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UE – Le Parlement européen rejette en bloc le règlement semences

Par Frédéric PRAT

Publié le 12/03/2014

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650 voix contre 15 : c’est le résultat du vote du 11 mars du Parlement européen, au sujet du « règlement semences » proposé par la Commission européenne [1]. Pour les uns, joli camouflet adressé à une Commission en fin de mandat, pour les autres, craintes des parlementaires d’aborder un dossier trop politique à deux mois des élections européennes. Un vote qui peut provoquer le retrait pur et simple de cette proposition ou son simple amendement par le Conseil et son retour en seconde lecture au nouveau Parlement. Prudent, le commissaire européen chargé de la Santé, Tonio Borg, a juste annoncé qu’il allait examiner quelle suite donner au rejet du texte par le Parlement [2]

Après plus de cinq années de discussions avec les parties prenantes (privées, publiques, ONG), une proposition de nouveau règlement sur les semences avait été présentée le 6 mai 2013 par la Commission européenne, parmi un paquet de cinq propositions rentrant dans le cadre de la « Better regulation » [3]. Concernant l’enregistrement des variétés et la certification des semences, ce règlement introduisait la possibilité d’inscrire des populations hétérogènes, ainsi que certaines dérogations pour les micro-entreprises, notamment aux obligations d’enregistrement des variétés et de paiement de redevance.

La délégation socialiste française au Parlement européen a justifié ce vote par un flou trop important de cette proposition, mais surtout un calendrier inapproprié : « le calendrier ne donnait pas assez de temps au Parlement, avant les élections européennes, pour examiner attentivement et sérieusement les plus de 1400 amendements qui avaient été déposés » [4].

Autre explication avancée par l’élu socialiste italien Paolo De Castro, au nom de la commission Agriculture du Parlement européen : « Nous craignons que la fusion de 12 directives en un seul règlement – directement applicable – n’offre pas de marge de manœuvre suffisante aux États membres pour adapter les règles proposées à leurs besoins ».

Pour l’association européenne des semences (ESA), « le Parlement européen a laissé passer l’opportunité de remodeler une nouvelle loi sur les semences [alors qu’il] avait pour la première fois un vrai pouvoir de co-décision (…). C’est bien dommage », a déclaré son secrétaire général, Garlich von Essen [5].

La Confédération paysanne rappelle quant à elle « qu’entre temps c’est la réglementation actuelle qui s’applique, celle qui restreint de manière inacceptable les droits des paysans d’échanger leurs semences et d’accéder à la biodiversité cultivée ». Elle souligne « que ce règlement fait partie d’un « paquet » législatif qui comprend 4 autres propositions de règlement (Contrôles, Santé des Plantes, Santé Animale et Cadre Financier) » et souhaite que le Parlement européen les rejette également. Elle assigne au nouveau Parlement européen, qui sera élu en mai, le devoir de reconnaître « enfin le droit des paysans et des jardiniers d’échanger leurs semences, et [d’ouvrir] largement le marché des semences à toute la biodiversité disponible sans la contraindre par les normes imposées par l’industrie » tout en refusant l’ouverture du marché aux semences brevetées et aux OGM [6].

Quant au réseau Semences paysannes, il réagit par la voix de son délégué général, Guy Kastler : « Les cartes sont désormais entre les mains de la Commission et du Conseil, libres de faire évoluer le texte à leur guise. En seconde lecture, le prochain Parlement (dont la composition ne nous sera pas nécessairement plus favorable) aura beaucoup moins de marge de manœuvres pour amender. Et un deuxième rejet total nous amènera à garder les directives actuelles sans les quelques ouvertures de la nouvelle proposition de règlement (échanges entre agriculteurs et amateurs, matériels de niche et hétérogène, enregistrement gratuit pour micro-entreprises…), directives qui seront balayées par le Tafta [Traité transatlantique de libre échange entre les États-Unis et l’UE] s’il aboutit. Par contre, les règlements contrôles, santé des plantes et des animaux, qui sont bien pires, semblent passer inaperçus. Nous devons maintenant tout faire pour que le Parlement les rejette aussi le 14 avril ».

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