Inf'OGM le journal est un trimestriel de 20 pages qui vous informe sur l'actualité des OGM et des semences de façon critique et contextualisée.
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Après avoir adopté une loi sur les OGM, entrée en vigueur en juin 2008, la France engage un chantier de modification de certains points de la réglementation communautaire sur les OGM. En parallèle, la Commission européenne dirige un groupe de réflexion qui vise à faire évoluer les procédures d’autorisation des OGM.
Tous les ans, les “Feldbrefreiung”, les libérateurs de champs, se retrouvent pour un week-end d’action. Cette année, le rendez-vous était en Bavière, fin juin. Résultat : une parcelle de maïs Mon810 a été fauchée, au petit matin, sous le regard de policiers désorientés. Les faucheurs ont même attendu les renforts pour se faire arrêter.
En 2008, les faucheurs ont aussi occupé plusieurs champs d’expérimentation, afin d’empêcher leur ensemencement : Müritz (pomme de terre), Wendland (maïs), Hessen (quatre champs de recherche empêchés), Northeim (malgré l’occupation, KWS a semé 1000 m2 de betterave GM), Oberboihinen (l’école supérieure de Nürtingen s’est engagée à ne plus faire de recherche sur le maïs GM en champs pour les cinq années à venir, mais Monsanto a un droit d’utilisation du champ juqu’en 2011), et Forchheim/Rheinstetten (maïs).
Autre événement : les procès. En Allemagne, contrairement à la France, toutes les personnes prises en flagrant délit par la police sont jugées, et chacun a un procès individuel. Pour le fauchage de 2007, le tribunal de Bad Freienwald a condamné les 17 premiers inculpés à 15 jours-amendes pour “dégradation en réunion”, et à 20 jours amendes pour les récidivistes. Cependant, particularité allemande, le montant de l’amende est fonction du salaire de l’inculpé (1/30ème du net sur déclaration volontaire). Ainsi, elles s’étalent de 180 à 900 euros, auxquelles s’ajoutent les frais de justice (80 euros). A noter : un inculpé bénéficiant du Hartz IV (le RMI allemand) a été condamné à 15 jours amendes à zéro euro et deux autres ont vu leur procès classés sans suite.
Les “lanceurs d’alerte” sont souvent impliqués dans la recherche ou la production mais ce sont parfois de simples citoyens (riverains, consommateurs…), témoins de l’existence d’un risque pour la santé ou l’environnement. Si les autorités (institutions professionnelles, élus…) prenaient au sérieux chaque alarme, en vérifiaient la teneur et paraient aux éventuelles conséquences, il n’y aurait pas besoin de lanceur d’alerte. Mais l’alarme est presque toujours contrée par ceux qui estiment leurs intérêts menacés et qui utilisent alors tous les moyens pour faire taire le gêneur : menaces, harcèlement, mise au placard, licenciement, procès… Et souvent ça marche ! Alors l’alerte s’éteint, chacun peut circuler, il n’y a plus rien à voir ! Ceux qui s’obstinent connaissent des temps difficiles. Brebis galeuses dans leur entreprise car nuisibles à la compétitivité, ils deviennent insupportables pour leurs proches qu’ils agacent par leurs “obsessions”, se retrouvent isolés, conspués, parfois légalement condamnés… Pourtant le lanceur d’alerte n’est pas un simple plaignant qui revendiquerait pour lui, il sert l’intérêt collectif. L’amiante ne tuerait pas dix personnes par jour si on avait écouté les alertes il y a un siècle !
Nestlé demande à l’Union européenne d’assouplir ses règles sur les PGM pour lutter contre la hausse des prix alimentaires, rejointe en cela par le Président de la Commission européenne et le Premier Ministre britannique. De son côté, Bruxelles veut accepter en Europe les PGM non autorisées. Le tout sans explication quant aux impacts économiques des PGM. Le vieil argument de lutte contre la faim dans le monde grâce aux PGM revient sur la table des européens.
La loi française sur les OGM est entrée en vigueur fin juin, mais nécessite pour être applicable, des précisions, via des arrêtés ou des décrets, comme pour la définition de ce qui doit être entendu par “sans OGM” et les conditions techniques de la coexistence. Ces textes devraient intervenir fin 2008, début 2009.
Tous les Etats-membres n’ont pas adopté de règles de coexistence (comme l’Espagne, premier producteur européen de maïs GM).
Au nombre des pays qui appliquent des règles strictes, la Hongrie : distances d’isolement de 400 m, les agriculteurs qui souhaitent planter des PGM doivent être titulaires d’un diplôme, et d’une autorisation pour chaque mise en culture. Ils doivent obtenir l’accord de tous les propriétaires et locataires de la zone tampon. Et les voisins s’engagent à ne pas planter de variétés sexuellement compatibles avec les PGM cultivées. Autre exemple : la province autrichienne de Styrie a fixé 0,1% comme objectif de pureté des cultures non GM. Du fait du moratoire autrichien, la Styrie n’a pas encore défini précisément les conditions de culture, mais sa loi énumère des points à aborder : installation de pièges à pollen, système de rotation des cultures, nettoyage des machines... Enfin, en Allemagne, la loi impose, pour le maïs, des distances d’isolement de 150 m avec les champs conventionnels et de 300 m avec les champ bio.
En revanche, aux Pays-Bas, les distances d’isolement sont de 25 m entre maïs GM et conventionnel, et 250 m entre PGM et bio. Pour l’instant, aucune formation obligatoire pour les agriculteurs hollandais, mais une étude de l’Université de Wageningen montre dans un champ situé à 250 mètres du champ de maïs GM, un échantillon contaminé à un taux “inhabituellement élevé”. Selon les scientifiques, ce taux ne s’explique que par la présence de semences de maïs GM dans ce champ. Le ministère de l’Agriculture conclut que cette contamination a eu lieu malgré le protocole strict de l’expérimentation, et la réflexion porte sur la mise en place de formations obligatoires des agriculteurs souhaitant cultiver des PGM.
“L’Appel citoyen pour un encadrement et une transparence des activités de lobbying en direction des instances de décision publiques” [1] veut être la voix des acteurs de la société civile sur la question fondamentale de l’influence du monde des affaires sur la décision publique. Une quinzaine d’ONG, associations et syndicats se sont donc regroupés pour poser le débat sur la question de l’influence croissante des groupes d’intérêts dans notre société derrière laquelle se cache une crise de légitimité des pouvoirs publics au niveau national. Récemment, d’ailleurs, lors du vote à l’Assemblée nationale de la loi sur les OGM, la question du lobby des semenciers a été abordée : deux parlementaires UMP ont accusé certains de leurs collègues d’être “actionnés” par l’industrie, précisant qu’il y a eu “un travail en amont du lobby semencier sur la Commission économique et sociale de l’Assemblée”. Ainsi les Verts ont demandé une enquête parlementaire.
Dans le précédent numéro, nous posions la question : “les Faucheurs volontaires sont-ils des voyous ou des lanceurs d’alerte ?”. Au vu des derniers événements, cette question a fortement évolué : de quel côté se trouve l’illégalité ? N’a-t-elle pas changé de camp ? En tout cas, elle gagne du terrain... alors que la loi était censée mettre de l’ordre. Raté, pourrait-on dire.