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OGM : impacts de la protéine modifiée Bt sur la faune aquatique

Par Eric MEUNIER, Christophe NOISETTE

Publié le 06/02/2015

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L’évaluation des impacts environnementaux des plantes génétiquement modifiées (PGM) qui produisent, par elles-mêmes, un insecticide Bt, s’est aussi intéressée aux animaux aquatiques. En effet, il a été montré – notamment dans les cours d’eau du Midwest étasunien [1] – que les feuilles, tiges et autres épis de maïs se retrouvaient dans les rivières et que la protéine insecticide était détectable non seulement dans ces résidus de récolte mais aussi parfois directement dans l’eau. Ainsi, comme cette protéine persiste dans les rivières pendant plusieurs mois, il était pertinent de s’intéresser à sa capacité à modifier l’écosystème aquatique.

Une première étude a été menée en 2008 par l’équipe du Pr Bohn (Centre de Biosécurité, Université de Tromso, Norvège) [2]. Cette équipe a montré que le maïs Bt avait des impacts négatifs sur les puces d’eau Daphnia magna, un arthropode couramment utilisé par les scientifiques comme animal modèle dans les études d’écotoxicologie. Après avoir répété par trois fois leur expérience, qui consistait à nourrir des puces d’eau avec du maïs GM Bt ou non GM en suspension sur l’eau, les scientifiques ont constaté que les puces nourries avec du maïs Bt avaient une aptitude physique moindre, une mortalité plus élevée, une plus faible proportion de femelles atteignant leur maturation sexuelle et une production d’œufs globalement plus faible. La toxicité du maïs, plutôt qu’une valeur nutritionnelle moindre, est privilégiée par les scientifiques du fait de la combinaison d’une aptitude physique moindre et d’une capacité de reproduction plus faible.

Plus récemment, en 2014, des chercheurs de l’Université d’État de Bowling Green (Ohio, États-Unis) ont étudié l’impact du maïs Bt (et plus précisément de la protéine insecticide Cry1Ab qui vise notamment la pyrale du maïs – Ostrinia nubilalis) sur les écrevisses de rivières, Orconectes rusticus [3]. L’étude a été réalisée en laboratoire. Les chercheurs concluent que « après huit semaines d’exposition, il n’y avait pas de différence statistiquement significative de la croissance entre les écrevisses élevées dans un milieu contenant du maïs Bt ou un maïs isogénique non transgénique. Cependant, le taux de survie était de 31% inférieur dans le lot traité au Bt en comparaison avec celui traité avec un maïs isogénique. Ces résultats suggèrent que le maïs Bt et le maïs isogénique étaient d’une valeur nutritionnelle équivalente, mais que le maïs Bt a un effet toxique sur l’écrevisse américaine lors de l’exposition de longue durée ». Les auteurs précisent cependant que leur étude mériterait d’être refaite. En effet, précisent-ils, le phénomène observé (mortalité accrue des écrevisses) l’a été sur trop peu d’individus pour que ces résultats soient statistiquement significatifs. Interrogé par Inf’OGM, Jean-Marc Roussel, chercheur à l’Inra de Rennes, souligne que « cette faiblesse ne semble pas discutée par les auteurs, ce qui aurait pu être exigé par l’éditeur avant publication. C’est un écart assez courant, cependant, dans les journaux de cette catégorie, que de surestimer la portée de résultats basés sur un plan d’expériences peu robuste« .

Un nouveau résultat qui montre que l’évaluation des plantes Bt a encore de beaux jours devant elle… Si cette étude est à utiliser avec précautions, elle n’en est pas moins un signal de plus d’un possible effet toxique sur les animaux non cibles de l’insecticide Bt tel que produit par un maïs transgénique.

[2« Reduced Fitness of Daphnia magna Fed a Bt-Transgenic Maize Variety », Bohn T. et al., Archives of Environmental Contamination and Toxicology, mars 2008

[3Linn, M.D., Moore, P.A., « The effects of Bt corn on rusty crayfish (Orconectes rusticus) growth and survival », Arch Environ Contam Toxicol 2014 Oct 8 ;67(3):436-43

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