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La biologie de synthèse : un « vivant » sur mesure

La biologie de synthèse couvre des domaines variés, entre ambitions et réalisations concrètes. Elle oscille entre une envie démiurgique de créer un nouveau vivant et un projet technicien de l’instrumentaliser au profit d’une rentabilité à court terme. La difficulté est donc de savoir, à chaque fois qu’on l’évoque, de quelle biologie de synthèse on parle. La Convention sur la Diversité Biologique classe la biologie de synthèse avec le forçage génétique, tout en restant extrêmement floue sur une définition de (...)

Depuis 20 ans, la biologie de synthèse envahit nos laboratoires, nos start-ups et nos médias. Entre volonté de « recréer la vie » et promesses de résoudre les problèmes sanitaires ou environnementaux créés par l’espèce humaine, comment définir la biologie de synthèse ? Quels sont les liens entre biotechnologies et biologie de synthèse ? À l’heure où le réductionnisme de la biologie moléculaire montre ses limites, la biologie de synthèse est aussi évoquée comme discipline pour étudier le vivant. Qu’en est-il vraiment ?

Depuis les années 2000, une notion nouvelle est apparue, celle de xénobiologie (xénos=étranger) : une biologie concernant des formes de vie inhabituelles sur Terre, ou au-delà des formes de vie délibérément créées en laboratoire [1]. C’est dans ce dernier sens plus restrictif, comme sous-discipline de la biologie de synthèse, que nous interrogeons la xénobiologie en relation avec le vivant actuel et son évolution.

La biologie est une science étrange qui a du mal à définir son objet. En effet, le vivant évolue constamment, au gré d’interactions infinies, et chaque découverte dévoile une nouvelle complexité. La nature est liée à des contingences. De son côté, la biologie de synthèse, discipline qui associe biotechnologies, ingénierie et modélisation informatique, veut réduire le vivant à quelques molécules et lois simples. Elle propose ainsi de faire un pas de plus vers le réductionnisme et le fantasme d’une vie sans contrainte, libérée de la matière et de la mort. Deux mondes que tout oppose donc.

À l’heure de la « relance verte » et des Green New Deals, le projet de développer la bioéconomie [2] prend de l’ampleur partout dans le monde. La biologie de synthèse est cruciale dans ce projet, car le chemin vers une économie « verte » repose en partie sur ses techniques. Du point de vue des procédés industriels utilisés, on peut différencier deux grandes approches [3]. La première consiste à faire produire par des micro-organismes génétiquement modifiés des matériaux d’intérêt à partir de différentes sources de biomasse. Dans la seconde approche, ce sont les organismes créés ou modifiés, eux-mêmes, qui sont le produit, comme certains médicaments ou des variétés végétales construites par modification des génomes. Les domaines d’application de la biologie de synthèse sont extrêmement vastes et les recherches foisonnent dans toutes les directions, d’autant qu’elles sont largement financées par les pouvoirs publics civils et militaires et de grandes fondations, comme celle de Bill et Melinda Gates. Il est impossible d’en faire le tour ici, mais on donnera un aperçu des produits déjà commercialisés ou en voie de l’être, avant d‘évoquer quelques-unes des recherches jugées prometteuses par les scientifiques, les industriels et les États.

La biologie de synthèse est une discipline récente qui vise à construire des entités hybrides, à la fois artificielles et naturelles. Quels sont les risques environnementaux, sanitaires et sociaux liés à ces systèmes biologiques ?

Depuis une dizaine d’années, la biologie de synthèse est un sujet à part entière dans les instances internationales, notamment au sein de la Convention sur la Diversité Biologique. Les débouchés de ces discussions sont encore flous, d’autant qu’aucune définition officielle n’a encore été adoptée. Une certitude néanmoins : pour ces instances, les OGM font partie des développements de la biologie de synthèse.