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Edito - Regards croisés sur les OGM

Un OGM est un objet complexe, qui peut être regardé et analysé de points de vue différents. Un OGM est un « objet technique, social, culturel ». Ceux qui en font la promotion ou qui s’y opposent peuvent le faire pour de très nombreuses raisons. Il n’y a pas une seule façon de décrire un OGM. 
Nous avons donc demandé à plusieurs personnes de disciplines différentes de partager leur point de vue sur cet objet. Ainsi, ce dossier est original en ce sens que la quasi totalité des articles proposés sont écrits (...)

Le but des manipulations génétiques est la rationalisation du vivant au profit de l’humain, mais avec des techniques plus efficaces, plus intrusives que celles utilisées précédemment. Ces biotechnologies modifient en profondeur notre rapport aux êtres vivants.

« Peut-être nous allons prendre notre propre évolution en main, mais elle échappera à cette main au moment même où l’évolution ressentira l’impulsion ; et alors que nous étions libres de faire le premier pas, nous serons esclaves pour faire le second et tous les suivants » [1].

Le dossier des OGM peut être considéré par la sociologie comme un conflit réussi. En effet, au-delà d’une bataille de positions idéologiques entre partisans et opposants, des questions éthiques, des pratiques agricoles, des enjeux environnementaux et des protocoles de recherche ont été débattus et réinventés sur la base de ce conflit, depuis plus de 20 ans maintenant. Bien qu’il soit impossible d’établir des vainqueurs et des perdants dans ce conflit, organisations de la société civile, pratiques locales et veilles citoyennes participent largement à cette dynamique inventivité.

Dans notre discipline, la médecine, les OGM sont classés dans les outils thérapeutiques et la définition d’un OGM est celle d’un organisme vivant génétiquement modifié par l’humain. Aperçu des applications et des débats qu’elles suscitent.

La modification génétique de certains humains rencontre encore de nombreuses réticences. Alternativement, la sélection dans l’œuf des humains jugés normaux est largement acceptée et s’élargit sans cesse à de nouveaux critères. Cette sélection pourrait conduire à modifier l’humanité sans modifier un seul embryon.

L’avènement des biotechnologies a ouvert une brèche et entraîné une fuite en avant dans la privatisation du vivant. Partant du lobbying pour la reconnaissance de l’inventivité des obtenteurs d’OGM par des brevets dans les années 80, les enjeux se situent désormais autour de la propriété des « ressources génétiques » et leur brevetabilité. Sur terre comme en pleine mer, c’est le patrimoine commun de l’humanité qui est en voie d’appropriation privative, au profit des grandes entreprises de biotechnologie.

Du point de vue du généticien moléculaire, la définition d’un OGM est finalement assez proche de celle que l’on trouve dans la directive européenne 2001/18, à savoir tout organisme vivant dont les caractéristiques génétiques initiales ont été modifiées d’une façon nécessitant l’intervention de la main de l’homme, indépendamment de la technique utilisée.

Je ne m’occuperai pas ici de savoir si la culture de tel ou tel OGM est agronomiquement ou sanitairement dangereuse ou non, mais plutôt de la différence entre une connaissance et son énoncé, d’un côté, et un objet, tel organisme génétiquement modifié, de l’autre.

Un OGM est un être vivant pensé par une intelligence humaine en déconnexion avec son environnement, les pratiques agronomiques et la culture d’un territoire. Il est pensé en oubliant les relations complexes entre les êtres vivants, qui assurent une adaptation continue des uns envers les autres. Cette pensée du vivant est simpliste. C’est elle qui auparavant fut à l’origine des variétés modernes stables et homogènes (DHS), qui conduisent nos systèmes alimentaires dans une impasse sanitaire et économique, et à une perte de la diversité de nos cultures. Cette pensée, au final, plonge notre humanité dans un matérialisme morbide.