Le manioc est une plante alimentaire majeure, sa racine servant d’aliment de base à plus de 200 millions d’êtres humains. A l’initiative du professeur I. Potrykus, un des “pères” du “riz doré”, de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Suisse), un programme de recherche visant à modifier génétiquement le manioc est en cours [1].
Interrogé par Inf’OGM, le Professeur P. Zhang nous a indiqué que les objectifs et résultats en cours sont : obtenir une résistance contre le virus africain de la mosaïque du manioc (ACMV) : pas de résultats complets, les essais en plein champs vont être conduits au Nigéria et au Kenya “bientôt” ; de développer des plantes résistantes au ver cornu du manioc par expression du gène Cry1Ab (Bt) : pas de résultats complets, les essais en champs vont être conduits au Nigéria sur le site de l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IIAT) et en Colombie sur le site du Centre International d’Agriculture Tropicale (CIAT) ; de prolonger la vie des feuilles par expression d’une protéine Ipt, impliquée dans la biosynthèse de cytokine : pas de résultats complets, les essais en champs vont être conduits sur le site du CIAT en Colombie ; et d’augmenter la teneur des racines en acides aminés essentiels par expression de la protéine ASP1 de la levure Saccharomyces cerevisiae : aucune augmentation significative de la teneur en acides aminés n’a été observée. Les premiers travaux ont débuté il y a dix ans.
Publiés le 21 mars dans les annales de la Société anglaise Royale des Sciences (1), les résultats du dernier volet d’un vaste programme d’évaluation des impacts sur l’environnement de cultures de plantes transgéniques, lancé en 1999 et conduit par le Professeur C. Pollock, confirment ceux obtenus précédemment sur des espèces de printemps (betterave, maïs, colza). Les chercheurs ont, dans 65 champs différents, comparé du colza d’hiver transgénique et du colza traditionnel. La modification génétique conférait une tolérance au glufosinate, principe actif d’herbicide. Pendant quatre ans, les scientifiques ont collecté un million de grains et deux millions d’insectes en 7000 prélèvements. Dans les champs de culture transgénique, la quantité de dicotylédones, “mauvaises herbes”, représente un tiers de celle retrouvée en culture conventionnelle. Or, ces plantes produisent les graines les plus attrayantes pour plusieurs espèces d’oiseaux (alouettes, bouvreuils...), et des pollens appréciés des abeilles et papillons. Les chercheurs ont constaté que les champs “transgéniques” abritent moins d’abeilles et de papillons, et ils s’inquiètent d’un effet possible sur les oiseaux. En revanche, le colza transgénique requiert moins d’herbicide. Des résultats similaires mais plus nuancés à ceux constatés en 2003 pour le colza de printemps. Les graminées, cependant, sont plus nombreuses dans les champs OGM. Selon D. Bohan, l’un des auteurs de l’expérience, cette étude démontre donc l’importance des effets de l’utilisation d’herbicide sur la faune dans les champs et aux alentours. Selon A. Apoteker, chargé de campagne OGM chez Greenpeace, la distinction entre effet des OGM et effet des herbicides est hypocrite et artificielle, les effets de l’OGM lui-même sur les insectes, par exemple, n’ayant pas été étudiés. Selon Bayer, “ce que veut l’agriculteur, c’est un champ propre, avec moins de mauvaises herbes, et cette étude prouve bien que notre colza et son herbicide sont efficaces”. Le secrétaire d’Etat à l’Environnement, E. Morley, a décrit cette étude comme la plus importante jamais réalisée dans le monde et a rappelé la politique du gouvernement de délivrer au cas par cas les autorisations de cultures OGM. Le Comité consultatif anglais sur la dissémination des OGM dans l’environnement (ACRE) va fournir un avis au Ministre de l’environnement anglais sur les autorisations de commercialisations, notamment de colza transgénique.
L’équipe de recherche du Pr. R. Pruitt (Université Purdue, Indiana), a réalisé l’autofécondation de plantes d’Arabidopsis (arabette des dames) porteuses d’une mutation récessive du gène Hothead dont les fleurs ne peuvent s’ouvrir. La mutation est présente dans le génome de la plante de manière homozygote, c’est-à-dire sur chaque version possible du gène sur les deux chromosomes (allèle). Cette homozygotie implique que tous les descendants présenteront la même mutation et donc le même phénotype que leurs parents : les fleurs ne s’ouvrent pas. Or l’équipe de chercheurs a observé près de 10% de phénotypes sauvages, soit avec des fleurs normales. Le pourcentage de 10% est trop élevé pour que l’explication soit une simple mutation. Les hypothèses émises concernent des mécanismes classiques de réparation de l’ADN qui ont pu corriger la mutation héritée des parents mais un tel mécanisme a besoin d’un modèle que ne pouvaient fournir les deux allèles mutés. Les chercheurs n’ont pas non plus mis en évidence la présence d’une copie ADN extra-chromosomique du gène sauvage. Ils ont donc émis une hypothèse selon laquelle un type d’ARN stable (Acide RiboNucléique, molécule intermédiaire de la synthèse des protéines du modèle ADN - ARN - protéine) aurait pu être transmis sur plusieurs générations, parallèlement au génome (ADN), et servir ainsi de modèle aux réversions observées. Une telle hypothèse implique que les plantes hériteraient de l’information génétique sous une forme autre que celle d’ADN.
La bactérie Agrobacterium tumefaciens possède la capacité de “reprogrammer” naturellement des plantes en introduisant ses propres gènes. Cette bactérie est donc utilisée pour modifier génétiquement nombre de plantes. Mais cette méthode est onéreuse, du fait des centaines de brevets liés à cette technique. Selon le Pr. Jefferson du centre de recherche australien CAMBIA, il est possible d’utiliser d’autres variétés de bactéries pour transformer des plantes. Des variétés de Rhizobium, Sinorhizobium et de Mesorhizobium possèdent également la capacité de transférer des informations génétiques. Les nouvelles méthodes pour transformer des plantes (“TransBacter”) et pour déceler les gènes à l’aide de réactions de couleurs (“GUS-Plus”) sont regroupées sous une nouvelle licence BIOS. Celle-ci ne contient aucune restriction pour l’utilisation commerciale, mais elle exige que toute application et amélioration de la technologie soient également accessibles gratuitement à la communauté. Ces résultats soulèvent des questions ou bien des commencements de preuves sur le risque depuis longtemps dénoncé de contamination par le biais de bactéries du sol. Ces trois bactéries forment une symbiose avec plusieurs légumineuses. Le Sinorhizobum est déjà connu pour avoir été sujet à des modifications génétiques : “Le symbiote végétal Sinorhizobium meliloti est génétiquement modifié pour augmenter les capacités d’échanges entre la plante et la bactérie, avec en sus, des marqueurs de résistance aux antibiotiques. L’autorisation d’utilisation commerciale de ce symbiote fut donnée malgré les risques pour l’environnement et la santé. Des études ont montré que le symbiote S. meliloti persistait 6 ans dans le sol et que des transferts horizontaux de gènes vers d’autres bactéries avaient lieu” (cf. Inf’OGM n°42). Par ailleurs, cette démarche pourrait modifier la problématique des OGM en remettant en cause le brevetage. Interrogé par Inf’OGM, le Pr. Jefferson n’a pas souhaité répondre à nos questions sur les hypothèses présentées ci-dessus.
En 2000, une première variété de riz “doré” génétiquement modifiée pour produire plus de beta-carotène - que le corps humain transforme en vitamine A - avait été créée. Cependant, elle n’en produisait pas suffisamment pour répondre aux besoins quotidiens des enfants. Syngenta vient de réaliser un nouveau riz doré pour pallier ce défaut. Pour Greenpeace, non seulement le riz doré n’est qu’un faire-valoir des OGM, mais surtout une lecture minutieuse des rapports sur cette nouvelle variété montre que des problèmes techniques persistent, que la nature exacte de la provitamine A présente n’est pas indiquée, et que d’autres facteurs limitant le rendement de ce riz n’ont pu être établis. De plus, aucune expérience d’analyse de toxicité de ce riz n’a encore été réalisée. Pourtant d’autres solutions de lutte contre la cécité ont été maintes fois proposées, telles qu’augmenter la diversité de l’alimentation, apporter des compléments vitaminés ou encore avoir son propre potager.