n°145 - mai / juin 2017Fiche technique / Etat des lieux

Les nouveaux OGM : détectables, identifiables, traçables

Par Eric MEUNIER

Publié le 21/06/2017

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Pour certains, les modifications obtenues par les nouvelles techniques de modification génétique sont non détectables, non traçables… Mais la littérature scientifique ne confirme pas cette affirmation. Alors que manque-t-il ? Que la Commission européenne finance un projet de recherche européen visant à établir les protocoles d’analyse, comme pour les OGM transgéniques.

La traçabilité vise à suivre des produits tout au long d’une filière. Outil documentaire, simple et bon marché, elle consiste en des certificats attachés aux lots stipulant à chaque étape origine et qualité du produit. Contrôler la sincérité de l’étiquetage en matière de nouveaux OGM nécessite de pouvoir détecter, identifier et quantifier la présence de modifications génétiques, voire identifier la technique utilisée.

Des signatures générales et spécifiques aux nouveaux OGM existent

Pour mettre en œuvre in vitro une technique de modification génétique, cela se fait par étape : préparer les cellules en cassant leurs parois, les mettre en culture, introduire le matériel destiné à générer la modification, sélectionner les cellules modifiées, régénérer des plantes… Ces étapes génèrent des mutations et/ou des épimutations qui laissent des « cicatrices » héritables qui s’ajoutent aux effets hors-cible de la technique elle-même. Si une partie de ces cicatrices est éliminée lors de croisements effectués entre une variété « élite » et la variété modifiée en laboratoire, une grande partie subsiste, constituant des sortes de « signatures ». Avec ces dernières, les laboratoires peuvent alors assembler des faisceaux convergents de preuve : une approche dite « matricielle », utilisée depuis 1999 par l’Inra et les pouvoirs publics pour les OGM transgéniques inconnus.

À ces cibles et signatures s’ajoutent celles propres aux lignées cellulaires et à leur histoire de vie (exemple de populations de cellules cancéreuses), ainsi qu’aux caractéristiques propres à chaque technique de modification. Sans oublier les informations de traçabilité documentaire utilisées dans les systèmes d’aide à la décision des laboratoires. Autant de cibles qui forment des signatures univoques de chaque technique et produit.

S’approcher de la preuve

Un maïs résistant à un herbicide à base de glyphosate est trouvé dans un champ. Comment détecter l’origine de cette caractéristique et l’identifier ? Est-ce un transgène, une mutation, une délétion… ? Et si c’est une mutation, est-elle d’origine naturelle ? Technique ? Et si oui, quelle technique ?

Étape une : la collecte d’informations comme le lieu ou contexte de « découverte » de la plante, l’origine commerciale du lot, la quantité de plantes également résistantes aux herbicides alentour, l’historique de culture du champ… sert à interroger la base de données d’un laboratoire.

Étape deux : du fait de la caractéristique de résistance aux herbicides, une méthode de détection comme la PCR ou autres, permet de distinguer un transgène de possibles mutations dans la séquence du gène EPSPS. Selon le nombre de cibles visées par ces méthodes, la signature peut être complète. Une origine transgénique ou d’un autre type (mutation, délétion…) peut alors être établie.

Étape trois : en cas de doute ou d’un nombre insuffisant de cibles en première analyse, les laborantins peuvent chercher à détecter d’autres cibles génétiques ou épigénétiques, ou bien analyser dans des proportions plus ou moins larges des séquences du génome, par exemple encadrant celle de la protéine EPSPS. Une comparaison avec des bases de données donnant l’état « générique » de ces séquences permet de détecter les concordances et différences avec les signatures connues de techniques mises en oeuvre in vitro par exemple. En cas de détection de mutations, si les signatures concordent avec celles enregistrées pour des cultures de cellules in vitro par exemple, ou d’une des autres étapes listées en début d’article, la probabilité que la mutation détectée ait été générée en laboratoire se précise.

Recouper les informations contenues dans des brevets, articles scientifiques, échanger des informations et du matériel entre laboratoires de contrôles… permet de constituer ces bases de données.

Des outils pour aller vers des signatures univoques

Selon Yves Bertheau, auteur principal d’une revue scientifique en cours sur la détection / traçabilité, les méthodes de détection – outre la plus connue, la PCR – sont d’ores et déjà disponibles et peuvent être utilisées simultanément ou non. Les laboratoires utilisent aussi différentes stratégies de séquençage pour « cibler » au mieux. Les épimutations d’ADN ou ARN sont également détectables et identifiables par différentes méthodes. Enfin, des techniques dîtes « omiques » existent pour analyser en même temps des séquences génétiques, des protéines… Il revient donc aux laboratoires de recherche de rassembler dans leurs bases de données ces éléments de signature avant transfert aux laboratoires de contrôle, afin que des cibles univoques soient disponibles dans un très proche avenir.

La recherche devrait donc travailler à fournir les procédures et protocoles visant à distinguer les signatures propres à chaque technique et produit. Les entreprises n’auraient alors qu’à suivre les lignes directrices pour fournir ces signatures à faire valider par le réseau de laboratoire européen existant. Une idée pas si folle puisque mise en œuvre pour le diagnostic de cancers par exemple, avec des typages bien plus complexes.

La Commission européenne lancera-t-elle les programmes de recherche pour établir ces procédures et protocoles de détection, identification, quantification et traçabilité des produits issus des nouvelles techniques de modification du vivant ? L’enjeu est de taille car tracer les nouveaux OGM permet leur étiquetage et serait aussi une réponse aux tentatives de revendications élargies de brevets détenus par des entreprises. Car sans signature, une entreprise ayant un brevet sur une technique ou une séquence, tentera de réclamer la propriété de tout organisme possédant naturellement ou non cette séquence.

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