Inf'OGM le journal est un trimestriel de 20 pages qui vous informe sur l'actualité des OGM et des semences de façon critique et contextualisée.
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ACTUALITE
Brevet unitaire européen : quels impacts sur les semences ?
Nouvelles cultures d’OGM ? Déçue, la Commission hésite...
FICHE TECHNIQUE
Blé transgénique : des recherches tous azimuts
OUVERTURE
Biologie de synthèse : le vivant, simple machine...
INTERVIEW
Les microorganismes du sol affectés par le Roundup ?
Durant deux jours, des citoyens, des paysans, des apiculteurs, des acteurs de la société civile se sont réunis à Poitiers pour constater ensemble les atteintes insoutenables à la biodiversité. C’est à l’issue d’un processus de démocratie participative réunissant l’ensemble de ces acteurs qu’a émergé l’appel de Poitiers [1]. Point de départ, un constat fort : le modèle agricole, aujourd’hui dominant, est à l’origine des multiples et trop lourdes atteintes à la biodiversité, qu’elle soit sauvage ou cultivée. OGM, pesticides, standardisation des plantes cultivées et espèces élevées, touchent directement les sols, les animaux pollinisateurs, les nappes phréatiques... Ce modèle exclut et menace les autres modes de productions plus respectueux de l’environnement, et façonne la production mondiale en affamant les uns pour mal nourrir les autres.
Cet appel de Poitiers permet de questionner ce modèle agricole dans sa globalité pour « s’approprier un nouveau paradigme global qui replace l’être humain au cœur de la nature et non plus au-dessus, notamment dans le cadre d’une recherche citoyenne basée sur l’intérêt commun » [2].
Plus d’une quinzaine de structures de la société civile formulent des demandes urgentes pour mettre un terme à toutes ces atteintes à la biodiversité : l’interdiction des insecticides les plus dangereux, l’interdiction des OGM, la refonte d’une législation en faveur d’une agriculture respectueuse de la biodiversité et des droits des paysans. Elles s’engagent à se réapproprier leur rôle pour sortir de cette société productiviste et à respecter les Hommes et la nature. « Un autre monde n’est pas seulement possible, il est indispensable ! ».
Le retour à l’agenda du blé GM via l’Australie et la Grande-Bretagne nous invite à faire le point sur cette céréale qui a, de par le monde, une forte signification culturelle, culinaire et religieuse : le pain pour les européens, les pâtes pour les italiens, le couscous en Afrique du nord, etc.
En plein essor depuis le début des années 2000, la biologie de synthèse prétend créer la vie. Elle se distingue à la fois par des voies de recherche et technologiques originales et des positions épistémologiques et philosophiques particulières. L’engouement qu’elle suscite chez les uns n’a d’égal que le rejet qu’elle suscite chez les autres. Bernard Eddé, biologiste au CNRS (université Pierre et Marie Curie), fait le point.
La revue scientifique Current Microbiology vient de publier un article de l’équipe du Pr. Panoff concluant à l’effet du Roundup sur des microorganismes du sol. Selon les auteurs, ces effets s’observent à des doses d’herbicide inférieures à celles retrouvées dans le sol après épandage. L’occasion pour Inf’OGM de s’intéresser au sujet de l’impact des herbicides sur ces microorganismes du sol par le biais d’une interview d’Yves Dessaux qui a co-coordonné une expertise collective Inra-CNRS sur les variétés tolérantes aux herbicides.
Actuellement, l’Union européenne prétend simplifier son système de propriété intellectuelle en instaurant un brevet unitaire européen (BUE). Mais derrière cette simplification se profile, de fait, une restriction d’accès aux semences pour les agriculteurs, à l’image de ce qui se fait en France. Entre les brevets sur les gènes, sur les procédés d’obtention et le certificat d’obtention végétale (COV), ce BUE apparaît plus comme une nouvelle arme dans la guerre que se livrent les entreprises semencières que comme une protection du droit des agriculteurs.
Après deux années de discussion, les États membres ne sont toujours pas d’accord sur la question des interdictions nationales des cultures de PGM, comme l’a montré le dernier Conseil de l’Union européenne du 11 juin 2012. Selon les procédures établies, la balle est maintenant dans le camp de la Commission européenne.
Pierre Feillet, de l’Inra, propose une série de 60 questions / réponses dont celle-ci : faut-il plébisciter une alimentation naturelle et condamner les produits industriels ? L’auteur prévient que « l’option retenue a été de considérer que les données et les commentaires faisant l’objet d’un consensus [...] tel qu’il s’exprime au sein des Académies, [...] dans les rapports des agences françaises et internationales [...] sont plus proches de la vérité que ceux avancés par des « spécialistes » dont les prises de position sont très minoritaires ». Mais insidieusement, l’auteur prend position pour défendre l’agriculture et l’agro-industrie « conventionnelles ». Dans le chapitre consacré à l’alimentation naturelle, l’auteur mélange allègrement instinctivore, crudivore, partisan des pains au levain, etc. La définition de « naturelle » étant difficile à cerner, l’auteur en profite pour trancher : les aliments naturels ne sont pas meilleurs car il existe dans la nature des produits toxiques. Raisonnement simpliste ? L’auteur affirme de plus que « il n’est pas [...] une plante cultivée ou un animal domestiqué dont les généticiens n’aient pas modifié le patrimoine génétique ». Ne serait-ce pas plutôt les paysans et les éleveurs qui ont développé cette diversité ? L’auteur le redit plus loin : « ...ce qui conduit les puristes à considérer que stricto sensu toute notre nourriture est génétiquement modifiée ». Dans le chapitre consacré aux OGM, l’auteur affirme que les OGM actuellement commercialisés sont sans danger pour la santé, qu’ils « laissent [...] moins de produit chimique de synthèse que les cultures intensives », et qu’ils « contribuent à la réduction des gaz à effet de serre ». Il n’évoque pas les faiblesses de l’évaluation, mais souligne que le maïs MON810 n’est pas un problème car il aurait autant de chance de survivre dans la nature qu’un chien errant. Enfin, à l’instar des pro-OGM, il annonce « pour dans quelques années » les OGM de deuxième génération, tel le riz doré... qu’on attend toujours.
Une étude scientifique menée par des chercheurs chinois et français, sur 20 ans de données (1990 - 2010) dans six provinces chinoises, montre qu’une diminution des applications d’insecticides à large spectre augmente la quantité d’insectes présents [3]. Cette conclusion enfonce une porte ouverte. Mais d’autres éléments sont à souligner, selon Denis Bourguet de l’Inra qui a commenté pour Inf’OGM cette étude.
Pour ce chercheur, l’article montre que « la diminution de la quantité d’insecticides utilisées est favorable à la biodiversité et aux services écosystémiques que les insectes rendent. Le lien avec les cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM) vient du fait que, selon le contexte (quelle plante, quelle région...), ces PGM peuvent permettre de diminuer la quantité d’insecticide utilisée ». Le lien entre utilisation du coton Bt, modifié génétiquement pour exprimer une protéine tuant certains insectes (dont la quantité produite n’est pas prise en compte dans l’étude), et protection de la biodiversité est donc réel, en tout cas à court terme, mais non exclusif : l’agriculture biologique aussi par exemple diminue la quantité d’insecticides. Il faut aussi noter que « l’étude a démarré à une période où les cultures de coton Bt n’existaient pas. Les chercheurs s’intéressaient alors à analyser les insectes présents sur un champ selon les régions, pratiques culturales... ».
On se retrouve donc, avec cette étude, dans une situation un peu trop classique, où sont comparées les cultures d’OGM avec celles, conventionnelles, à base d’utilisation de pesticides chimiques, oubliant les autres agricultures, respectueuses de la nature. Denis Bourguet souligne d’ailleurs que « un des points importants de cette étude est de montrer que les bénéfices agricoles, et donc économiques, à avoir plus d’insectes ne concernent pas que l’agriculteur qui aura diminué sa quantité d’insecticide, mais également les autres agriculteurs qui profiteront des services écosystémiques que ces insectes rendent ». L’autre élément important de cette étude est donc d’avoir montré la rapidité avec laquelle les insectes reviennent dès la fin des applications d’insecticides.
Il faut également se rappeler que le lien entre culture de coton Bt et diminution des quantités d’insecticides utilisées est un sujet polémique. Notamment avec le problème d’apparitions possibles de résistance aux cultures de coton Bt que les insectes ciblés peuvent développer [4]. Ainsi, aux Etats-Unis, vingt-deux entomologistes ont déjà alerté le gouvernement des risques qu’il y aurait à la mise en place d’une politique agricole ne reposant que sur des cultures transgéniques [5].
Autre sujet d’inquiétude avec ces PGM Bt : le développement de nouveaux prédateurs, comme les punaises, prenant la place laissée vacante par ceux sensibles au Bt [6].