En février 2000, à la demande du gouvernement, la Société Royale du Canada (SRC) mettait en place un “Comité d’experts sur l’avenir de la biotechnologie alimentaire”. En 2001, dans son rapport [1], la SRC proposait 58 recommandations.
Rédigé par des universitaires et des responsables de la société civile, un autre rapport, publié le 21 octobre 2004 par le Polaris Institute [2] fait le point sur l’avancement de ces recommandations et conclut que globalement le gouvernement ne les a pas mises en application. Pourtant, en avril 2004, le Comité consultatif canadien de la biotechnologie notait que le gouvernement devrait s’engager à les mettre en œuvre.
Seules deux actions vont pleinement dans le sens des recommandations : les aliments OGM destinés aux humains et au bétail seront autorisés conjointement ; un programme de recherche révisé par des pairs concernant les interactions entre poissons transgéniques et poissons sauvages est en cours. Certaines recommandations ont été entreprises, mais les critères minimaux n’ont pas encore été atteints, comme l’abandon de l’approche réglementaire basée sur l“équivalence substantielle”, la réalisation d’évaluations environnementales complètes des végétaux GM, la mise en place d’un moratoire sur les poissons transgéniques, l’interdiction des marqueurs moléculaires de résistance à un antibiotique, etc. Enfin, de nombreuses autres recommandations, comme l’étude de la domination qu’exercent les intérêts privés sur la recherche publique, le suivi systématique de la résistance des insectes aux OGM, etc. n’ont pas du tout été prises en compte.
Me Marie-Christine Etelin, une des avocates des “faucheurs volontaires” a porté plainte contre X le 26 octobre 2004, au nom de 22 personnes auprès du procureur de la République Robert Bartoletti “pour violences volontaires avec usage d’une arme, commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique” et pour “absence de sommation préalable par les forces de l’ordre”, lors d’une tentative de fauchage d’un champ de maïs transgénique à Solomiac (Gers) le 5 septembre. Quelques jours plus tard, 300 manifestants avaient réclamé à Auch la démission du préfet du Gers. Selon Me Etelin, les violences les plus sérieuses ont eu lieu à la fin de la manifestation, alors que les faucheurs avaient déjà dû renoncer à leur opération. Les 22 plaignants blessés ont eu des arrêts de travail avec incapacité temporaire de travail allant jusqu’à trois semaines. “La chaîne de commandement doit être mise à nu”, a-t-elle déclaré.
Le 20 octobre, le regroupement québécois contre les OGM remettait une pétition signée par 40 organisations à deux députés. Cette pétition demandait que le Québec fasse pression sur Ottawa pour l’adoption d’une réglementation nationale sur l’étiquetage des OGM. Plus récemment, une coalition de groupes québécois et canadiens a remis une autre pétition, signée par 20 000 personnes, demandant “que la Chambre des communes décretent un moratoire sur les OGM en attendant que l’innocuité soit démontrée (1)”.
Au niveau politique, le 18 octobre (2), le Parti Québécois (PQ) adoptait une résolution d’urgence afin d’exiger du gouvernement d’appliquer les recommandations adoptées à l’unanimité par la Commission de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation dans le rapport “La sécurité alimentaire : un enjeu de société, une responsabilité de tous les intervenants de la chaîne alimentaire”. Fin octobre, le PQ demandait officiellement au gouvernement Charest de respecter ses promesses électorales et de déposer un projet d’étiquetage obligatoire des OGM. Le 17 novembre 2004, le gouvernement libéral du Québec confirmait qu’il ne s’engagera pas en faveur de l’étiquetage obligatoire des OGM sans l’accord des autres provinces et du gouvernement fédéral.
Pour la première fois une femme africaine a été nommée lauréate du Prix Nobel de la Paix : Mme Wangari Mathai, ministre adjointe à l’environnement. Militante écologiste, coordinatrice du Green Belt Movement, elle dénonçait, dans un texte publié en 1998, les brevets sur le vivant et la stratégie des firmes pour s’accaparer des ressources génétiques du sud. En 2003, elle exhortait les agriculteurs africains “à planter leurs propres semences, pour éviter davantage d’appauvrissement”. Enfin, récemment, dans une allocution télévisée, elle appelait les “pays en voie de développement” à se doter d’une capacité de recherche en biotechnologie. Cette déclaration a été reprise sur le site du Kenyan Biotechnology Information Center (affilié à l’ISAAA), puis sur de nombreux autres sites favorables aux OGM sans mentionner le contexte et en stipulant, par ailleurs, que les OGM serviraient à “réduire la famine dans le monde”. Or, dans le texte évoqué plus haut, Wangari Mathai développait un argumentaire contre l’idée que les OGM puissent aider à lutter contre la famine. Le fait de traiter ces deux aspects dans un seul article participe de l’amalgame.
Sachant que 70% des consommateurs européens ne veulent pas d’alimentation contenant des OGM, qu’en France 16 régions et 2000 municipalités se sont déjà déclarées “zones sans OGM”, les Amis de la Terre demandent “au gouvernement français [...] de mettre en place une législation et des règles de coexistence qui protègent et garantissent des filières agricoles conventionnelles et biologiques et une alimentation sans OGM ; qui incluent la possibilité pour les collectivités locales et notamment régionales de créer des zones sans OGM ; qui définissent un régime de responsabilité des différents acteurs en cas de dommages sur la santé et l’environnement selon le principe pollueur-payeur”.