Inf'OGM le journal est un trimestriel de 20 pages qui vous informe sur l'actualité des OGM et des semences de façon critique et contextualisée.
Soutenez une information indépendante,
abonnez-vous.
Le 12 juillet 2010, plusieurs dizaines de militants ont détruit deux essais en champs de maïs génétiquement modifié appartenant à Syngenta, dans la commune de Torroella de Montgrí, en Catalogne.
Aujourd’hui, 13 juillet 2010, le commissaire européen à la Santé, John Dalli, commentait en conférence de presse les options retenues par le collège des commissaires sur le dossier OGM. La volonté affichée par la Commission est d’accroître la liberté des États d’interdire la culture des PGM, mais pour les ONG européennes, c’est davantage un déblocage de l’épineux dossier des autorisations à la culture qui est recherché.
Aux Etats-Unis, l’agence de protection de l’environnement (EPA) a annoncé le 8 juillet 2010 que Monsanto avait accepté de payer une amende de 2,5 millions de dollars pour violation de la réglementation sur les pesticides dans le cadre de la commercialisation de son coton Bt génétiquement modifié (Bollgard et Bollgard II) [1]. Aux Etats-Unis, certains OGM sont soumis à la réglementation sur les pesticides, ce qui n’est pas le cas en Europe, malgré des demandes régulières des ONG.
Concrètement, Monsanto a reçu une autorisation pour son coton Bt de la part de l’EPA, autorisation qui l’obligeait à informer les producteurs de certaines restrictions. Ainsi, l’EPA avait interdit la culture de ce coton GM dans dix comtés du Texas du fait de la possibilité d’apparition de résistance aux toxines émises par le coton. Or, l’EPA, suite à une enquête réalisée entre 2002 et 2007, a découvert que Monsanto avait commercialisé ce coton GM sans préciser ces restrictions aux acheteurs. Ce manquement à la réglementation a été observé 1 700 fois par l’EPA dans certaines régions du Texas.
Le communiqué de l’EPA précise que depuis Monsanto a "conséquemment corrigé les informations pour les agriculteurs en incluant les restrictions requises pour la culture pour les produits Bollgard et Bollgard II". L’EPA annonce aussi qu’en septembre 2008, elle "a abandonné les restrictions à la culture pour les dix comtés du Texas pour le Bollgard II après que Monsanto a fait une demande de modification de l’enregistrement de ce produit".
Cette condamnation illustre bien la différence de culture entre les Etats-Unis et l’Union européenne : contrairement à l’UE, les Etats-Unis font confiance a priori au progrès scientifique, mais peuvent ensuite être plus sévères dans l’application des règles. Cependant, une amende peut-elle effacer les dommages causés à l’environnement ? Ne faut-il pas mieux tenter de gérer ces risques potentiels en amont ?
Après plus de dix ans de moratoire sur la culture du maïs transgénique, le Mexique vient d’autoriser plus de mille hectares de maïs transgénique. Le moratoire avait été rompu officiellement dès 2009, quand le gouvernement avait autorisé des essais en champ de maïs GM sur 12,7 hectares [2].
Interrogée par la Jornada [3], Silvia Ribeiro, de l’ONG ETC Group nous informe que le gouvernement a donné son aval "sans tenir compte des résultats de sa supposée recherche". La demande a été faite par les entreprises multinationales Monsanto, DuPont, Dow et Syngenta.
Silvia Ribeiro, dans le même article, continue : "En acceptant ces nouvelles demandes, le gouvernement a montré qu’il ne voyait pas de nécessité à attendre les résultats de ce qu’on appelle des « expériences », comme le ferait toute institution sérieuse, car les essais en champ ne sont pas une expérience, et les résultats montrent ce qu’ils ont décidé précédemment. Il ne s’agit que d’une formalité législative avant la mise en place des cultures commerciales".
Le Mexique n’est pas seulement le berceau génétique du maïs, le maïs est au centre même de l’alimentation et de la culture de ce pays. Le maïs est consommé quotidiennement, en ville comme à la campagne, et les impacts non évalués sur la santé seront plus qu’ailleurs problématiques.
Une équipe de scientifiques de l’Université de Zurich (Suisse) a cultivé sous serre et en plein champ des lignées de blé génétiquement modifiées pour résister à l’oïdium (gène Pm3b). Cette étude a été menée dans le cadre du programme de recherche national « Utilité et risques de la dissémination des plantes génétiquement modifiées » (PNR 59) mis en place suite au moratoire suisse pour obtenir des données fiables en vue d’une possible réautorisation des cultures transgéniques dans ce pays. Les chercheurs [4] constatent qu’en serre et en l’absence de traitement fongicide, le blé transgénique a un rendement jusqu’à deux fois plus important que le blé non transgénique et non traité, mais qu’en plein champ, la tendance s’inverse : les blés transgéniques ont eu jusqu’à 56% de baisse de rendement par rapport aux blés non GM. Au-delà du rendement, ils ont aussi observé des modifications de la forme des épis sur certaines lignées et que cela favorisait un autre champignon, l’ergot du seigle. Les chercheurs notent que l’infestation par l’ergot (Claviceps purpurea) était, en plein champ, jusqu’à 40 fois plus importante sur les blés GM que sur leur équivalent classique. Une autre étude, menée avec un blé génétiquement modifié pour lutter contre la rouille des feuilles avait montré que ce transgène pouvait être responsable d’une baisse de 12% de rendement [5].
Ainsi, les chercheurs concluent : "Nos résultats démontrent que, en fonction de l’insertion, un transgène particulier peut avoir des effets importants sur le phénotype d’une plante et que ces effets peuvent parfois être inversés lorsque les plantes sont cultivées en serre ou en champ". Les chercheurs reconnaissent ne pas comprendre quels mécanismes biologiques sont responsables de ces effets", mais ils font l’hypothèse que cette variation dans les effets phénotypiques peut être due aux différents niveaux d’expression du transgène Pm3b qui, à leur tour, pourraient avoir été causés par différentes positions d’insertion du transgène dans le génome.
Les chercheurs ont communiqué sur cette étude, via un communiqué de presse publié par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). On peut lire dans ce texte destiné tant à la presse qu’aux responsables politiques : "les résultats obtenus en serre ne sont pas applicables au contexte du plein champ et les essais en plein champ sont donc importants". Cette étude ne va-t-elle pas, au final, légitimer les essais en plein champ, essais contestés par de nombreuses ONG et des scientifiques du fait des risques de dissémination des transgènes ?
Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM à Greenpeace France, considère lui que "cette étude montre que le comportement du blé GM est imprévisible et qu’il est donc dangereux et irresponsable de le disséminer dans l’environnement. Aucun nombre d’essais en champ n’apportera de garantie pour des disséminations à l’échelle agricole. Elle montre que ces essais étaient inutiles, qu’il n’y a pas d’intérêt à développer ce blé et qu’il vaudrait mieux consacrer les ressources financières à développer des variétés adaptées à une agriculture écologique".
Le 3 juin 2010, le ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation d’Irlande a découvert que des essais de maïs conventionnel (variété PR39T83, de Pioneer Hi-Bred) étaient contaminés à hauteur de 0,3% (soit trois plants GM pour 1000 plants cultivés) par du maïs Nk603 de Monsanto, maïs illégal à la culture sur le territoire européen et en a informé le ministère de l’Environnement. Ce dernier n’a révélé publiquement cette contamination qu’un mois plus tard, le 22 juillet 2010, par un communiqué de presse [6].
Le ministère de l’Agriculture a décidé d’interrompre l’essai et de détruire les plantes incriminées. Le ministère de l’Environnement précise qu’au moment de la destruction de l’essai, "les plantes étaient au stade végétatif, ce qui signifie qu’aucun pollen ou semence ne s’était encore formé".
A l’heure où, aux Etats-Unis, Bayer est jugé responsable des pertes financières des riziculteurs suite à une importante contamination par du riz génétiquement modifié (survenue en 2006), en Chine, Greenpeace a découvert, courant juillet, que les réserves nationales chinoises et deux supermarchés, Wal-Mart et Zhongbai, distribuaient du riz contaminé par une variété transgénique interdite (le riz Bt63 produisant une toxine insecticide).
Greenpeace suppose que ce riz a été cultivé dans la province de Hubei. En effet, des militants de Greenpeace avaient trouvé, en avril 2010, des semences contaminées dans cette province ainsi que dans la province voisine, le Hunan [7]. Et, alors que plusieurs provinces avaient surveillé les stocks de riz pour détecter la présence de transgènes, la province de Hubei, précise l’ONG, avait été lente à réaliser cette enquête.
Le riz GM n’a pas encore reçu d’autorisation à la culture, dans aucun pays du monde, et déjà les contaminations sont légions. Ces dernières serviront-elles à faire basculer les gouvernements et les inciter à autoriser une plante transgénique déjà présente dans les champs et les produits alimentaires ? Inf’OGM rappelle qu’au Brésil et en Inde, d’importantes contaminations ont précédé les autorisations pour, respectivement, le soja et le coton transgénique.
Le 14 juillet 2010, le tribunal de St Louis, dans le Missouri, a condamné Bayer à payer plus de 390 000 euros [8] de dommages et intérêts à Danny Deshotels, riziculteur en Louisiane.
C’est la cinquième Cour qui condamne l’entreprise Bayer à payer des dommages et intérêts aux agriculteurs qui ont subi des pertes économiques suite à la contamination du riz conventionnel par des variétés transgéniques « Liberty Link » [9].
Ce procès n’est pas le dernier : environ 500 autres procès sont en instance, ce qui correspond à des demandes d’indemnisation de 6 600 agriculteurs.
En Inde, l’organe en charge de l’évaluation des plantes génétiquement modifiées (Genetic Engineering Approval Committee, GEAC) a rejeté, le 9 juin 2010, la demande faite par l’Université des sciences agricoles de Dharwad, d’expérimenter en champs deux arachides génétiquement modifiées censées résister à la sécheresse et à la salinité (DREB2A et PDH). La raison du refus est que cette arachide GM contient le gène « marqueur » glucuronidase A (GusA) [10], produit naturellement par Escherichia coli et codant pour la ?-glucuronidase (une enzyme lysosomale humaine). Le gène Gus est couplé au promoteur du gène d’intérêt. S’il est activé, une synthèse de ?-glucuronidase se produit et une coloration bleue l’indique. On sait alors si l’opération de transgénèse a réussi ou non. Deux autres variétés transgéniques d’arachide - qui ne contiennent pas le gène Gus, ont, elles, reçu l’autorisation du GEAC.
Le GEAC reconnaît aussi que la construction génétique permettant d’induire une résistance à des stress environnementaux est plus complexe que celles précédemment étudiés. Pour les deux OGM autorisés, le GEAC précise donc que "le pétitionnaire a été prévenu des complexités associées aux facteurs de transcription, car ces derniers sont connus pour déclencher la production d’un nombre important de protéines en aval, ce qui peut poser des problèmes lors des nécessaires évaluations, notamment toxicologiques, requis pour l’approbation réglementaire.toxicologique".
Afin d’éviter tout conflit d’intérêt pendant les discussions, le compte-rendu du GEAC précise que "le Comité a demandé au Dr. Uday Kumar, membre du GEAC, qui a été activement impliqué dans le développement des arachides transgéniques à l’Université des Sciences Agricoles de Bangalore, de quitter la salle ".
Le 21 juillet, l’association de la Table ronde pour un soja responsable (RTRS) a rendu publics les principes et critères retenus pour la définition du soja responsable [11]. Gros point noir : le soja génétiquement modifié n’est pas explicitement exclu des critères pour valider le soja comme « responsable ». Le soja Round-up ready (tolérant le glyphosate) pourrait donc être labellisé « soja responsable ».
Le 13 juillet 2010, la Commission européenne a publié, parallèlement à sa proposition concernant la gestion des autorisations, de « nouvelles lignes directrices » sur la coexistence des filières GM et non GM [12]. Ces lignes directrices viennent assouplir les précédentes, qui dataient de 2003, et comme elles, ce sont des recommandations non contraignantes. Ces principes édictés par la Commission européenne doivent permettre de limiter les différences entre les réglementations nationales.
Aujourd’hui, mercredi 28 juillet 2010, le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) vient de rendre son avis sur la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora, suite à une saisine du ministère de l’Agriculture en date du 11 mars 2010.
Autorisée à la culture le 2 mars 2010, cette pomme de terre a été génétiquement modifiée pour produire "un amidon (ou fécule de pomme de terre) enrichi en amylopectine, composant utilisé en industrie, notamment pour la fabrication de papier, de colles, d’adhésifs, etc. [...] Les co-produits de la transformation industrielle de l’amidon (pulpes) pourraient être utilisés dans l’alimentation animale".
L’avis du HCB met en avant des problèmes scientifiques et juridiques que nous allons analyser en détail. Certains d’entre eux n’ont pas été repris dans le communiqué de presse du HCB, comme l’impossibilité de mettre en place une traçabilité sérieuse et l’illégalité de l’autorisation pour l’alimentation humaine de cette pomme de terre GM.
Le 28 juillet 2010, la Commission européenne a finalisé le processus d’autorisation de cinq maïs génétiquement modifiés : deux mis au point par Pioneer Hi-Bred (1507x59122, 59122x1507xNK603), deux par Monsanto (Mon88017xMON810 et Mon89034xNK603) et un par Syngenta (Bt11xGA21). Ces maïs GM sont autorisés, pour dix ans, uniquement pour l’alimentation humaine et animale.
La Commission européenne a aussi autorisé le renouvellement du maïs Bt11, de Syngenta.
Ces décisions finales revenaient à la Commission européenne faute de majorité qualifiée lors du précédent Conseil des ministres de l’Agriculture qui s’est tenu le 29 juin 2010 [13].
Le 28 juillet 2010, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé, à l’unanimité, "irrecevable" le recours [14] exercé par les neuf Faucheurs volontaires qui avaient "neutralisé" une parcelle de maïs OGM à Guyancourt (Yvelines, 78) en 2003 [15]. Les neuf prévenus avaient été relaxés, en première instance, en 2006, par le tribunal de Versailles [16] mais condamnés en appel en 2007 à trois mois de prison avec sursis et à 1 000 euros d’amende chacun [17].
Concernant l’argument soulevé de l’atteinte à la santé et à l’environnement, les juges de la CEDH refusent de considérer les requérants comme des victimes : "M. Caron et les autres requérants affirment clairement avoir agi essentiellement pour défendre l’intérêt collectif, et n’expliquent pas en quoi ils auraient été personnellement affectés par les OGM cultivées dans les parcelles qu’ils ont « neutralisées ». Ils ne résident pas à proximité des parcelles visées, qui ont été choisies pour des raisons pratiques (accessibilité etc.)".
La CEDH a aussi conclu que s’agissant de la condamnation pénale des requérants, "ni l’article 2 (sur le droit à la vie), ni l’article 8 (sur le droit au respect de la vie privée et familiale) ne peuvent avoir pour effet de les affranchir de leur responsabilité pénale pour des actes délictueux". Il s’agit des articles de la Convention européenne des droits de l’homme.
Enfin, la CEDH "note que les requérants se plaignent de manière générale de la dissémination des OGM sur les cultures traditionnelles et biologiques sans pour autant faire valoir que leurs propres cultures ou vignes seraient directement affectées, lesquelles ne se trouvent du reste pas à proximité géographique des parcelles neutralisées. [...] Les requérants ne sauraient davantage se prétendre victimes d’une violation sur le fondement de l’article 1 du Protocole no 1".
Le 20 juillet, à la demande de plusieurs entreprises semencières [18], le ministre de l’Agriculture, Bruno Lemaire, a inscrit au catalogue français 36 variétés de maïs génétiquement modifié Mon810 et deux variétés de maïs GM T25 [19]. L’inscription des deux variétés de maïs T25 pourrait signifier la fin du moratoire français sur la culture commerciale des OGM, et l’entrée dans les champs européens de cette plante tolérante à un herbicide. Inf’OGM demande que toute la transparence soit faite sur cette affaire.
En Italie, début 2010, des agriculteurs du Frioul avaient menacé le gouvernement de cultiver du maïs OGM, en dépit du moratoire réaffirmé par le ministre de l’Agriculture [20]. Début juillet, un agriculteur, Giorgio Fidenato et un ancien journaliste, Leonardo Facco, ont revendiqué dans un article publié par Nature Biotechnology [21] avoir semé « dans un acte de désobéissance civile » du maïs GM. Une vidéo publiée sur YouTube les montre en train de planter le maïs GM [22]. Une analyse, commandée par Greenpeace et réalisée par un laboratoire indépendant accrédité, prouve qu’il s’agissait effectivement de maïs MON810.