. Accoyer en personne, fer de lance de l’opposition à cette loi… Enfin Renaud Denoix de Saint Marc est membre de l’Académie des sciences morales et politiques et Guy Canivet, membre de la British Academy.

[1L’UMP a voté contre le projet de loi à l’exception de François Grosdidier. Fabienne Keller s’est, elle, abstenue. A l’UDI, centre, quatre ont voté pour, huit contre et 20 se sont abstenus. Quant au Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, dix voix pour, cinq contre (dont Jean-Pierre Chevènement), et trois abstentions. Détail en ligne : http://www.senat.fr/scrutin-public/2013/scr2013-170.html

[3« Ce texte n’a rien de révolutionnaire : il se place dans la continuité de la position constamment affirmée par les autorités françaises, au-delà des alternances politiques ».

[4« Les questions relatives au maïs OGM demeurent : son intérêt pour la société, sur les plans économique, environnemental ou sanitaire n’est pas avéré. Il demeure des incertitudes sinon sur le plan sanitaire – je n’irai pas sur ce terrain extrêmement controversé –, mais en tout cas sur le plan environnemental ».

[5« Vous [Le sénateur Bizet s’adresse au ministre de l’Agriculture] avez souhaité empêcher par tous les moyens les semis de maïs OGM cette année, mais vous n’avez pas tenu le calendrier, car, comme vous l’avez reconnu vous-même, certains ont semé, et tout à fait légalement, il est vrai dans un court laps de temps. C’est le propre des agriculteurs de savoir jouer de fenêtres de tir excessivement courtes ! »

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