Inf'OGM le journal est un trimestriel de 20 pages qui vous informe sur l'actualité des OGM et des semences de façon critique et contextualisée.
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L’Europe importe massivement des plantes génétiquement modifiées (PGM) pour nourrir son bétail, notamment du maïs et du soja. Actuellement, le soja transgénique n’est pas autorisé à la culture dans l’Union européenne (UE), mais il semble difficilement tenable d’interdire de cultiver ce qui est autorisé à l’importation, sauf quand ces cultures menacent des conditions écologiques ou paysannes particulières : réserve naturelle, risque environnemental, etc. Ainsi, la question se pose de l’étiquetage négatif des produits animaux, étiquetage qui pose problème au moins en France.
La Hongrie et la France ont fait part de leur déception quant aux discussions qui ont eu lieu entre leurs experts nationaux et les membres de l’AESA. La France, dans une lettre adressée le 28 janvier 2009 (1) à Catherine Geslain-Laneelle, directrice de l’AESA, estime à propos de la rencontre du 9 octobre 2008 « qu’il convient de s’interroger sur la procédure suivie et ses modalités ». Elle note d’abord la faible participation des membres du panel OGM de l’AESA, 14 membres étant absents dont le Président, et souligne que « cette faible participation ne peut apparaître [… ] que très insuffisante pour garantir un processus d’évaluation scientifique incontestable ». Ensuite elle constate l’absence de compte-rendu rédigé par l’AESA qui aurait pu faire état des points de convergence et de divergence trouvés et note que l’avis de l’AESA du 29 octobre 2008 suite à cette réunion ne fait état que de la position du panel OGM de l’AESA. La France a donc elle-même rédigé un résumé de la discussion qu’elle a envoyé à l’AESA le 17 octobre, résumé sur lequel elle n’a reçu aucune objection de l’AESA.
Cette absence de compte-rendu et la prise en charge d’un tel exercice par les autorités nationales, sans retour de l’AESA après envoi, est un point commun des constats français et hongrois. Mais les hongrois semblent avoir une dent plus dure contre l’AESA suite à la discussion, le 11 juin 2008, entre leurs experts et ses membres. Outre l’absence d’ordre du jour ou de liste de questions qui seront discutées, la Hongrie rapporte (2) que « hormis ces questions [posées par le panel OGM], aucun autre point n’a été soulevé, que ce soient des objections, l’expression de doutes ou des remises en questions d’interprétations [scientifiques] ». Au final, la Hongrie considère que cette procédure « semble avoir été un exercice formel pour coller aux obligations procédurales de l’AESA ». Et ce gouvernement se demande même si l’AESA applique bien le Principe de Précaution dans son travail puisque « la ligne constante de refus de tout argument, données, découvertes, etc. remettant en cause une autorisation [d’une PGM] va au-delà de toute position justifiable ».
Inf’OGM a pu se procurer ces lettres (1 et 2) qu’elle mettra en ligne. Précisons que la lettre française a été signée par trois ministres : MM. Borloo et Barnier et Mme Jouanno
En décembre 2008, les ministres européens de l’Environnement adoptaient des conclusions encourageantes pour l’amélioration de l’encadrement des OGM (cf. Inf’OGM n°96) : évaluation des impacts à long terme, prise en compte des écosystèmes et zones particulières, réflexion sur l’intégration des impacts économiques... Des conclusions qui reconnaissaient implicitement les carences du dispositif actuel. Mais seulement un mois après cet accord, la Commission européenne propose la levée de tous les moratoires mis en place par les Etats-membres sur la culture des PGM. Elle propose aussi d’autoriser à la culture deux nouvelles PGM.
Tous les ans, l’Isaaa [1], organisation promotrices des biotechnologies végétales, fait la synthèse des surfaces cultivées avec des plantes GM, et, à travers des calculs énigmatiques, des estimations et des extrapolations, démontre le bien fondé des OGM pour l’environnement et les économies des pays pauvres. Les données publiées par les Amis de la Terre permettent de relativiser ces conclusions. Pour cette ONG, les réels bénéficiaires des PGM sont les entreprise semencières qui les développent.
Dans son n°95, daté novembre-décembre 2008, Inf’OGM publiait un article traitant de la définition des OGM, de ce qu’elle englobe et en bout de course, de la terminologie la plus adaptée au sigle OGM : Organisme Génétiquement Modifié ou Organisme Génétiquement Manipulé. Dans son numéro suivant (n°96), Inf’OGM continuait sa réflexion sur la question de la définition des biotechnologies et publiait une fiche technique sur la biologie synthétique. Guy Kastler, paysan et responsable du Réseau Semences Paysannes, a réagi à ces différents articles, et plus précisément sur l’approche adoptée pour essayer de définir une PGM. Nous publions bien volontiers sa réaction dans ce « courrier des lecteurs », qui pourrait devenir une nouvelle rubrique si vous nous écrivez.
9 janvier 2008 - Saisi par le gouvernement français, le Comité Provisoire de la Haute Autorité (CPHA) rend un rapport sur les connaissances scientifiques disponibles quant aux impacts potentiels du maïs Mon810 sur la santé et l’environnement. Le sénateur Legrand, par ailleurs président du CPHA, conclut à des « doutes sérieux » quant à l’innocuité du Mon810.
7 février 2008 – Fort de l’avis du CPHA, le gouvernement français, considérant que des doutes existaient quant aux impacts du Mon810 sur la santé et l’environnement, décrète un moratoire sur la culture du maïs Mon810 en France (décret modifié par un autre décret le 13 février 2008 ne changeant toutefois pas la décision initiale). Cette décision était prise en respect de l’article 23 de la directive 2001/18 (clause de sauvegarde) et 34 du règlement 1829/2003 (mesure d’urgence).
27 février 2008 - La Direction Générale de l’Environnement de la Commission européenne saisit l’AESA pour connaître son avis quant au bien fondé scientifique de la décision française.
2 juin 2008 – Afin de répondre aux demandes de la DG Environnement et de l’AESA, la France adresse un mémoire signé du Pr. Le Maho, coordinateur d’un groupe de scientifiques ayant travaillé à la demande du gouvernement français, exposant les réponses techniques de la France aux objections techniques de Monsanto sur la décision initiale.
29 octobre 2008 - L’AESA rend son avis à la Commission européenne, avis selon lequel elle considère que l’argumentaire français ne présente aucune nouvelle donnée scientifique qui permet de conclure à un risque pour la santé ou l’environnement. Le rapport « Le Maho » ne remet donc pas en cause le précédent avis européen ayant permis d’autoriser ce maïs en 1998, celui du Comité Scientifique des Plantes (Comité européen, qui s’occupait de ce dossier avant l’AESA).
12 février 2009 - Saisie par la Direction Générale de la Santé (du ministère français de la Santé), l’Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments (Afssa) rend public un avis adopté par son comité « biotechnologie » sur le contenu du rapport « Le Maho ». Cet avis, comme le précise Pascale Briand, Présidente de l’Afssa, dans un communiqué de presse, ne concerne que les aspects sanitaires du rapport « Le Maho », l’AFSSA n’étant ni saisie ni légitime pour discuter des risques sur l’environnement du maïs Mon810.
16 Février 2009 : Lors du Comité Permanent de la Chaîne alimentaire, aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée sur la proposition de la CE.
Dix ans. C’est le délai qu’il aura fallu au gouvernement et à l’Inra pour finaliser l’analyse d’échantillons de sang prélevés sur des bovins nourris au maïs insecticide Bt176. Le délai est tel que le maïs qui a servi de nourriture n’est déjà plus commercialisé. Mais qu’importe, car l’objectif était d’établir un protocole scientifique qui permettrait d’analyser des échantillons de sang à la recherche de protéines ou d’ADN transgéniques puis d’analyser ces échantillons. Une décennie pour obtenir des résultats qui indiquent finalement que de telles analyses sont possibles mais que leur coût financier implique des décisions politiques.
Quatre propositions de levée de moratoire le concernant, trois demandes de renouvellement d’autorisation couvrant l’ensemble des utilisations possibles de plantes et une évaluation des impacts potentiels toujours en cours : le maïs Mon810 est au centre de toutes les attentions en ce début d’année 2009. Ces actualités sont l’occasion pour Inf’OGM de tracer un court historique de cette Plante, seule PGM cultivée en Europe aujourd’hui.
A ce jour, plusieurs études scientifiques renseignent des risques potentiels liés à ce maïs, d’autres études ne sont pas conduites et enfin, l’approche même adoptée pour évaluer les risques commencent à être questionnée.
Parmi les risques pour l’environnement documentés et retenus par le CPHA (mais non par l’AESA), on trouve : les risques liés à la dissémination du transgène (sur plusieurs kilomètres, du fait de courants d’air chaud et de vents atmosphériques) ou de la protéine par le biais des eaux circulantes ; l’apparition de résistance au Mon810 chez des insectes non cibles de ce maïs ; des effets toxiques sur notamment un lombric, des isopodes (crustacés marins ou terrestres) et des nématodes.
La liste des risques non étudiés est tout aussi intéressante, comme par exemple l’évaluation de la protéine Bt qui est encore sujette à controverse scientifique sur le besoin de nouvelles études, les impacts sur les insectes pollinisateurs, les risques toxicologiques à long terme et l’absence de données microbiologiques ou épidémiologiques.
Enfin, plus fondamentalement, certains scientifiques questionnent l’approche même qui est faite de l’évaluation des risques des PGM. Ainsi la question initiale, base de toutes les expériences et à laquelle l’AESA doit essayer de répondre, est de savoir si la plante GM présente un risque pour la santé, l’hypothèse de base étant qu’elle n’en pose pas. Le Groupe International d’Etudes Transdisciplinaires (GIET) considère qu’actuellement l’approche adéquate devrait être inverse, à savoir que l’hypothèse de base devrait être que la plante GM pose un problème et qu’il est à la charge de l’entreprise de prouver que cette hypothèse est fausse. Mais adopter une telle approche impliquerait de revoir beaucoup de dossiers...
Enfin, dernier domaine non encore abordé, les risques économiques soulignés par le CPHA ainsi que le Parlement européen. L’importance donnée à l’économie dans nos sociétés devrait tout logiquement imposer d’étudier et d’anticiper de tels risques. Si l’AESA ne les aborde pas, le CPHA avait lui conclu à une insuffisance de données sur l’incidence économique des contaminations de filières, les coûts liés à la coexistence et une insuffisance d’analyse économique au niveau de l’exploitation, des filières et du marché international.
Au final, l’évaluation scientifique des PGM et du maïs Mon810 plus particulièrement ne semble pas encore tout à fait complète aux yeux de certains Etats-membres et de leurs experts scientifiques. Ce qui n’a pas empêché l’AESA de rendre jusqu’à maintenant des avis positifs sur tous les dossiers qu’elle a examinés.