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Le débat sur les PGM fait appel aux données scientifiques et / ou aux paroles d’experts. Ces derniers sont souvent des scientifiques eux-mêmes. Mais prendre des scientifiques pour caution sous-entend bien sûr que tous les scientifiques puissent s’exprimer librement. Aux dires et histoires de certains, cette assurance semble pourtant remise en question.

En France, Vélot... viré !

Christian Vélot est enseignant chercheur à l’Institut de Génétique et Microbiologie (IGM) de l’Université d’Orsay. Il donne des conférences, persuadé qu’il faut rétablir le lien entre citoyen et scientifique. Sur les PGM, il ne cache pas ses doutes. Mais sur son avenir professionnel, il a acquis, le 27 septembre 2007, une certitude : il ne fera plus partie de l’IGM au 1er janvier 2010, comme cela lui a été signalé par courrier. Interrogés par Inf’OGM, J.P. Rousset, le vice-directeur et futur directeur de l’IGM et Monique Bolotin, actuelle directrice de l’IGM nous ont répondu que leur hiérarchie leur interdisait de s’exprimer sur “le cas Vélot”. Mais M. Bolotin précise toutefois que la décision de ne pas maintenir le laboratoire de Vélot est la “conséquence de choix scientifique en vue des projets de recherche que l’Institut conduira à partir de 2010. Il a été proposé à C. Vélot de déménager son laboratoire dans un environnement scientifique plus approprié à ses recherches”. Mais C. Vélot estime lui que “cette décision est le fruit de critiques qui m’ont été faites sur des prises de position contre les PGM que j’aurais exprimées en parlant au nom de l’Institut. Or j’indique juste ma fonction, comme bon nombre de scientifiques pro-PGM intervenant en faveur des PGM. De toute façon, la décision est prise plus d’un an avant notre évaluation scientifique de janvier 2009 ! Ce n’est donc pas pour des raisons scientifiques que je me fais virer”. Il précise que sa “mise sous pression” n’est pas récente : “mon laboratoire connaît des suppressions de crédit, des refus de stagiaires et on nous ordonne de déménager”.

Mexique / Norvège : Chapela sous pression

Ignacio Chapela, chercheur en microbiologie à l’université de Berkeley aux Etats-Unis, avait montré en 2001, la contamination de maïs mexicain par des OGM. Cette publication avait donné lieu à une campagne de dénigrement publique du scientifique. Après l’échec de la tentative de l’université de ne pas reconduire son contrat, il a décidé de prendre une année sabbatique en Norvège. Sur cette décision de s’éloigner, il confesse : “mes problèmes professionnels ont eu, bien sûr, des impacts sur ma vie personnelle mais je ne veux en dire plus. Pour moi, cette question est une des plus dures qui puisse m’être posée”. A l’Institut d’Ecologie du Gène où il travaille sur “la mise au point d’outils qui permettront de cartographier la présence légale ou illégale des plantes transgéniques dans le monde entier”, il explique subir encore des pressions indirectes : “L’institut n’est pas exempt d’ennemis en Norvège même, et des pressions du gouvernement des Etats-Unis ont eu lieu pour que cet institut ne soit plus financé”.

Controverse autour d’une publication

La controverse entourant le Pr. Irina Ermakova porte non sur ses résultats mais sur la forme de leur publication. Cette chercheuse avait montré une mortalité plus élevée entre des femelles nourries au soja GM et d’autres nourries au soja non GM. I. Ermakova a accepté l’offre de Nature Biotechnology de publier un article, dont elle serait l’auteure, composé d’une série de questions et réponses avec critiques par un groupe de scientifiques. Mais l’article paru en septembre 2007 n’est pas celui prévu. Selon l’association GM Free Cymru qui a correspondu avec la chercheuse, l’article est signé par l’éditeur du journal, qui n’a jamais soumis à la chercheuse la version avant publication. Or elle contenait les critiques émises par d’autres scientifiques sur son travail. Elle n’a donc pu répondre aux critiques des chercheurs. Elle a aussi constaté que sur les 12 références scientifiques qu’elle avait indiquées, seules huit sont présentes, pour 20 références citées par les critiques.

“Je m’engage à ce que la France transpose au Printemps 2008 la directive OGM”. C’est ce qu’a déclaré Nicolas Sarkozy le 25 octobre, à l’issue des négociations du Grenelle. Une semaine auparavant, Jean-Louis Borloo avait parlé d’adopter la loi “à toute vitesse”. Avec une annonce de “gel” des cultures pour le moins floue, la loi est désormais l’enjeu principal de la protection des intérêts des agriculteurs (bio, conventionnels et labellisés), et des consommateurs...

Un calendrier serré

Nathalie Kosciuscko-Morizet a annoncé que l’adoption d’une loi avant fin avril 2008 était “techniquement faisable”. Mais dans quelles conditions ?
Rappelons que l’année dernière, le projet de loi était arrivé au Sénat, avec une procédure d’urgence : le projet ne pouvait faire l’objet de plus d’une lecture devant chacune des deux assemblées. C’est ainsi que le Sénat avait adopté le projet de loi en première lecture. Mais le dossier n’avait pu être examiné par l’Assemblée nationale, officiellement du fait de l’encombrement du calendrier, plus vraisemblablement car les parlementaires jugeaient le projet insatisfaisant.
Pour le projet de loi qui doit être adopté avant fin avril, nous disposons d’ores et déjà de quelques éléments de calendrier. Jusqu’à fin avril, il y a trois suspensions de session parlementaire : la suspension de Noël, la suspension pour les élections municipales (du 9 février au 23 mars), et la suspension des vacances de Pâques (du 19 au 27 avril). Cela laisse à l’examen de la loi le mois de décembre, le mois de janvier, et fin mars-début avril.

Quel niveau de protection ?

“Le Grenelle pose de nouveaux principes pour encadrer la recherche et la culture des OGM : [...] principe de transparence [...], droit à cultiver avec ou sans OGM [...], obligation de prouver l’intérêt sanitaire et environnemental des OGM. Ces principes seront inscrits dans le projet de loi de transposition” (Nicolas Sarkozy, 25 octobre 2007). Principes qui sont, semble-t-il, le fruit d’un consensus. Or, sur le droit à produire sans OGM, le document de synthèse (1) des discussions de l’intergroupe OGM est ainsi rédigé : “consensus mais débat sur les seuils”... Entre les seuils de 0,01% et 0,9%, on ne peut pas dire qu’il y a consensus sur le “sans OGM” puisque précisément, selon la DGCCRF, le “sans OGM”, c’est 0,01%.
La reconnaisance du droit à produire sans OGM (0,01%) suppose que l’agriculteur contaminé pourra engager une responsabilité de plein droit à compter d’une contamination au delà de 0,01%. Contrairement à ce qui est souvent soutenu, la législation européenne ne s’y oppose pas. En effet, si elle fixe un seuil de 0,9%, il s’agit d’un seuil d’étiquetage et non d’un seuil déclenchant le droit à réparation d’une contamination. D’ailleurs, plusieurs Etats européens prévoient une indemnisation du risque en dessous de 0,9%, comme l’Allemagne. D’autre part, certains de nos voisins ont mis en place des distances d’isolement importantes entre les cultures (Hongrie : 400 m), et des prescriptions strictes pour le cultivateur de PGM : information obligatoire du voisin, diplôme attestant des connaisances nécessaires à la cultures de PGM. Ces dispositions n’ont pas fait l’objet d’action de la Commission européenne, puisque la directive sur les OGM (2001/18) prévoit que “les Etats membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits”. Le droit à consommer sans OGM a été “omis” du discours du Président. Ce droit implique une information plus complète du consommateur, et donc l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris avec des OGM. Actuellement, il n’y a pas d’obligation européenne d’étiqueter ces produits mais la Finlande et l’Allemagne y réfléchissent.

22 000 ha de cultures GM, des importations de semences, de produits alimentaires : autant de domaines à surveiller pour assurer l’absence de PGM non autorisées, l’innocuité de ceux qui le sont (notamment leurs impacts sur l’environnement), le respect de l’étiquetage, etc.

La biovigilance

Sous l’autorité du ministère de l’Agriculture, la surveillance des cultures de PGM, dite biovigilance, est réalisée par les Services Régionaux de la Protection des Végétaux (SRPV). Un comité provisoire de biovigilance est censé discuter des protocoles, des moyens et des résultats, mais comme nous le précise François Hervieu (du ministère), ce comité ne s’est plus réuni depuis 2005, alors même que les surfaces commerciales explosaient. Sur le terrain, les SRPV devaient juste vérifier sur le papier les déclarations reçues. Seules les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine, du fait du nombre important de parcelles GM sur leur territoire, devaient réaliser des prélèvements d’insectes et de pollen. Ces prélèvements sont en cours d’analyse et dans l’attente d’une publication officielle, les SRPV ne sont pas autorisés par le ministère à communiquer dessus. Quant à l’information des voisins, les agriculteurs n’y sont pas contraints par les décrets. Cette démarche, basée sur le volontariat, n’a donc pas été contrôlée.

La surveillance des produits

La DGAl contrôle également et annuellement les semences importées de pays tiers. Les résultats des contrôles effectués en 2006 viennent d’être mis en ligne. Ainsi, en 2006, 174 lots, uniquement de maïs conventionnels, ont été contrôlés. Seul le maïs a été analysé, car selon la DGAl, “le flux des autres semences n’est pas suffisamment important pour que soient réalisés des plans de contrôles et de surveillance”. Une approche qui ne saurait donc certifier l’absence de contamination dans d’autres filières que le maïs. Résultats : 21% contenaient des PGM sans étiquette, en provenance des Etats-Unis (52%), du Chili (32%), de Turquie, de Serbie, d’Argentine et de Roumanie. Le taux de contamination variait de moins de 0,1% à 0,4%. Deux événements transgéniques n’ont pas été identifiés. Pour ceux-ci comme pour le maïs 59122, non autorisé, les lots ont été retirés. Pour les autres lots, contaminés par des transgènes soit autorisés à la culture et à moins de 0,5% (Mon810), soit seulement autorisés à l’alimentation et à moins de 0,1%, aucune infraction n’a été déclarée, les lots ont donc été commercialisés. Cette décision est pourtant contraire à l’avis de la Commission européenne qui considère qu’en l’absence de seuil réglementaire, le seuil de tolérance pour les lots de semences doit être celui de détection, à savoir 0,01%. Mais le ministère français ne se sent pas contraint par l’avis de la Commission européenne car ce dernier n’a pas de valeur légale. L’absence de réaction de la Comission à cette politique française paraît d’ailleurs confirmer cette interprétation.
Pour les analyses de semences produites en France et des produits alimentaires, conduites par la répression des fraudes (DGCCRF), les résultats n’ont toujours pas été publiés.
Il apparaît que la France semble surveiller son territoire a mimima : deux régions pour les cultures et uniquement le maïs pour les importations de semences. Et pour le reste, les résultats des contrôles ne sont pas encore publiés.

Les plantes génétiquement modifiées sont en théorie protégées par des brevets. Un brevet est une garantie de monopole donnée par un Etat sur l’usage d’une “invention”, pour un temps donné. Ainsi un brevet oblige un agriculteur à racheter annuellement sa semence. Or, ressemer le grain récolté est pourtant fondateur de l’agriculture et de sa diversité.

Sous tutelle : des paysans...

Monsanto a mis en place un important arsenal consacré à la défense de ses brevets : un budget annuel de 10 millions de dollars, un département de 75 employés, la mise en place d’une ligne téléphonique gratuite pour favoriser la délation entre voisins, l’utilisation d’entreprise de détectives privés [1]... Ainsi, Monsanto annonçait que plus de 600 cas de piratage avaient été instruits en 2003... Ce dispositif états-unien existe aussi au Canada.
Au Canada, le 14 juin 2007, le juge Justice Barnes a condamné un agriculteur de l’Ontario, Edwards Wouters, à payer 107 000 dollars à Monsanto pour “violation de droits de propriété intellectuelle”, estimant qu’il avait cultivé, récolté et vendu 200 hectares de soja Roundup Ready sans s’être acquitté des droits liés à cette semence brevetée [2]. Et si le transgène breveté arrive, par hasard, dans votre champ, via le pollen, le transport des semences, les phénomènes de repousse, etc. ? Réponse avec Percy Schmeiser [3], qui accusé par Monsanto de violation de brevet, s’estime, lui, contaminé par le colza GM de ses voisins. Si la Cour Suprême du Canada a condamné l’agriculteur, elle a aussi jugé que “la provenance de ces plantes n’est pas claire. Elles peuvent provenir des semences de plantes qui ont poussé sur les terres de M. Schmeiser ou près de celles-ci à la suite de la dissémination par le vent de graines Roundup Ready. [...] Pour contrefaire, il n’est pas nécessaire de savoir qu’on contrefait”.

... et des commerçants

Les entreprises de négoce sont aussi la cible de Monsanto. Ainsi, en 2005, au Danemark [4], en Espagne, aux Pays-Bas et au Royaume Uni, Monsanto a porté plainte contre des importateurs européens de soja argentin pour violation de brevet. En Argentine, les agriculteurs utilisent du soja RR (breveté par Monsanto) sans payer les royalties afférentes, et cela légalement. Mais, déjà deux tribunaux, en Espagne et au Royaume-Uni, ont débouté Monsanto de sa plainte, estimant que le brevet s’applique aux semences et non aux produits issus de ces semences, comme la farine de soja... Les autres procès sont en cours d’instruction.
Troisième cas de figure, la bataille juridique entre entreprises. Là aussi, Monsanto dépense des milliers de dollars en frais de justice, pour faire respecter ses brevets. En 2004, Monsanto engageait des poursuites contre Syngenta pour violation de brevet sur le maïs tolérant le glyphosate. Monsanto voulait faire reconnaître par la Justice que le maïs GA21 Agrisure GT de Syngenta n’était en fait qu’un maïs Roundup Ready. Mais, le 4 octobre 2007, une cour d’appel états-unienne a jugé que Syngenta n’avait pas violé les brevets, considérant que Syngenta avait acquis le droit de commercialiser le GA21 avec l’achat de deux de ses filiales (Garst Seed et Golden Harvest Seeds), toutes deux autorisées à vendre le maïs en question.
Ainsi, au final, un brevet n’a d’intérêt que s’il est défendu, ce qui implique d’importants moyens financiers. Alors quand certains responsables proposent à la recherche publique ou aux pays du Sud de déposer des brevets, pour lutter contre les monopoles, et protéger leurs innovations ou richesse naturelle, on est en droit de se demander s’ils auront la capacité de faire respecter les droits liés à ces brevets.

Les discussions du Grenelle sur les OGM ont donné lieu à une relative cacophonie autour de la question du moratoire : certains le déclaraient possible, d’autres affirmaient que les contraintes européennes empêchaient de le mettre en œuvre. Le 25 octobre, Nicolas Sarkosy a conclu : “Je souhaite que la culture commerciale des OGM pesticides soit suspendue [...] en attendant les conclusions d’une expertise à conduire par une nouvelle instance qui sera créée avant la fin de l’année”. En Europe, des moratoires ont été mis en œuvre à plusieurs niveaux, sous différentes formes et avec des conséquences différentes.
Inf’OGM vous donne les clefs pour comprendre le contexte et les chemins du moratoire...