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UE – L’AESA ne peut conclure sur la sécurité sanitaire d’un maïs OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 27/06/2013

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Le 20 juin 2013, les experts européens de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA) ont déclaré « ne pas pouvoir finaliser l’évaluation du maïs 3272 et, en conséquence, ne pas pouvoir conclure sur la sécurité [sanitaire] de ce maïs » [1]. C’est donc la seconde fois que l’AESA déclare ne pas pouvoir conclure sur l’ensemble d’un dossier.

Le maïs génétiquement modifié 3272, mis au point par Syngenta, est l’objet d’une demande d’autorisation commerciale pour l’importation et l’alimentation humaine et animale (dossier UK/2006/34). Il ne s’agit pas d’un classique « OGM pesticide ». En effet, ce maïs a été modifié afin de produire une enzyme (alpha-amylase 797GL3) qui permet la transformation de l’amidon en éthanol. Syngenta explique que cette PGM permettra de ne plus avoir recours à cette même enzyme produite par des micro-organismes. La première destination de ce maïs GM est donc la transformation industrielle, mais Syngenta a malgré tout souhaité aussi une autorisation pour l’alimentation car les restes du maïs après transformation pourront être utilisés pour nourrir les animaux. Cette autorisation permettrait aussi de couvrir Syngenta en cas de découverte de traces de ce maïs dans des lots destinés à l’alimentation humaine du fait de la très grande perméabilité des filières.

Mais les experts de l’AESA ont fait le constat d’un dossier déficient et lacunaire. En premier lieu, ils indiquent que Syngenta a fait un mauvais choix en comparant la composition de ce maïs 3272 à celle de maïs issus de parents GM, ces derniers n’étant pas « une contre-partie [de la PGM analysée] conventionnelle avec un historique d’utilisation sans problème sanitaire » comme l’indiquent les lignes directrices de l’AESA. D’autre part, les données complémentaires fournies par Syngenta n’étaient pas suffisamment représentatives de différents lieux de culture et avaient une puissance statistique d’analyse insuffisante. Conséquence directe : les experts de l’AESA n’ont pas pu établir si la toxicité d’autres constituants que la protéine transgénique nécessitait d’être analysée du fait d’un changement de leur quantité.

La même « erreur » de Syngenta est reprochée pour les analyses de toxicité de la plante entière sur rats. L’AESA explique donc ne pas avoir évalué les résultats d’analyses présentés, tout comme ceux d’alimentarité sur poulets.

Concernant l’analyse de l’allergénicité de la protéine transgénique, les experts européens reprochent à Syngenta d’avoir fourni un dossier incomplet, sans les données bibliographiques et expérimentales nécessaires. Par ailleurs, l’analyse de la composition de la plante entière étant déficiente, les experts n’ont pu évaluer l’allergénicité de la plante entière. Car pour une telle évaluation, il leur est nécessaire de connaître, entre autres, les différences de composition éventuelles afin de s’intéresser à ces éléments particuliers. S’ils ne sont pas connus, il n’est pas possible de les analyser.

Les experts français avaient déjà exprimé des doutes

De leur côté, les experts français de l’Anses avaient également souligné des lacunes de données dans le dossier, mais différentes de celles mises en avant par les experts européens. Pour les français, l’enzyme transgénique introduite pour intervenir dans la production d’éthanol peut conserver une certaine activité après la fermentation. Le procédé de fermentation résulte, après distillation, en trois produits que sont l’éthanol, le CO2 et des résidus de graines solubles et solides. Ces résidus de graines sont « communément utilisé dans la nourriture pour animaux » selon les experts français et Syngenta prévoit d’ailleurs leur utilisation comme telle dans sa demande d’autorisation. Mais, selon les experts français, Syngenta n’a pas évalué la quantité d’enzymes présentes et l’activité résiduelle potentielle dans ces résidus. Une donnée qu’ils considèrent indispensable pour évaluer si ces « co-produits présentent le même niveau de sécurité sanitaire que les co-produits issus d’un maïs conventionnel ».

Voici donc un avis de l’AESA qui devrait conduire la Commission européenne à proposer aux États membres un refus d’autorisation pour ce maïs. Sauf si, à l’instar de Pioneer pour le maïs 98140 [2] [3], Syngenta décide de retirer sa demande avant décision de la Commission européenne. Ou qu’elle en modifie le contenu comme Monsanto l’a fait avec le colza Gt73 [4]. Les entreprises se montrent toujours vigilantes à éviter un refus formel en retirant ou ajustant leur dossier. Car, il leur serait assez préjudiciable de se voir reprocher une évaluation préalable des risques sanitaires ou environnementaux mal faite, à elles qui se sont toujours targuées de faire une « bonne science ».

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