Les conseils municipaux de trois communes du Calvados ont pris de nouveaux arrêtés pour interdire les essais et la culture d’OGM en plein champ sur leurs terres agricoles. Tirant les leçons d’un précédant recours en annulation du Préfet du Calvados, les nouveaux arrêtés anti-OGM étaient limités dans le temps (une année) et dans l’espace, pour tenter d’échapper au risque d’illégalité. Robert Delente, le maire de Saint-Aignan-de-Cramesnil, a souligné, le jour de l’audience devant le Tribunal le 19 novembre 2003, les incohérences juridiques de ce dossier : “S’il existe une police spéciale pour l’implantation des OGM, elle est en contradiction flagrante avec le pouvoir de police des maires. Le comité des Sages, mis en place par le gouvernement, reconnaît qu’il y a une lacune à combler pour que le maire puisse avoir une plus grande latitude dans ses pouvoirs de police”. Gérard Leneveu, premier adjoint de Giberville, a énuméré, quant à lui, le danger potentiel des OGM. Cependant, pour le commissaire du gouvernement, “les textes réglementaires français et européens encadrent rigoureusement les essais et les cultures d’OGM. Les pouvoirs de police des États sont plus efficaces pour la santé humaine que celui des élus locaux. Car s’il y a danger dans telle commune, il y a danger pour tous”. Le commissaire du gouvernement a demandé au tribunal l’annulation des arrêtés et l’affaire a été mise en délibéré sans fixer de date.
Les conseillers gouvernementaux attachés à la question des OGM ont demandé la mise en place de règles pour éviter la contamination des cultures voisines si les OGM sont introduits sur le sol anglais. Les membres du Comité en charge de la question, qui représentent aussi bien des partisans que des opposants aux OGM, se sont mis d’accord sur des lignes directrices pour limiter les contaminations. Mais certains membres voudraient un arrêt total de la procédure d’introduction et aucun consensus n’a pu aboutir sur la question du seuil zéro dans l’agriculture biologique. Sur la question de la responsabilité en cas de contamination, il a été proposé de mettre en place un fonds de compensation, mais les membres sont encore indécis sur la question de savoir qui sera responsable en cas de contamination d’un aliment bio.
La Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) est en charge de l’évaluation scientifique des dossiers de demandes d’autorisation d’essais en champs en France. Ses membres, au nombre de 19, comprennent un représentant d’une association de défense des consommateurs et un représentant d’une association de défense de l’environnement. Ces représentants ont fait défaut au cours des années 2003 et 2002 suite à deux démissions (novembre 2001 pour l’environnement et octobre 2002 pour les consommateurs). Interrogé par Inf’OGM, le secrétariat de la CGB a expliqué cette absence par une procédure de recrutement assez longue mais surtout, par un manque de multiplicité de candidatures de la part des associations interpellées par le Ministère de la Recherche, en charge du recrutement. Du côté des associations d’environnement, France Nature Environnement (FNE), fédération d’associations, a effectivement reçu la demande de candidature et répond qu’elle a, à plusieurs reprises, proposé un candidat dès novembre 2001 : F. Jacquemart, choisi au sein du Comité de Biotechnologie de FNE. Après 2 ans de candidature répétée et d’absence de réponse officielle auprès de l’intéressé, ce dernier a finalement été choisi par la CGB et s’est vu confirmer sa nomination lors d’un entretien privé avec le président de la CGB, M. Fellous. F. Jacquemart a répondu à Inf’OGM sur la longueur du processus : “La candidature a été officiellement déposée et plusieurs fois relancée par le chargé de mission de FNE C. Hosy, et par J. P. Raffin (démissionnaire en novembre 2001). Le dossier a été perdu par le Ministère de la Recherche, puis retrouvé, puis bloqué de façon semble-t-il définitive par le Ministère de l’Agriculture. Cela fait donc deux ans que ce poste n’est pas pourvu”. Cette nomination devrait être effective en janvier 2004. Du côté des associations de défense des consommateurs, une procédure de nomination serait également en cours. La CGB est actuellement en cours de restructuration et ses comptes-rendus de séance, non publiés aujourd’hui, devraient être rendus publics sous forme synthétique via internet.
La Commission “Agriculture et Développement Rural” a adopté le 2 décembre le rapport de Danielle Auroi (Verts/ALE) sur une proposition de règlement concernant le mode de production biologique de produits agricoles. Cette proposition qui vise à modifier le règlement 2092/91 tente de répondre à une demande croissante des consommateurs et des agriculteurs pour ces pratiques respectueuses de l’environnement. Après plus de dix ans d’application des législations existantes, se pose le problème de l’uniformisation ainsi que des dénominations et de l’identification de l’agriculture biologique européenne. Le secteur compte aujourd’hui 150 000 exploitations en Europe pour 4% de superficie agricole. L’objectif allemand est de compter 20% des exploitations en agriculture biologique pour 2010. Le règlement vise, entre autres choses, à protéger les surfaces cultivées en agriculture biologique des pollutions éventuelles par les OGM. Cela nécessite l’installation de périmètres de sécurité et l’interdiction de la culture de végétaux génétiquement modifiés dans ce périmètre, d’au moins 12 kilomètres. Il faut également protéger les producteurs biologiques en cas de contamination accidentelle.
Le 19 novembre 2003, le Conseil fédéral suisse a modifié 8 ordonnances s’appliquant actuellement aux OGM, afin de permettre l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2004, de la Loi sur le Génie Génétique (LGG). Cette loi a pour but de renforcer la protection de l’homme et de l’environnement contre les abus du génie génétique. Les adaptations en question concernent notamment la désignation des produits qui contiennent des OGM, la coordination de l’exécution au sein de l’Administration fédérale ainsi que les procédures de recours. Par exemple, les OGM ne peuvent être disséminés à titre expérimental que si l’étude concernée contribue aussi à la recherche de la sécurité biologique et qu’il est prouvé que la dissémination envisagée est nécessaire. De même, la loi dispose qu’il faut assurer une offre suffisante de marchandises sans OGM afin de garantir le libre choix des consommateurs. Les produits contenant des OGM devront être clairement désignés. La LGG renforce enfin la responsabilité civile prolongeant le délai de prescription, en couvrant également les dommages à l’environnement et en favorisant la transparence, notamment un meilleur accès du public aux informations sensibles.
La Commission européenne a annoncé que les experts des Quinze ont rejeté, une fois de plus, lundi 8 décembre, la demande de mise sur le marché du maïs transgénique Bt- 11. “Il n’y a pas eu de majorité qualifiée (pour autoriser la mise sur le marché du Bt-11)”, a déclaré Beate Gminder, porte-parole du commissaire européen à la santé, David Byrne. Seuls six pays (Espagne, Irlande, Royaume Uni, Pays-Bas, Suède et Finlande) se sont prononcés en faveur de l’autorisation du Bt-11. Trois autres pays, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie, qui préside actuellement l’UE, se sont abstenus et les six derniers (France, Autriche, Luxembourg, Danemark, Portugal et Grèce) ont voté contre. La décision et la responsabilité de lever ou non le moratoire de fait sur les nouveaux OGM observé depuis 1999 va désormais être renvoyée aux ministres européens, qui disposeront de trois mois pour se prononcer à leur tour, faute de quoi le dossier serait laissé entre les mains de la Commission, ouvertement favorable à la levée du moratoire. Le verdict a été salué par les Amis de la Terre comme “une victoire pour la sécurité du public et le bon sens. La Commission européenne a maintenant l’opportunité de revoir sa position”, a déclaré un porte-parole de l’organisation, Geert Ritsema.
Un accord a été conclu le 9 décembre à Milan sur l’utilisation d’arbres génétiquement modifiés dans des plantations forestières destinées à favoriser le stockage des gaz à effet de serre. Le compromis prévoit que les pays accueillant des investissements forestiers devront faire une évaluation des risques, s’ils acceptent des projets comportant des espèces d’arbres génétiquement modifiées ou des espèces dites “envahissantes”, selon Aldo Iacomelli, porte-parole de la présidence italienne de l’Union européenne. Cet accord a été adopté dans le cadre de la mise au point des dernières modalités d’application du protocole de Kyoto, traité international imposant des réductions d’émissions de gaz à effet de serre aux pays industriels. L’accord prévoit, dans son préambule, que “les parties hôtes du projet, en accord avec leurs lois nationales, évaluent les risques liés à l’utilisation d’OGM dans les projets de reforestation et que les Parties incluses dans l’annexe I (pays industrialisés) évaluent, en accord avec leur législation nationale, l’utilisation de “crédit d’émission temporaire” liés à des projets utilisant des OGM”. Cela signifie que chaque partie doit se baser sur sa législation nationale sur les OGM pour mettre en place les projets de reforestation. Par ailleurs, l’annexe B, qui concerne la liste des informations à donner dans la réalisation de projets, dispose que les pays doivent faire une description technique de l’activité en question, notamment pour les espèces et variétés sélectionnées dans la plantation. Cette obligation de description est importante puisqu’elle oblige le développeur de projet à être transparent sur les espèces utilisées et permet d’identifier la présence ou non d’OGM. Cet accord a été entériné formellement en plénière le 12 décembre, à la fin de la conférence de l’ONU qui s’était ouverte le 1er décembre. Aujourd’hui, près de 100 essais d’arbres transgéniques ont eu lieu dans 16 pays différents.
La Commission Agriculture du Parlement européen a adopté le 12 décembre un rapport, présenté par Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, sur la coexistence entre cultures OGM et cultures conventionnelles et biologiques. Ce rapport préconise de fixer “un seuil techniquement mesurable et fiable permettant de détecter” la présence d’OGM dans les semences. Elle demande à la Commission européenne de lui présenter un rapport sur les conséquences économiques de la coexistence, de lui proposer un texte “sur la responsabilité civile au plan communautaire et à l’assurance contre les préjudices financiers liés à la coexistence”, de donner une définition juridiquement contraignante aux notions de “techniquement inévitable” et d’“accidentel” et de travailler sur tous les aspects de la coexistence transfrontalière. Enfin le rapport reconnaît “qu’un refus volontaire ou régionalement limité de cultiver des OGM dans certaines zones et dans certaines conditions de culture peut constituer la mesure la plus efficace et la plus rentable économiquement” et demande aux Etats de transposer l’article 26 bis de la directive 2001/18 dans le but d’une telle solution, les Etats devant se voir reconnaître la capacité juridique d’interdire totalement la culture d’OGM dans des zones géographiquement limitées afin de garantir la coexistence. Enfin elle considère que le moratoire ne devrait pas être levé avant l’adoption de règles contraignantes sur la coexistence. Ce rapport a été adopté le 18 décembre 2003, au Parlement européen, par 327 voix contre 52 (1). Le Parlement le présentera à la Commission pour qu’elle initie des dispositions législatives sur la coexistence et sur la responsabilité civile et qu’elle autorise les zones sans OGM. Toutefois, la Commission n’a aucune obligation de respecter l’opinion du Parlement.