Transparence et OGM : peut mieux faire !

2014 : après avoir essuyé un refus de la DGCCRF de lui envoyer deux documents au motif d’une prétendue non communicabilité, Inf’OGM saisissait la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). La veille de l’examen de sa demande, Inf’OGM recevait de la DGCCRF les dites études. Et de constater que leur intitulé portait la mention « communicable au sens de la loi du 17 juillet 1978 »... S’il ne doit pas résumer l’accès à l’information aujourd’hui, cet exemple illustre les difficulté rencontrées dans le domaine de la transparence.

Refus d’accès aux documents pourtant publics, dissémination des informations sur plusieurs sites Internet, non traduction en langue nationale, envoi de données non exploitables, les « ruses » sont nombreuses. Des ruses auxquelles s’ajoutent les informations légalement non publiques et qui pourraient pourtant éclairer tout un chacun sur les décisions publiques prises.

Depuis 1999, Inf’OGM a pour mission « de pousser les pouvoirs publics à une véritable transparence de l’information ». Dans la série de ses dossiers thématiques, Inf’OGM fait ici le point sur le cadre législatif autour de la transparence et sa mise en œuvre – ou non - concrète. Le lecteur sera ainsi à même d’apprécier l’étendue des progrès à réaliser…

Le concept de transparence n’a pas de définition juridique. On considère que c’est le droit à savoir, et donc l’accès public à l’information dans tout domaine relevant des citoyens. La transparence concerne donc différents types d’informations, différents acteurs, différentes cibles, comme le détaille ce dossier.

Le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique des Nations unies est le cadre international légal sur les OGM. Négocié en 2000, 170 pays en sont parties, dont l’Union européenne et ses États membres. Les pays non parties (États-Unis, Canada, Australie, Argentine...) sont indirectement contraints par celui-ci dans le cadre de leurs relations commerciales avec des pays parties. Or, certaines obligations concernent... la transparence.

Dans les années 90, les critiques sur son opacité ont conduit l’Union européenne (UE) à introduire de la transparence dans le processus décisionnel. L’accès aux documents devait permettre aux citoyens de comprendre les étapes dans la prise de décision, et ainsi conférer une légitimité à ces décisions. Mais il existe une tension entre les informations disponibles et la capacité des citoyens à les trouver et à les comprendre. Cela est particulièrement le cas en matière d’OGM. 

Comme les autres États membres, la France a des obligations communautaires en matière de transparence. Sa déclinaison nationale laisse parfois à désirer, comme l’a constaté Inf’OGM dans son travail d’information de ces deux dernières décennies.

Les herbicides à base de glyphosate sont-ils cancérigènes pour les animaux et l’être humain ? Selon les comités d’experts mobilisés, la réponse diffère. Mais un constat s’impose : il n’est pas possible de connaître le nom des personnes ayant étudié le dossier au nom de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Aesa), les études fournies par les industriels sont maintenues confidentielles tant que possible et… finalement fournies dans un format inexploitable !

Pour les comités d’experts, la transparence concerne autant les experts eux-mêmes et leurs potentiels conflits d’intérêt que l’accès aux données complètes ou le fonctionnement des comités. Ces dernières années, deux de ces comités ont envisagé des améliorations, mais dont certaines servent plus les intérêts des entreprises que ceux des citoyens.

Le secret a longtemps été le principal moyen de garantir le monopole commercial de l’inventeur d’un nouveau produit ou d’un nouveau procédé. La diffusion des connaissances est ensuite devenue le moteur d’un progrès technique censé assurer le bonheur de l’humanité.

Une nouvelle variété a parfois été créée avec des techniques d’obtention que l’on souhaiterait ne pas utiliser. Car le procédé d’obtention d’une variété n’est pas divulgué avec le certificat d’obtention végétale (COV) ni avec l’enregistrement de la variété au catalogue. Des producteurs demandent cette information.

Nous sommes en mars 2017. L’association Corporate Europe Observatory (CEO) publie un rapport montrant la domination des entreprises au sein de comités consultatifs de la Commission européenne. Pas une grande surprise pour CEO, même si de nouvelles règles de fonctionnement de ces comités venaient d’être mises en place. En 2016, la Commission avait pourtant su élaborer une législation pour protéger le « secret des affaires »...

La transparence légale n’impose pas aux entreprises de rendre publiques toutes leurs données internes concernant un produit. Dès lors, certains ont joué et jouent encore le rôle de lanceur d’alerte. Mais si le lanceur d’alerte est défini comme une personne qui, faute de dispositif approprié, prend sur lui d’informer sa hiérarchie, la justice ou le public d’une atteinte à l’intérêt général, il est plus souvent connu en tant que victime de représailles. La société civile, dont l’association Sciences Citoyennes, se mobilise.

Nous le voyons, les décisions qui concernent les citoyens peuvent échapper à leur vigilance par des outils très efficaces de prise de pouvoir ou de confiscation de données. Les choses se passent simplement : une langue, un langage qui mettent à distance ; un sprint qui s’amorce à travers des lieux de concertation et des timings de discussion qui mettent à l’écart les non experts. Face à la quantité de données, comment y voir clair, quelle information transmettre ? Quelle information inutile ?
La question de la transparence induit d’être vigilant sur deux points : le fait d’avoir accès à l’information, et la manière dont celle-ci est donnée. Une information noyée dans 300 pages inexploitables passe en effet inaperçue !
Il est important de comprendre que la mise en situation de tels handicaps est inacceptable lorsque nous prônons l’accessibilité. Dans une société où il faut avoir un avis sur tout, les questions « des non experts » sont de plus en plus traitées comme des questions inutiles. Cela renforce une opacité obligeant les citoyens à avancer dans le noir, les culpabilisant de ne pas pouvoir voir, alors qu’ils sont rendus aveugles !
Défendre la transparence n’est pas un principe pour Inf’OGM, c’est un exercice démocratique. Un espace dans lequel il est normal de prendre le risque de voir se construire des opinions divergentes, des débats contradictoires. La transparence permet à tout un chacun de se forger sa propre opinion et, s’il le désire, d’avoir une place. Elle redonne du pouvoir aux individus, et leur permet de prendre la mesure de ce qu’ils peuvent faire au sein de la société. Elle est un droit et un devoir. Inf’OGM s’est donné pour objectif d’en défendre ces deux aspects aussi complémentaires qu’essentiels.