Le gouvernement croate a adopté, le 27 mai 2005, une nouvelle loi régulant les autorisations de plantes transgéniques [1]. Cette loi interdit la culture de PGM dans les zones protégées, les zones où une agriculture biologique est présente ou encore, celles connaissant un important éco-tourisme. Par ailleurs, les régions ou zones administratives plus petites peuvent également se déclarer “zones sans OGM”. Sur la participation du public au processus d’autorisation à la commercialisation, la loi définit une consultation mais sans décliner son mode d’annonce, sa durée et la prise en considération des résultats. Pour les disséminations dans l’environnement, il n’est pas précisé comment le registre des zones GM sera élaboré et rendu public. Enfin, les seuils de contamination ne sont pas définis, à charge au Ministère de la Santé de les établir.

Fin novembre, le jury de la Cour du District de St Louis a donné raison à Monsanto dans un conflit juridique de cinq ans qui l’opposait à Bayer à propos de droits de propriété intellectuelle sur du maïs [2]. Le jugement reconnaît que ce sont les scientifiques de Monsanto qui ont inventé la technologie utilisée dans son maïs GM YieldGard. C’est en août 2000 que Bayer porte plainte contre Monsanto affirmant que le produit YieldGard viole quatre de ses brevets. En décembre de la même année, Monsanto attaque en justice pour contester ces brevets. Monsanto gagne mais une décision, émise par la Cour d’appel, l’année d’après, relance la procédure. En juin 2004, Bayer a retiré sa plainte sur trois brevets, et c’est donc sur le dernier brevet qu’il vient de perdre. Le maïs YieldGard est cultivé sur 20,5 millions d’ha d’après le rapport fiscal de Monsanto, publié en 2005. Il a été pour la première fois mis sur le marché en 1997.

Le 23 novembre 2005, la Commission européenne a autorisé les aides d’État danoises compensant les pertes dues à la présence d’OGM dans les cultures conventionnelles et biologiques [3]. C’est la première fois que la Commission autorise ce genre d’aide d’État. Seuls les agriculteurs peuvent être indemnisés ; encore faut-il qu’il y ait plus de 0,9 % de matériel GM dans la culture contaminée, le produit correspondant devant alors être étiqueté. Le montant de l’indemnisation ne peut dépasser l’écart de prix existant (sur la base des prix officiels du marché) entre les produits respectivement issus de la culture GM et de la culture conventionnelle ou biologique. La compensation financière est entièrement prise dans le fonds d’indemnisation intégralement alimenté par les producteurs de PGM, suite à l’acquittement d’une taxe parafiscale annuelle de 13,4 euro/ha. L’indemnisation n’exonère pas l’agriculteur concerné de toute responsabilité civile ou pénale au regard de la législation danoise. Le fonds d’indemnisation sera remplacé dès que possible par un système d’assurance privé. La durée du régime d’indemnisation est limitée à cinq ans. La Commission a approuvé le régime d’aide sur la base des règles régissant les aides d’État dans l’UE (art. 87, para 3 du traité CE).

Le Comité gouvernemental sur la biosécurité - composé de 74 membres - n’a pas réussi à s’accorder quant à l’innocuité de quatre variétés de riz GM, différant ainsi la production commerciale de ce riz [4]. Le comité a demandé plus d’informations. Ce comité avait été étoffé par des experts en alimentation et en environnement, d’où un consensus plus difficile à obtenir. Déjà en début d’année, la Chine n’avait pas autorisé la culture commerciale du riz GM Xa21 (avec un transgène issu d’une variété de riz sauvage africain). La Chine expérimente en champs quatre variétés de riz GM, dont des riz Bt (CpTI et Bt/CpTI).

En février 2005, une vingtaine de régions européennes s’engageaient à rester des territoires libres d’OGM en signant la Charte de Florence. Fin 2005 ce sont 36 régions qui composent le réseau : 14 en France, 10 en Italie, sept en Autriche, deux en Espagne, une en Grèce et deux en Grande-Bretagne. En Bretagne, l’une des régions françaises du réseau, les 29 et 30 novembre 2005, a eu lieu la quatrième réunion des Régions européennes sans OGM. A l’issue de la rencontre, la “déclaration de Rennes” a été adoptée : elle présente les quatre orientations que le Réseau s’est engagé à défendre :

- les règles de coexistence sont décidées sur une base régionale et/ou locale et les autorités régionales ou locales doivent être définies comme “échelle appropriée” pour mettre en œuvre cette coexistence ;

- le principe de précaution s’applique aux OGM, leur dissémination pouvant générer des effets irréversibles et incontrôlables pour la biodiversité et la santé et il doit se concrétiser avec “la mise en place de programmes de suivi, de recherche et d’action visant à une maîtrise acceptable de leurs impacts potentiels”. Les régions déplorent aussi la rareté des évaluations économiques quant aux coûts induits par l’apparition des PGM en Europe, et ceci afin de permettre une analyse complète des coûts / bénéfices des PGM.

- le principe de responsabilité juridique et pénale des opérateurs utilisant des PGM devrait s’appliquer, notamment “quant aux conséquences d’une dissémination de matériel GM dans des filières où ils sont prohibés” et la dissémination d’OGM doit être subordonnée à la mise en œuvre du principe pollueur / payeur, avec la mise en place d’un fonds abondé par les producteurs d’OGM pour une indemnisation exhaustive des dommages directs et indirects.

- l’exigence du co-développement entre les producteurs doit faire que, dans un souci de cohérence, les régions du Réseau refusent de soutenir des importations de matières riches en protéines d’origine transgénique. Le Réseau souhaite sécuriser des approvisionnements en protéines végétales non GM, selon des principes de juste rémunération des producteurs.

Suite à la note française (cf. Inf’ogm n°68) et au procès en Allemagne à propos du MON863 (Inf’OGM n°65), la Commission européenne a mis en place un comité d’experts en charge de la confidentialité sur le dossier OGM qui s’est réuni les 19 septembre et 18 novembre 2005 [5]. La Commission propose que “seules les informations relatives à la propriété intellectuelle d’une compagnie, par exemple la méthode de production d’un OGM, le marketing, les droits de brevet (comme les données relatives au séquençage ADN), peuvent être gardées secrètes”, que“la décision sur la confidentialité se fera au cas par cas” et qu’un comité d’experts décidera, alors, ce qui doit ou non être rendu public. Parmi les documents qui devront l’être, on trouve les analyses de risques. Et, “si une autorité nationale reçoit une demande de lever la confidentialité de la part de l’une de ses homologues européennes, c’est l’autorité ayant décrété la confidentialité - ainsi que l’entreprise - qui seront d’abord consultées”. Selon un expert européen, “la Commission aurait intérêt à pousser à lever toute la confidentialité”, et d’ajouter“si toutes les études étaient rendues publiques, on se rendrait compte que souvent, l’innocuité des OGM importés ne peut pas être complètement prouvée”.

Monsanto a déposé une demande d’autorisation [6] pour la culture commerciale du soja Roundup Ready. Depuis 1996, seule l’importation (pour transformation et alimentation du bétail) de ce soja RR était autorisée. Interrogée par Inf’OGM pour connaître pourquoi le soja RR n’était pas autorisé dans l’UE, la CGB avait répondu qu’aucune demande n’avait été formulée en ce sens, le marché étant trop faible, car la majeure partie du soja est importée. Mais la Roumanie cultive du soja GM et elle va entrer dans l’UE le 1er janvier 2007. Officiellement le soja GTS 40-3-2 y est autorisé et 14 variétés appartenant à 5 entreprises différentes dont Monsanto et Pioneer ont été inscrites au catalogue roumain. Si l’UE interdisait la culture de ce soja, la Roumanie devra éradiquer ses 100 000 hectares de cultures GM...

Le 2 décembre 2005, les ministres de l’Environnement n’ont pu trancher la question de l’importation du maïs GM de Monsanto, hybride MON863/MON810. 14 ministres de l’Environnement, dont les ministres polonais et danois, ont voté contre l’autorisation, alors que huit, dont les ministres français et allemand, ont voté pour et trois, dont le ministre espagnol, se sont abstenus. Le dossier reviendra donc à la Commission, qui a toujours tranché en faveur des autorisations.

Le 20 décembre 2005, la Commission européenne a envoyé les derniers avertissements écrits [7] à l’Allemagne et à la France pour ne pas s’être conformées à des arrêts rendus par la Cour de justice européenne en 2004 concernant la non transposition de la directive 2001/18 sur la dissémination volontaire des OGM, qui aurait dû l’être pour le 17 octobre 2002. En février 2005, l’Allemagne avait communiqué à la Commission le texte de sa nouvelle législation sur le génie génétique. Elle a cependant informé la Commission qu’un deuxième texte de loi, traitant essentiellement des règles de procédure, devait être adopté pour que la directive soit intégralement transposée, texte non encore voté à ce jour.
En attendant, le nouveau gouvernement allemand a souhaité faire des OGM “une des premières priorités” et entend modifier la législation votée sous l’ancienne majorité. Il prévoit, entre autres, l’abolition du principe de débiteur solidaire. Le président fédéral de Bioland, Thomas Dosch [8], qualifie la réglementation prévue comme étant “le pire dénominateur commun de la nouvelle coalition” et y voit la fin du libre choix des agriculteurs et des consommateurs. En effet, l’agriculteur qui pollue les champs de son voisin ne pourra être porté responsable que si l’on peut prouver sa faute personnelle. Ce sera alors au cultivateur qui souhaite produire des aliments non GM d’apporter les preuves nécessaires. Dans les autres cas, c’est un fonds de responsabilité qui réglera les dommages. D’ailleurs, l’Allemagne vient d’inscrire sur son catalogue national des semences, trois variétés de MON810 (une de Monsanto et deux de Pioneer) [9].
Quant à la France, elle n’a pas précisé quand elle transposerait les dispositions manquantes, malgré les rappels de la Commission. Un projet de loi a été déposé au Conseil d’Etat, le 18 décembre 2005 [10]. C’est le Ministère de la Recherche qui pilotera ce projet de loi, qui devrait être déposé au Parlement début 2006. En ce qui concerne le volet agricole du projet de loi, la grande nouveauté va résider dans la constitution d’un “registre des parcelles OGM commerciales”.

Le 21 décembre, la Commission européenne a adopté une proposition pour un nouveau règlement sur l’alimentation biologique [11]. Elle précise clairement que “les denrées alimentaires contenant des OGM ne pourront pas bénéficier de l’étiquetage réservé aux produits biologiques, hormis ceux contenant jusqu’à 0,9% d’OGM pour cause de contamination accidentelle”.