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Droits de propriété sur les semences : le Chili repousse son adhésion à la version actualisée (1991) de l’UPOV

Par Frédéric PRAT

Publié le 26/03/2014

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Le gouvernement et la majorité de centre gauche au parlement nouvellement élu ont retiré, le 17 mars 2014, une série de projets de lois déposés par l’administration de Piñera (centre droite), dont celui sur l’adhésion du Chili à l’Union internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) dans sa version de 1991 (le Chili est en effet déjà adhérent de l’UPOV depuis 1996, mais seulement dans sa version de 1978) (voir l’encadré dans cet article). Juste une petite victoire pour les opposants à cette loi qu’ils appelaient « la loi Monsanto », car il ne s’agit que d’une suspension, le temps de la réflexion.

Le projet de loi sur les certificats d’obtention végétale (COV) avait été introduit par le Congrès en 2009, pendant le premier mandat (2006-2010) de Michelle Bachelet (la présidente socialiste, réélue en décembre 2013). Aux dires de la présidente, il s’agissait « d’impulser la recherche et le développement de nouvelles variétés végétales et d’améliorer la productivité agricole nationale », en protégeant davantage les obtenteurs. Quelques articles de cette loi avaient d’ailleurs été votés juste avant l’élection d’un nouveau président, en 2010, ce qui montre deux choses : la volonté à l’époque de ratifier rapidement l’UPOV 91 (sous la pression des semenciers ?) ; et celle aujourd’hui du gouvernement de répondre aux aspirations « de la rue », qui s’était beaucoup mobilisée contre ce projet de loi.

En effet, depuis, une trentaine d’organisations paysannes et écologistes (dont les agriculteurs bio) s’étaient mobilisées rapidement pour le retrait de cette loi, qui, selon elles, aurait renforcé le monopole des industries semencières : « cette loi constitue une menace d’appropriation du patrimoine naturel et biologique pour que quelques entreprises grossissent leurs bénéfices (…). Les nouveaux droits de l’obtenteur contenus dans cette loi liquident les droits ancestraux des paysans à garder leur semence, l’échanger et à disposer librement du produit de leurs récoltes », affirmaient-ils.

La secrétaire générale de la Présidence, Ximena Rincón, ancienne sénatrice et l’un des fers de lance de la mobilisation citoyenne, a déclaré à la presse que l’objectif de ce retrait était de « faire une analyse qui reprenne tout ce que l’on a fait en la matière dans notre pays et au niveau international, et qui protège les droits des communautés agricoles, des petits et moyens producteurs, et le patrimoine des semences de notre pays ». Le projet pourra donc être rediscuté après que le débat aura été mené [1].

A noter que le Chili n’a pas autorisé la culture commerciale de PGM (plantes génétiquement modifiées) pour un usage national, mais uniquement pour la production de semences, notamment pour l’Union européenne et les États-Unis [2] [3]. Mais cette activité n’implique pas, selon les opposants, une adhésion à l’UPOV 91, puisqu’ils enregistrent leurs semences au Chili avec la législation actuelle (UPOV 78). De même, d’autres pays producteurs de semences comme la Nouvelle Zélande, ou à haut potentiel de biodiversité, comme le Brésil ou la Chine, ne sont pas non plus inscrits à l’UPOV 91 [4].

Le calendrier des discussions n’a pas encore été fixé.

UPOV, mais encore ?

L’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) est une organisation intergouvernementale ayant son siège à Genève (Suisse).

L’UPOV a été établie par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales. La Convention a été adoptée à Paris en 1961, et celle-ci a été révisée en 1972, 1978 et 1991.

L’objectif de cette convention est double : protéger les obtenteurs de nouvelles variétés végétales, par un certificat d’obtention végétale (COV) qui permet à l’obtenteur de récupérer des royalties lors de l’utilisation de sa variété ; et permettre aux autres obtenteurs de repartir d’une variété du marché – i.e. protégée par un COV – pour recréer une nouvelle variété, sans rien devoir à l’obtenteur initial : c’est le privilège de l’obtenteur. Du moins, elle permettait cela jusqu’en 1991, puisqu’à cette date, la nouvelle convention impose que la nouvelle variété créée ne soit pas « essentiellement dérivée » [5] de l’ancienne, faute de quoi la nouvelle variété appartient toujours à l’ancien obtenteur.

Les pays adhérents à l’UPOV 78 ne sont pas obligés de passer à l’UPOV 91. Par contre, une nouvelle adhésion ne peut se faire qu’à la version 91 de l’UPOV.

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