Le Centre commun de recherche de la Commission européenne a publié un rapport [1]sur la manière dont les agriculteurs peuvent réduire la présence fortuite (c’est-à-dire non intentionnelle et inévitable) de PGM dans des récoltes non GM. L’étude traite la question à l’échelle régionale par des simulations exploitant des données relatives aux paysages agricoles européens, aux conditions météorologiques et aux pratiques agricoles, au lieu de se contenter des analyses du transfert de champ à champ qui ont été faites jusqu’ici. Les cas étudiés concernent le maïs, la betterave sucrière et le coton. Elle conclut qu’il est possible de produire des récoltes respectant le seuil de 0,9% fixé par l’UE, sans grands changements dans les pratiques agricoles, si la présence fortuite de matériel GM dans les semences ne dépasse pas 0,5%. Pour le maïs, certaines mesures complémentaires devraient être prises. Pour les semences, les seuils d’OGM dans des lots de semences traditionnelles ne sont pas légalement fixés : tous les lots contenant des traces décelables d’OGM doivent donc pour l’instant être étiquetés comme GM. Le rapport précise que pour obtenir le seuil recommandé par l’UE de présence dans les semences à 0,3%, des mesures complémentaires doivent être prises. Enfin, le rapport estime qu’il ne serait pas possible de garantir une présence accidentelle d’OGM inférieure à 0,1% dans les semences de maïs si les mesures de coexistence étaient limitées à des actions restreintes aux exploitations agricoles individuelles ou à la coordination entre exploitations voisines. Par ailleurs, la Commission considère que la moitié des mesures juridiques de coexistence proposées par les Etats “créent des obstacles à la libre circulation des marchandises”, notamment celles qui interdisent les PGM dans “des régions protégées ou écologiquement sensibles“ ; que les systèmes exigeant des cultivateurs d’OGM qu’ils aient une assurance contre la contamination, ne devraient pas être obligatoires puisqu’aucune assurance ne couvre ce risque en Europe et que cela “rendrait la culture des plantes GM impossible” ; qu’elle ne poursuivra pas les pays qui fixeraient des seuils de contamination plus bas que le seuil de 0,9% qu’elle recommande.

Contrairement à ce qui était affirmé par les diplomates états-uniens, (cf. Inf’OGM n°72, OMC - L’UE en passe de perdre sur les OGM), les Amis de la Terre, suite à la lecture du rapport intermédiaire, affirment que “les trois pays qui ont initié ce conflit commercial contre l’UE, n’ont pas gagné sur la plupart des points litigieux qu’ils soulevaient” et que “l’OMC ne s’est pas prononcée sur deux des questions les plus importantes, à savoir si les aliments OGM sont équivalents à des aliments non OGM et s’ils sont sûrs”.

Pour la première fois une région, Bistrita-Nasaud (au nord du pays,) et 26 localités se sont déclarées “zones sans OGM”.

Le 2 mars 2006, le sous-préfet de Vendôme (Loir et Cher), a validé un arrêté municipal anti-OGM pris en septembre 2005 par le maire PS de Vendôme, pour cause de dépassement des délais légaux [2]. L’arrêté en question oblige “la pose de sachets, dès le début de la floraison, sur les inflorescences dans le but de prévenir les contaminations génétiques”. Le maire adjoint (Vert) estime qu’“ils ont préféré, compte tenu de la nature préventive de notre arrêté, éviter d’être dédits par le tribunal administratif”. Pourtant, en novembre 2005, le sous-préfet avait contesté le pouvoir de police du maire et demandé de retirer l’arrêté. La ville a argumenté que son choix “de ne pas interdire les OGM mais d’en contraindre sévèrement la culture s’avère être en adéquation avec le principe de précaution, principe constitutionnel”. Rappelons que depuis 2002, de nombreux maires ont pris des arrêtés anti-OGM, mais les préfets les ont déférés systématiquement devant les tribunaux administratifs qui les ont annulés (cf. dossier Inf’OGM n°59, Arrêtés anti-OGM : comment évolue le droit administratif ?).

Le 9 mars 2006, s’est tenue la 2713ème session du Conseil des Ministres européens de l’Environnement [3], avec notamment un débat d’orientation sur les OGM, dont les questions liées à la gestion des risques et aux procédures d’autorisation. Les Ministres ont préconisé “une plus grande transparence des procédures ainsi qu’une information plus complète et mieux adaptée pour les consommateurs”. Ils ont notamment critiqué le fonctionnement et le manque de transparence de l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire (AESA), et ont remis en question la procédure de comitologie pour l’agrément de nouveaux OGM. Cette procédure prévoit que c’est à la Commission de décider, si les Etats membres n’ont pu dégager de majorité, ce qui est le cas depuis deux ans. Autre point mentionné, le fait qu’une meilleure coordination s’opère entre toutes les instances concernées, notamment entre la Commission, l’AESA et les autorités nationales compétentes. De plus, “l’évaluation de la sécurité des OGM devrait davantage tenir compte des conséquences possibles à long terme de l’utilisation de ces produits, et il conviendrait d’intensifier les recherches scientifiques dans ce contexte”. Ce débat devra être repris lors du Conseil de juin. Plusieurs délégations ont questionné les bases scientifiques de l’AESA, le Danemark précisant que les recherches sur la sécurité des OGM ne devraient pas être laissées aux seules entreprises. À propos de la comitologie, plusieurs délégations (Italie, Hongrie, Grèce, Luxembourg, Autriche, Danemark) ont demandé que la Commission ne puisse pas autoriser d’OGM si une simple majorité, c’est-à-dire 13 Etats membres, s’y est opposée.
Le Commissaire Dimas répond que la comitologie a été votée par les Etats membres et qu’une modification aura des répercussions dans d’autres domaines de compétence. Surtout, il estime que le problème réside dans la confiance que les Etats accordent à l’évaluation des risques réalisée par l’AESA (cf. aussi UE - Une nouvelle directrice à l’EFSA).

La 3ème réunion des parties au protocole de Carthagène sur la biosécurité s’est déroulée, à Curitiba au Brésil, du 13 au 17 mars 2006. Le Protocole de Carthagène reconnaît aux pays importateurs le droit d’être informés de la présence ou non d’OGM dans les cargaisons qui leur sont destinés. A Curitiba, l’article 18.2 a été remanié et stipule que les pays exportateurs doivent respecter les mesures et les autorisations du pays importateur. En théorie, si l’exportateur est honnête, l’importateur acceptera la cargaison, mais pragmatiquement il aura intérêt de faire des tests pour vérifier si la documentation est conforme au contenu. Concernant l’identification des cargaisons, lors de la précédente réunion, l’an dernier, le Brésil (signataire du protocole) et la Nouvelle-Zélande (non signataire) avaient défendu le maintien de la formule “peut contenir”. Or, à Curitiba, le Brésil a défendu in extremis la formule “contient des OGM”, ce qui a permis d’adopter cette position par les 132 pays. Ainsi, à partir de 2012, pour laisser le temps aux pays de s’organiser, les Etats devront identifier les produits qu’ils exportent et qui contiennent des OGM “selon les possibilités techniques de chaque pays”. Pour la Ministre brésilienne de l’environnement, la terminologie “contient” met la production brésilienne à l’abri d’éventuelles barrières non-tarifaires de la part de pays qui exigent l’étiquetage des OGM. Les exportateurs agricoles, eux, assurent que le tri et l’étiquetage vont renchérir leurs coûts de production et qu’ils seront en position défavorable vis-à-vis de leurs concurrents.

Les sénateurs ont adopté, le 23 mars 2006, en première lecture, le projet de loi relatif aux OGM (cf. Dossier Inf’OGM n°72, A quelle sauce seront mangés les OGM ? et point de vue, Loi OGM : la plus mauvaise transcription possible) [4]. Parmi les amendements adoptés, notons celui du sénateur socialiste Michel Charasse (Puy-de-Dôme) qui limite la précision du registre des cultures commerciale GM. Cet amendement prévoit une localisation des cultures à l’échelle du département, et non à celle de la commune ou de la parcelle, afin “d’assurer la sécurité des biens et des personnes et de protéger la recherche en biotechnologies végétales”. Un autre amendement prévoit que le fonds d’indemnisation “sera abondé par des contributions” versées par les semenciers. L’examen du texte se poursuivra à l’Assemblée en mai.