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ÉTATS-UNIS – Du blé OGM illégal retrouvé dans l’Oregon, puis dans le Montana

Par Christophe NOISETTE

Publié le 29/09/2014

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Le 29 mai 2013, le ministère étasunien à l’Agriculture (USDA) confirmait sur son site internet [1] que, bien que non autorisé, du blé génétiquement modifié (GM) résistant au Roundup (MON71800) avait été retrouvé dans l’État de l’Oregon. Le 26 septembre 2014, l’USDA annonçait la fin de l’enquête concernant cette contamination et concluait « que la présence du blé génétiquement modifié semble n’être qu’un incident isolé [2] ». Tellement isolé que dans le même document, l’USDA annonce que ses services ont ouvert une autre enquête : du blé GM a été découvert dans le Montana…

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L’USDA a fait analyser par ses laboratoires plusieurs échantillons. L’USDA précise dans son communiqué de presse que « les analyses indiquent la présence de la même variété de blé résistant au glyphosate que celle que Monsanto avait été autorisé à expérimenter en champs entre 1998 et 2005 » [3]. Ce blé GM avait en effet été expérimenté sur plus de 4000 hectares entre 1998 et 2005 dans 16 États : Arizona, Californie, Colorado, Floride, Hawaï, Idaho, Illinois, Kansas, Minnesota, Montana, Nebraska, Dakota du Nord, Oregon, Dakota du Sud, Washington et Wyoming. Dans l’Oregon, huit essais en champs ont été menés entre 1999 et 2001. Le Center for Food Safety demande un moratoire sur les essais en champs de PGM tant que les circonstances et l’ampleur de cette contamination ne seront pas déterminées.

La présence de ce blé GM avait été signalée à l’USDA par un scientifique de l’Université de l’État de l’Oregon, prévenu par un agriculteur qui souhaitait se « débarrasser » de ce blé qui repoussait entre ses récoltes et l’avait aspergé de Roundup… en vain.

Rappelons qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun blé transgénique autorisé à la culture commerciale, ni aux Etats-Unis ni au niveau mondial. Mais l’USDA annonce que « la détection de cette variété de blé ne pose aucun problème de sécurité sanitaire », étant donné que la Food and Drug administration (FDA), l’organe en charge de l’évaluation sanitaire des PGM, avait conduit une évaluation « volontaire » de ce blé en 2004.

Rassuré par la FDA, l’USDA annonce vouloir comprendre « les circonstances et l’ampleur de cette situation et comment cela a pu se produire. […] L’USDA va mettre toutes les ressources nécessaires à cette enquête ». Le ministère rappelle que la loi sur la protection des végétaux prévoit des pénalités importantes (pouvant atteindre le million de dollars) en cas d’infractions graves. Mais l’USDA poursuivra-t-elle Monsanto et sa gestion plus que hasardeuse de ses essais en champs ?

Suite à cette enquête, l’USDA déclare « n’avoir pas trouvé de preuve de ce blé GM dans le commerce », suite à l’analyse de 100 prélèvements réalisés auprès d’entreprises qui ont acheté ou vendu la même variété certifiée de blé que celle cultivée dans le champ problématique. Malgré une enquête de plus de 16 mois, 291 entretiens et un rapport final de 12 842 pages, l’USDA déclare « être incapable de déterminer exactement comment le blé GM s’est retrouvé à pousser dans le champs de l’agriculteur ».

Du blé GM dans le Montana découvert en 2014

Au cours de son enquête, l’USDA a découvert une autre source de contamination. Entre 2000 et 2003, le Centre de recherche agricole du sud de l’Université d’état du Montana (Montana State University’s Southern Agricultural Research Center, SARC), à Huntley, avait été autorisé à expérimenter en champs du blé transgénique. Cette expérimentation avait été réalisée en lien avec l’entreprise Monsanto. D’après les tests génétiques, ce blé est « significativement différent » de celui découvert l’année précédente dans l’Oregon, même s’il était, lui aussi, modifié pour tolérer le Roundup. En revanche, contrairement à la variété de l’Oregon, celle découverte dans le Montana « est moins génétiquement diversifiée et plus proche des variétés commerciales connues de blé ». Ce qui confirme que la contamination dans l’Oregon n’a pas comme origine les essais en champs dans le Montana. A nouveau, l’USDA se veut rassurante et souligne que ce blé avait été évalué par la FDA et qu’il ne présentait aucun risque sanitaire. C’est le 14 juillet 2014 que l’USDA a été informé qu’un blé « suspect » poussait sur les terres de ce Centre de recherche.

La contamination est une des stratégies pour favoriser les autorisations commerciales et la diffusion des variétés transgéniques. Cette stratégie a déjà été utilisée au Brésil avec les variétés de soja Roundup Ready venues d’Argentine, en Inde avec le coton Bt, etc. Depuis plus d’une décennie, du blé GM est sur le point d’être autorisé mais les pays importateurs de blé, à l’instar de l’Italie, ne souhaitent pas de ces variétés transgéniques… Monsanto, dans un communiqué de presse, rappelle « avoir arrêté le développement des variétés de blé GM en mai 2004 suite à l’annonce faite par le Bureau du Blé Canadien, le plus important négociant en blé, que les dix plus gros marchés de blé, comme le Japon, le Royaume-Uni, ou la Malaisie, n’accepteraient pas ces variétés ».

Le Japon, la Corée et Taïwan avaient alors, en 2013, annoncé leur intention de bloquer les importations de blé en provenance des États-Unis pour ne pas risquer d’importer des blés contaminés. Le ministre de l’Agriculture japonais avait d’ailleurs annulé son projet d’acheter près de 25 000 tonnes de blé [4] aux Etats-Unis, selon Hiromi Iwahama, directeur du commerce des grains au ministère. D’autres marchés devraient aussi se fermer, selon les informations des associations Union of Concerned Scientists ou Center for Food Safety. Or, 90% du blé cultivé dans l’Oregon est destiné à l’exportation. Face à cette situation, Michael T. Scuse, un haut responsable de l’USDA, a déclaré : « Nous espérons que nos partenaires commerciaux comprendront que ce n’est pas un problème de sécurité sanitaire des aliments ». Mais ces pays ont été convaincus que cette contamination était « limitée » et en juillet 2013, le Japon et la Corée levaient leur restriction. Ainsi, en septembre 2014, l’USDA précisait que « actuellement, tous les marchés acceptent le blé des États-Unis et [qu’] aucune restriction commerciale n’est instauré ».

Quant aux producteurs de blé biologique, ils s’inquiètent aussi de cette contamination qui pourrait avoir des conséquences économiques importantes.

Les stratégies agressives des multinationales semencières, et la recrudescence des recherches sur le blé transgénique [5] nous autorisent à nous poser cette question : Monsanto a-t-il décidé de forcer la main aux pays réfractaires en favorisant une faible contamination des champs de blé étasuniens ?

Deux comtés de l’Oregon interdisent les OGM


La contamination d’un champ commercial par du blé transgénique a (re)mobilisé les opposants aux OGM. Devant cette mobilisation, et la possibilité que des moratoires surgissent dans les comtés, le 2 octobre 2013, l’état de l’Oregon a adopté une loi qui interdit aux comtés de légiférer sur les OGM. 

Malgré cette loi le 20 mai 2014, deux comtés de l’Oregon, Josephine et Jackson, ont interdit suite à un referendum d’initiative populaire (ballot) la production et la culture des plantes transgéniques, à l’exception des OGM destinés à un usage médical.

Une initiative similaire est actuellement en cours dans d’autres comtés, comme celui de Benton.

Un projet de loi pour rendre l’étiquetage des OGM obligatoire est aussi sur la sellette. Rendez-vous début novembre…

En savoir plus : Charlotte KRINKE,
Christophe NOISETTE, « OGM – Bataille législative et judiciaire dans l’Oregon : nouvel épisode », Inf’OGM, 24 avril 2017

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