Il accompagne souvent les repas de fêtes : le foie gras est un produit associé au terroir et aux savoir-faire de son élaboration. Depuis plusieurs années, ce lien a été reconnu par l’IGP Canard à foie gras du Sud-Ouest, qui représente près de 50% de la production nationale de foie gras [1].
L’indication concerne aussi bien des petits producteurs indépendants que de plus grandes marques (Labeyrie, Delpeyrat, Montfort...) et des marques de la grande distribution (Reflets de France – Carrefour, Casino Délices, Nos régions ont du talent – Leclerc...) [2].
L’une des principales conditions de l’attribution de cette IGP est que l’élevage soit réalisé dans le Sud-Ouest, sur le territoire précisément décrit par le cahier des charges. Cette condition est loin d’être la seule. L’alimentation des canards fait notamment l’objet d’une description précise. Qu’en est-il de la question des OGM ? Autorisés ou pas dans l’alimentation des canards ?
L’IGP Canard à foie gras du Sud-Ouest n’interdit pas spécifiquement les OGM dans son cahier des charges. Au moment de sa création, dans les années 90, la question des OGM « n’était pas à l’ordre du jour », nous confie un représentant de l’Association pour la promotion et la défense des produits de palmipèdes à foie gras du Sud-Ouest, en charge de cette IGP. Et pour l’instant, il n’est pas question de le modifier, face à la lourdeur de cette procédure...
À l’heure actuelle, ce cahier des charges [3] distingue deux périodes dans l’alimentation des animaux : l’élevage et le gavage, avec une alimentation spécifique à chaque période (voir encadré), composée principalement de maïs et de légumineuse. Le maïs est incorporé progressivement à partir du 43e jour de vie de l’animal pour devenir l’élément essentiel de son alimentation pendant la période de gavage (qui dure au minimum une dizaine de jours, sur les 90 environ de la vie totale de l’animal).
Elevage et gavage : l’alimentation obligatoire
« 7.2.4 Alimentation en élevage
L’alimentation doit permettre un développement harmonieux de l’animal, sans engraissement excessif.
Matières premières utilisées
De 1 à 42 jours d’âge, la ration alimentaire est composée d’au moins 50 % de :
céréales,
issues de céréales,
légumineuses.
De 43 jours d’âge à la mise en gavage, la ration alimentaire est composée d’au moins 70 % minimum de :
céréales,
issues de céréales,
légumineuses.
La formulation de l’alimentation à partir du 43e jour, doit faire apparaître :
un minimum de 15 % d’incorporation de maïs,
un maximum de 40 % d’incorporation de blé (hors issues de blé),
et un maximum de 20 % d’issues de céréales. »
« 7.3.3 Alimentation en gavage
Les canards sont gavés pendant 10 jours minimum et 20 repas minimum.
Les matières premières utilisées sont les suivantes :
95 % de la matière sèche en extrait sec de l’alimentation durant le gavage doit être du maïs sans résidu de maïs ;
ce maïs doit être originaire du Sud-Ouest. (zone définie au chapitre V) ;
Le maïs peut être administré sous forme de grains entiers et/ou broyés ;
En sus du maïs et dans la limite de 5 %, d’autres matières premières peuvent être ajoutées dont les céréales, la graisse de canard ou d’oie, les huiles végétales, le sel. »
Jusqu’à présent, une petite phrase de ce cahier des charges permettait d’exclure le maïs génétiquement modifié pendant la période de gavage, le maïs devant être originaire du Sud-Ouest. La France interdisant les cultures de maïs GM sur son territoire, de fait, il n’était pas possible de trouver du maïs GM originaire du Sud-Ouest. Mais depuis le 1er août 2013, la culture du maïs MON810 est à nouveau autorisée en France et si le gouvernement ne fait rien d’ici les prochains semis, les OGM pourraient à nouveau se retrouver dans les champs français, et du coup dans l’alimentation des canards...
Le gavage reste cependant une période courte dans la vie de l’animal, et les OGM peuvent allègrement être inscrits dans le reste du menu des palmipèdes, c’est au choix du producteur. Un choix que certains ont décidé de ne pas faire, en excluant totalement les OGM de l’auge des canards (Labeyrie...) [4], sans toutefois forcément utiliser l’étiquetage « sans OGM » prévu à cet effet, ce qui simplifierait pourtant les choses pour le consommateur.
Il existe pourtant bel et bien une filière « sans OGM » pour l’alimentation des palmipèdes. La coopérative Euralis (dont le groupe possède également les marques de foie gras Montfort et Rougié), certifie ses filières « sans OGM < à 0,9% » mais leurs marques ne sont pas engagées dans une démarche « sans OGM », c’est-à-dire qu’elles n’utilisent pas l’étiquetage et ne garantissent pas une alimentation « sans OGM » sur l’ensemble de la vie de l’animal. Maïsadour, groupe et coopérative, qui possède notamment la coopérative Sud-Ouest aliment et les marques de foie gras Canard du Midi, Delpeyrat et Sarrade, n’a pas souhaité répondre à nos questions concernant l’existence d’une filière sans OGM dans leurs coopératives, ni son éventuelle utilisation pour les foies gras des marques citées...
Pour l’Association de défense de l’IGP, ce n’est en tout cas pas à elle de se saisir de cette question, mais plutôt à chaque producteur et marque de se positionner. Rappelons que l’étiquetage « issu d’animaux nourris sans OGM » ne peut être utilisé que lorsque l’alimentation sans OGM concerne toute la durée de vie de l’animal [5], il ne pourra donc pas concerner uniquement le maïs. Un choix d’autant plus judicieux, que les consommateurs ne peuvent pas se référer au label bio pour éviter les OGM dans l’alimentation des animaux, la pratique du gavage étant interdite par le label [6]. Malgré les lourdeurs de la procédure, qui n’ont pourtant pas effrayé bon nombre d’AOC, l’IGP foie gras du Sud-Ouest pourrait être bien inspirée de clarifier ce point pour l’ensemble des producteurs pour aboutir à plus de transparence pour les consommateurs. Il n’est déjà pas simple de vérifier pour chaque AOC ou IGP ce qu’il en est, autant dire qu’il est impossible de faire le tri entre chaque marque et chaque producteur.