La Direction générale de l’Alimentation a publié au Bulletin Officiel du ministère de l’Agriculture sa note de service concernant la mise en place du contrôle des semences en provenance de pays tiers, en France pour 2008 [1]. D’après cette note, l’objectif est bien sûr de contrôler que les lots non étiquetés ne contiennent effectivement pas de semences GM et que, dans les lots étiquetés, les PGM présentes soient en conformité avec la loi. Par contre, il est clairement spécifié que les semences importées à des fins d’expérimentation ne font pas l’objet de contrôle. 185 prélèvements sont envisagés, répartis sur six régions (Aquitaine, Haute Normandie, Ile de France, Midi-Pyrénées, PACA et Pays de Loire). Enfin, la note précise que « le programme de prélèvement s’applique aux lots de semences de maïs conventionnel importées de pays tiers ». Les contrôles des produits autres que les semences sont pris en charge, en France, par la DGCCRF, qui n’a pas encore rendu public son plan de contrôle 2008.

Le 11 mars, la directive 2001/18 et le règlement 1829/2003 sur les OGM ont été modifiés [2] [3]. Objectif : remplacer, pour certaines décisions prises dans le cadre de la directive et du règlement, la procédure de comitologie par la procédure de réglementation avec contrôle (appelée PRAC). La procédure de comitologie fait intervenir la commission, le Comité des représentants des Etats, et les ministres européens. La procédure PRAC, qui existe depuis décembre 2006, donne un pouvoir de décision au Parlement européen, actuellement exclu du processus de décision sur les OGM.
La PRAC remplacera la procédure de comitologie sur « des mesures de portées générales ayant pour objet de modifier des éléments non essentiels », notamment la définition des seuils de présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits (cela concerne notamment les semences). Toujours pas d’intervention donc du Parlement sur les décisions d’autorisation ou les interdictions nationales des Etats.
Dans le cadre d’une PRAC [4], la Commission européenne soumet un projet de mesures à prendre au « Comité de réglementation avec contrôle », composé des représentants des Etats membres et de représentants de la Commission.
1) Si ce comité rend un avis conforme, la Commission soumet le projet au Parlement et au Conseil. Le Parlement et le Conseil peuvent s’opposer à la décision à la majorité qualifiée et dans ce cas, la Commission doit rédiger un nouveau projet de mesures. Si aucune majorité qualifiée n’est rassemblée pour s’opposer à la mesure, la décision est adoptée.
2) Si ce comité rend un avis non conforme au projet soumis par la Commission, la Commission soumet ce projet au Conseil. Si le Conseil s’oppose au projet à la majorité qualifiée, la Commission peut proposer un nouveau projet de mesures à prendre. Si le Conseil envisage d’adopter les mesures, le Parlement est saisi et peut s’opposer à la majorité des membres à la décision. Et dans ce cas, la Commission propose un nouveau projet au comité.
Cette procédure sera appliquée pour la prochaine définition des seuils de présence accidentelle d’OGM dans les semences (annoncée par Jean-Louis Borloo lors du Conseil des ministres européens de l’Environnement du 3 mars).

« Dans le cas où l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires [liés au maïs Mon810] conduite par la Commission de Biosécurité conclurait à des risques réels pour l’environnement et la santé humaine, nous prendrons une décision gouvernementale visant à interdire la culture de maïs Mon810 », a déclaré le ministre roumain de l’Environnement le 17 mars 2008. Il a donc rendu publique une démarche nationale qui rappelle celle annoncée par le Président Sarkozy en France en décembre 2007. Le ministre a affirmé être en possession d’études scientifiques récentes « soulevant de sérieux doutes sur la sécurité pour l’environnement et la santé humaine du maïs génétiquement modifié Mon810 ». Ces études ont été utilisées par d’autres pays européens comme la France, la Hongrie, l’Autriche, la Grèce, la Pologne et l’Italie pour annoncer un moratoire sur ce maïs transgénique. Cette décision correspond à un pouvoir dont disposent les Etats-membres, en s’appuyant sur l’article 23 de la directive 2001/18. Mais le ministre a également voulu aller plus loin en indiquant demander « aux agriculteurs et aux entreprises semencières d’éviter la culture de maïs génétiquement modifié », en 2008, cette demande n’ayant évidemment pas d’obligation légale en l’absence de décision gouvernementale d’interdiction de mise en culture. Au-delà de cette annonce, la question reste posée de savoir si la Commission de biosécurité et le gouvernement auront le temps d’émettre une opinion scientifique et de prendre une décision en conséquence avant avril ou mai, date de semis des maïs. Le ministre a par ailleurs précisé qu’"en 2007, seuls 332 hectares de maïs GM ont été cultivés [en Roumanie], ce qui montre l’absence de motivation spectaculaire pour cette culture".

L’article 27 du protocole de Cartagena sur la Biosécurité [5] prévoit l’élaboration de règles et de procédures internationales sur la responsabilité et la réparation en cas de dommages liés aux mouvements transfrontières d’OVM (organismes vivant modifiés). Du 12 au 19 mars, s’est tenue à Cartagena (Colombie) la 5ème rencontre du groupe de travail sur la responsabilité, dont le but est la mise en application concrète de cet article du protocole.
Plusieurs points ont continué d’être discutés : le champ d’application, les dommages réparables, les mécanismes de responsabilité (approche administrative, approche de responsabilité civile, mise en place d’une responsabilité collective...), la question de la charge de la preuve, la question de l’outil utilisé (outils obligatoires ou simplement lignes directrices)...

Sur plusieurs points, un accord a été trouvé.

- approche administrative du mécanisme de responsabilité : les dommages concernés dans ce cadre sont les dommages à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité, avec prise en compte des atteintes à la santé humaine. L’opérateur doit informer l’Etat d’un dommage et l’Etat impose à l’opérateur de mettre en place des mesures de restaurations. L’Etat peut choisir de faire les opérations de restauration au frais de la personne à l’origine du dommage.

- approche « civile » du mécanisme de responsabilité : réparation du dommage, résultant d’un mouvement transfrontière, à des intérêts légalement protégés à l’intérieur de l’Etat. Cela relève de la responsabilité stricte de l’opérateur (responsabilité sans faute), mais sur la charge de la preuve rien n’est encore décidé...
Les deux mécanismes seraient complémentaires et la force obligatoire ou non a été laissée au choix de la prochaine réunion des parties, à Bonn (Allemagne, du 12 au 16 mai 2008).

- les mécanismes de responsabilité supplémentaires : sur la responsabilité de l’Etat, rien n’a été décidé.
Comme les négociations n’ont pas suffisamment avancé vis-à-vis de la rencontre de Bonn sur le Protocole de Cartagena, le groupe de travail a convenu de se réunir de nouveau du 7 au 9 mai.

A la suite d’une entente conclue le 19 mars 2008, Monsanto Canada a accepté de payer les 660 $ que M. Schmeiser, agriculteur de colza dans le Saskatchewan, réclamait au titre du nettoyage de ses parcelles, contaminées par du colza GM de Monsanto.
Cette saga juridique remonte à 1998 lorsque des inspecteurs de Monsanto découvrent dans les champs de Schmeiser des plants de colza Roundup Ready, appartenant par brevet à Monsanto. L’entreprise poursuit alors l’agriculteur en justice pour « violation de droit de propriété intellectuelle » : elle réclame quelque 400 000 dollars en dommages-intérêts. Au final, la Cour suprême canadienne reconnaît, le 21 mai 2004, (cf. Inf’OGM n°53, CANADA - Procès Schmeiser (Suite et fin...) ) que M. Schmeiser a certes enfreint le brevet de Monsanto, mais que, n’ayant pas utilisé l’avantage technologique du colza Roundup Ready, il n’a pas à payer de dommages.
Cependant, en 2005, de nouveau, du colza transgénique breveté pousse dans les champs de M. Schmeiser. Monsanto lui ordonne de les arracher, mais, grand seigneur, lui offre de le faire à condition que l’agriculteur signe une renonciation assortie d’une clause de confidentialité, selon l’avocat de ce dernier, Terry Zakreski, que, nous précise-t-il, « Percy Schmeiser ne pouvait pas décemment signer ». M. Schmeiser refuse et arrache donc lui-même les plants. Il envoie alors une facture de 660 dollars à Monsanto, coût estimé de cette opération.
Par voie de communiqué [6], Monsanto a fait savoir qu’elle avait, à plusieurs reprises, aidé d’autres agriculteurs et qu’aucun n’avait eu de problème avec la formule de décharge de Monsanto. Selon l’entreprise, M. Schmeiser a accepté la même offre que celle qu’on lui avait faite en 2005, et cette question aurait pu être résolue il y a plus de deux ans. Contacté par Inf’OGM, Terry J. Zakreski nous précise que l’accord final ne contient plus de clause de confidentialité, qu’il ne concerne que cette contamination, ce qui signifie que Percy Schmeiser pourra en cas de nouvelle contamination, de nouveau demander à Monsanto de payer le « nettoyage », contrairement au premier contrat, proposé en 2005 par l’entreprise.

Le 21 mars 2008, une cinquantaine de Faucheurs volontaires ont bloqué l’accès à la coopérative agricole Coopagri de Landerneau (située dans le Finistère) pour dénoncer d’une part « les importations de soja GM qui transitent par les coopératives agricoles » et, d’autre part, « l’absence d’étiquetage des aliments issus d’animaux nourris aux OGM (viandes, oeufs, lait, poissons) ». Cette lacune réglementaire rend les citoyens « consommateurs involontaires d’OGM ». Les manifestants estiment que « sur les 4,5 millions de tonnes de soja importées en France chaque année, 85 % sont OGM et quatre millions transitent par les ports de Brest, Lorient, Saint-Nazaire ». Ils réclament donc un cahier des charges permettant de connaître pour chaque coopérative les quantités de soja importées et leur destination.

Le 28 mars, la Commission européenne a autorisé la commercialisation du maïs GA21 de Syngenta tolérant au glyphosate. Cette autorisation concerne l’alimentation humaine et animale, et toute autre utilisation de maïs à l’exception de la culture. Le 18 février, le Conseil des ministres européens de l’agriculture n’avait pas atteint la majorité nécessaire pour cette autorisation du maïs GA21. Alors que la Commission attend généralement trois mois pour délivrer l’autorisation, elle l’a cette fois-ci délivrée dans un délai d’un mois après le vote des Etats...
La Coordination rurale a vivement réagi à cette autorisation [7], dénonçant la déstabilisation du marché européen du maïs engendrée par cette autorisation et le risque de banalisation du maïs GM en Europe : "Notre maïs ne peut être compétitif avec celui des Etats-Unis ou d’Argentine, où les coûts de productions sont deux fois moindres qu’en Europe. Par ailleurs, de nombreux agriculteurs européens vont s’en détourner au profit du blé. Résultat : l’Europe, déficitaire, sera contrainte d’importer du maïs OGM. [...] Tout ceci se traduit par une perte de 50 €/t de maïs, soit environ 500 euro de recettes par hectare de maïs et 750 millions d’euro pour l’ensemble de la production française".

Le dossier de la pomme de terre Amflora de BASF est encore en instance. Depuis l’absence de majorité qualifiée pour l’autorisation à la culture de cette pomme de terre en juillet dernier au Conseil de l’UE, ce dossier est entre les mains de la Commission (cf. Inf’OGM Actu n°2, UE - Betterave, maïs et pomme de terre : proches d’autorisations commerciales et Inf’OGM ACTU n°7, UE - Autorisations de PGM : où en est-on ?). BASF souhaite désormais faire pression sur la Commission afin qu’elle autorise rapidement cette pomme de terre : “Il y en a assez […]. Nous sommes prêts à mettre en œuvre tous les moyens à notre disposition, y compris des moyens judiciaires”, a déclaré un directeur de BASF à Associated Press [8]. "Nous faisons le maximum pour être prêts pour la prochaine saison de plantation". Sur le site internet de BASF France, on apprend que des représentants de BASF ont rencontré le commissaire européen Dimas le 15 avril 2008 mais que "cette réunion n’a donné aucun résultat". Ainsi, BASF a fait publier dans plusieurs journaux allemands (dont le Süddeutsche Zeitung [9]) et le Financial Times une lettre ouverte au Commissaire à l’environnement Stavros Dimas, lui demandant d’autoriser l’Amflora [10]. A la Commission européenne, on nous informe que Greenpeace [11] et d’autres Etats membres ont effectué de nouvelles soumissions sur l’évaluation scientifique de cette pomme de terre. La Commission doit donc décider si elle soumet ou non ces éléments à l’AESA.
Si l’autorisation est délivrée, il s’agirait de la première autorisation à la culture en Europe depuis 1998.

L’équipe du Pr. Zungu (Centre de Recherche Scientifique et Industrielle, CSIR, Afrique du Sud) a modifié génétiquement des plants de maïs et de tabac afin qu’ils produisent des anticorps antirabique, utilisés pour ralentir le développement de la rage chez un humain infecté [12]. Les anticorps produits sont des anticorps à cible unique (monoclonaux) E559. Ils sont généralement utilisés sous forme de mélange avec d’autres anticorps. Les chercheurs n’ont pas encore établi l’efficacité des anticorps obtenus ni de méthodes permettant de les extraire des PGM les ayant produits.

D’autre part, aux Philippines, c’est le riz doré qui revient sur le devant de la scène. Des essais de riz enrichi en pro-vitamine A devraient être implantés à Muñoz, dans le centre d’expérimentation de Nueva Ecija, et à Los Banos, dans les champs de l’Institut International de recherche sur le riz en septembre 2008, ainsi que l’a expliqué le Dr. Leocadio S. Sebastian, directeur de l’Institut philippin de recherche sur le riz (PhilRice) [13]. Les variétés de riz philippin qui ont été génétiquement modifiées sont les variétés NSIC128 et PSBRC82, deux variétés très répandues et très consommées dans ce pays. Le riz doré est depuis longtemps promis comme une solution aux problèmes de cécité chez les enfants déficients en vitamine A. Mais la concentration en provitamine A a toujours été trop faible.

Peu avant le vote à l’Assemblée nationale de la loi sur les OGM, les collectifs citoyens défendant le "sans OGM" – composé d’associations écologistes, de syndicats paysans, des collectifs de Faucheurs volontaires, des associations de producteurs biologiques, etc. - ont organisé, le 29 mars 2008, dans huit villes - Rennes, Lille, Nancy, Toulouse, Perpignan, Avignon, Clermont-Ferrand et Bordeaux – une manifestation "pour le droit de produire et consommer sans OGM". Les manifestants demandaient aux députés d’amender le projet pour permettre réellement au « sans OGM » de continuer à exister. La manifestation la plus conséquente fut celle de Rennes, où plusieurs milliers de personnes ont défilé (5 000 selon la police et entre 13 000 et 15 000 selon les organisateurs). A Clermont Ferrand, une mosaïque humaine a dessiné dans les rues de la ville le slogan "SANS OGM = 0%". A Toulouse, dans la matinée, une cinquantaine de membres et sympathisants du Collectif anti-OGM 31 ont symboliquement "semé" du maïs biologique sur des pelouses devant l’usine de production de semences Pioneer à Aussonne (nord de Toulouse). Puis les militants ont manifesté dans le centre ville de Toulouse et ont lâché neuf oies, à l’instar des oies de Capitole, pour "alerter les citoyens et réveiller les députés".

Deux jours plus tard, à la veille du débat à l’Assemblée, le 31 mars 2008, Greenpeace a livré neuf tonnes de maïs au siège de l’UMP, à Paris, "pour demander au parti majoritaire à l’assemblée de défendre une agriculture et une alimentation véritablement sans OGM" [14].

Par ailleurs, tout au long des débats, les militants anti-OGM ont maintenu un « piquet de vigilance », devant l’Assemblée et informaient les passants et les Internautes [15] des débats et des amendements que les députés votaient.

Les citoyens écrivent massivement aux députés
Parmi les autres actions citoyennes, il est important de noter l’incroyable mouvement de lettres aux députés. De nombreux collectifs régionaux ont organisé, structuré et accompagné une campagne de lettres auprès des députés. A Paris, la CLVC, association de consommateurs, a écrit aux députés de la Ville pour leur demander que la loi actuellement en débat "respecte le zéro OGM dans l’alimentation" comme l’exigent les consommateurs que la CLCV représente. Autre point mis en avant par cette association : "L’avis de la société civile, dans la future Haute autorité, doit avoir le même poids que celui des scientifiques, car le refus des OGM va plus loin que la simple peur alimentaire : elle est aussi l’expression d’une demande d’une production agricole radicalement différente, respectueuse de l’environnement et de la santé, restauratrice de la biodiversité et de paysages variés notamment en Ile de France" [16].

Enfin, les régions françaises se sont aussi mobilisées. Plus particulièrement, la Région Aquitaine, qui, dans un communiqué de presse, en date du 28 mars 2008, a pris position contre le projet de loi sur les OGM. Elle précise qu’elle mène depuis de nombreuses années une politique en faveur d’une agriculture de qualité et respectueuse de l’environnement et qu’elle est membre du Réseau des Régions européennes sans OGM. "C’est pourquoi à l’occasion du débat qui va s’ouvrir à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi relatif aux OGM, le Conseil régional d’Aquitaine, avec les autres Régions françaises du réseau des Régions européennes libres d’OGM, souhaite rappeler que la liberté de produire, d’acheter et de consommer des biens alimentaires produits sans OGM est un principe fondamental devant être reconnu à tous les citoyens".

Fin mars, le gouvernement des Iles Canaries (Espagne) a déclaré l’archipel "région sans OGM" et a rejoint le réseau européen des régions sans OGM, réseau qui défend la prise en compte, au niveau communautaire, des particularités régionales et des volontés des territoires. Dans les Iles Canaries, 42% du territoire est classé en zone naturelle.
Mi mars, les Iles de Madère (Portugal) ont elles aussi déclaré leur territoire “Zones sans OGM”.

Le Bénin a décidé de reconduire, pour une nouvelle période de cinq ans, son moratoire sur l’importation, la commercialisation et l’utilisation, sur son territoire, des OGM et de leurs dérivés.
Un premier moratoire de cinq ans avait été décidé en mars 2002 [17] suite à l’organisation par la société civile béninoise d’un grand colloque sur les OGM, auquel participaient de nombreux chercheurs de l’Institut National de Recherche Agronomique du Bénin (Inrab) et des responsables politiques (cf. Inf’OGM Spécial Afrique n°1, mars 2002). Ce moratoire devait permettre au Bénin de se doter d’un cadre juridique et technique clair (équipement de détection, de suivi et de contrôle des OGM) pour évaluer et autoriser les OGM. Or, en 2008, ce cadre n’existe toujours pas, d’où la prolongation du moratoire décidée par les autorités.

L’autorisation donnée en 2005 à Monsanto de commercialisation de luzernes transgéniques (Alfalfa J101 et J163), tolérantes au Round Up, est mise en suspens. En février 2007, un tribunal de Californie du Nord prononçait un jugement annulant l’autorisation donnée par l’USDA en 2005 [18]. Pour ce tribunal, l’Inspection sanitaire des plantes et des animaux du ministère de l’Agriculture (APHIS - en charge des demandes d’autorisation) a violé la loi nationale de protection de l’environnement en n’évaluant pas suffisamment les impacts environnementaux liés à la commercialisation de cette luzerne transgénique. Pour le tribunal, l’APHIS sous-estimait les risques liés à la dissémination par le pollen et les risques de contamination des cultures biologiques et conventionnelles car l’APHIS prenait acte de l’absence de constatation d’impacts environnementaux plutôt que de chercher à les évaluer. Cette décision juridique de février 2007 a été confirmée par le même tribunal en mai [19] puis en juillet 2007 et a été enrichie d’une liste de mesures prévues en vue du conditionnement des luzernes transgéniques par les agriculteurs et distributeurs, l’étiquetage des containers et le nettoyage des équipements utilisés. Le tribunal demandait par ailleurs à l’APHIS de rendre publics les lieux de cultures passées de cette luzerne. Depuis, l’APHIS indique avoir identifié 18 points critiques, à l’exemple des impacts sur l’alimentation animale et humaine, sur le commerce états-unien et sur des espèces menacées ou en danger. Les résultats de la consultation et la conduite de l’étude proprement dite sont en attente. Pour l’APHIS, « même si l’autorisation commerciale de luzerne transgénique pouvait conduire à l’élimination de toutes luzernes non transgéniques - en d’autres termes, toute luzerne cultivée aux Etats-Unis serait pourvue du gène conférant la tolérance au Round Up - un tel résultat ne constituerait toujours pas un impact sur l’environnement significatif, l’APHIS ayant établi que l’introduction de ce gène à la luzerne était sans risque toxique ou pathologique pour l’Homme et le bétail ». Le tribunal n’a pas retenu cet argument [20]. Dans le même temps, le Pr. Combs (Université du Wisconsin) et le Pr. Hartnell (Monsanto) viennent de cosigner un article selon lequel l’utilisation de luzerne transgénique tolérante au Round Up serait sans effet sur la production laitière de vaches [21]. L’autorisation initiale ayant été donnée en 2005, cette étude arrive donc assez tardivement. Par ailleurs, pour un pays comme les Etats-Unis où l’équivalence en substance est appliquée à la lettre et où les études de toxicologie et d’alimentarité ne sont pas obligatoirement requises, la question reste posée de savoir pourquoi une telle étude a été conduite.

La betterave transgénique H7-1 de Monsanto, tolérante au Round Up est autorisée commercialement à la culture aux Etats-Unis depuis 2005 et autorisée pour l’alimentation humaine et animale en Europe depuis octobre 2007. Elle fait l’objet d’une plainte [22] déposée auprès d’un tribunal californien par quatre organisations : Organic Seed Alliance, Sierra Club, High Mowing Organic Seeds, et Center for Food Safety. Comme pour le cas de la luzerne (cf. ETATS-UNIS - Luzerne GM : un tribunal californien force l’USDA à revoir sa copie), ces structures dénoncent l’absence d’évaluation correcte des impacts environnementaux de cette betterave, en non conformité avec les exigences de la loi nationale de protection de l’environnement. Cette betterave devrait être plantée commercialement pour la première fois cette année.
Une coalition d’environ 300 investisseurs religieux (catholiques, protestants et juifs) - appelée Interfaith Center for Corporate Responsibility (ICCR) [23] et représentant plus de 100 milliards de dollars de capitaux investis – ont lancé une campagne de type cyberaction [24] pour inciter 63 entreprises de la restauration, de l’alimentation, de la brasserie et de la confiserie (dont The Campbell Soup, Kraft, Sara Lee, PepsiCo, Wendy’s et McDonald’s) à ne pas utiliser de sucre extrait de betteraves GM. Bien qu’autorisée depuis 2005, les agriculteurs n’ont pu acheter des semences de betteraves GM, pour la première fois, que ce printemps. L’un des arguments avancés par la Coalition est l’augmentation de l’utilisation du Round up avec ce type de PGM et le danger sanitaire que représentent les métabolites du glyphosate, agent actif du round up, dans les plantes. Elle rappelle qu’en 1999, à la demande de Monsanto, l’Environmental Protection Agency a revu à la hausse les doses autorisées de résidus de glyphosate, passant de 0,2 partie par million à 25 ppm pour la pulpe de betterave (soit +12400%) et de 0,2 ppm à 10 ppm pour les racines des betteraves (soit +4900%), d’où le sucre est extrait [25].

Comment se débarrasser de plants de riz transgénique qui ont contaminé un champ de riz non GM ? Tout simplement, en appliquant un herbicide qui tuera le riz GM mais pas le riz non GM. L’équipe du Pr. Shen (Université du Zhejiang) a remarqué que les variétés de riz non transgéniques tolèrent l’herbicide bentazon. Elle a donc génétiquement modifié un riz déjà GM, pour le rendre particulièrement sensible au Bentazon, de façon à ce qu’il soit détruit suite à l’application de ce dernier [26]. La construction transgénique insérée contient donc, en plus du gène d’intérêt, un gène codant une protéine qui inhibera l’expression d’une enzyme naturellement présente dans le riz et qui lui permet de tolérer le bentazon. Ainsi, un champ contaminé par ce riz transgénique pourrait être « nettoyé » par application de bentazon. Paradoxalement, si les scientifiques prennent donc acte de la possibilité de contamination, la solution envisagée pour y faire face utilise pourtant la technique à l’origine du problème. Ce qu’on appelle une fuite en avant...

En 2005, le Mexique a adopté une Loi de Biosécurité sur les OGM. Baptisée “loi Monsanto” par les ONG environnementalistes, cette loi encadre et légalise la culture des OGM. Sur le cas particulier du maïs, cette loi n’avait pas mis fin à l’interdiction de culture de maïs GM établie à la fin des années 90. Début avril, le gouvernement a publié le règlement d’application de la loi qui ouvre notamment la voie à des autorisations de cultures expérimentales de maïs transgénique au Mexique. Le gouvernement a jusqu’à fin mai pour mettre en place un régime de protection spéciale du maïs qui devra prendre en compte le respect des centres d’origine et de diversité génétiques. Le "Pacte paysan et social", alliance formée en février entre différentes organisations paysannes et de protection de l’environnement, s’estime trahi par ce règlement, pour lequel ils n’avaient été ni informés, ni consultés.

Faucheur mineur
Le 15 janvier, la juge pour enfant avait abandonné les poursuites contre Henri Giomard, 15 ans, accusé de « dégradation grave du bien d’autrui commise en réunion » suite à sa participation au fauchage d’une parcelle de maïs GM en août 2007 à Poinville (Eure-et-Loir) (cf. Inf’OGM Actu 6, FRANCE - Des Faucheurs toujours en procès). Finalement, le procureur de la République a décidé de faire appel de cette décision et convoquera le lycéen avant la fin de l’année. Il sera jugé à Nantes.

Procès de Chartres
Début avril, 58 Faucheurs ont comparu devant le tribunal correctionnel de Chartres (Eure-et-Loir) suite au fauchage de la même parcelle de maïs transgénique, en août 2007 à Poinville. Ce procès, qui devait avoir lieu en octobre 2007, pendant le Grenelle de l’Environnement, avait été renvoyé à la demande du parquet qui souhaitait attendre les conclusions de ce Grenelle. Le Procureur de la République a requis des peines de trois mois d’emprisonnement avec sursis et 500 euro d’amende. Le délibéré a été mis au 5 juin 2008. José Bové a affirmé « Les faucheurs seront vigilants en mettant sous contrôle tous les départements. S’il y a un seul essai qui se met en place cette année [...], je fais le serment qu’il n’en restera pas un mètre carré debout avant la fin de l’été ».
Le procureur a requis une amende supplémentaire de 300 euro pour 23 des 58 faucheurs qui avaient refusé un prélèvement de leur ADN durant leur garde à vue.
L’avocat de la société Monsanto, Me Pierre Lebreton, a estimé que Monsanto « subissait un préjudice de 50 000 euro, sans compter la perte de matière génétique estimée à 200 000 euro ».

L’appartement d’un faucheur bientôt saisi
Le 2 avril un huissier est passé au domicile de Gilles Lemaire pour remettre un « commandement de payer valant saisie immobilière » daté du 1er avril. Le faucheur condamné avait huit jours pour payer. Gilles Lemaire précise à Inf’OGM qu’il ira jusqu’au bout de la procédure et qu’il attend donc l’assignation à comparaître du juge d’exécution du Tribunal de Grande Instance de Paris, qui se réunira d’ici quelques mois et aura en charge de fixer la date de la vente aux enchères de l’appartement. Aucune date pour cette comparution n’a encore été avancée.
Le 14 août 2004 à Marsat (Puy de Dôme), Gilles Lemaire avait participé, avec plus de 500 autres personnes, au fauchage d’un champ de maïs GM appartenant à Biogemma, filiale de Limagrain. Biogemma avait mobilisé des « agriculteurs et chercheurs volontaires » pour protéger les essais et lors de ce fauchage une confrontation assez vigoureuse avait eu lieu, mais les essais ont été neutralisés. [27]
Une conférence de presse s’est tenue à l’invitation de Noël Mamère (député vert) et Philippe Martin (député socialiste) jeudi 3 avril à l’Assemblée nationale en présence de Jacques Cossart (ATTAC), José Bové (Collectif des faucheurs volontaires), Jacques Pasquier (Confédération paysanne), Arnaud Apotheker (Greenpeace), et Saïd Bouziri (Ligue des Droits de l’Homme). Les Amis de la Terre et Serge Orru (WWF), empêchés, avaient fait part de leur soutien. Un appel aux dons est institué par l’association Sans Gêne.

Dans une lettre adressée le 8 avril à Henri de Raincourt [28], président du groupe UMP au Sénat, le sénateur UMP, Jean-François Le Grand, président du groupe de travail sur les OGM du Grenelle de l’Environnement puis de la Haute Autorité provisoire, fait part de son "indignation" et de sa "révolte" face au comportement des élus de sa famille politique lors de l’examen de la loi OGM. Dans cette lettre, il affirme avoir "tout fait pour que la connaissance reprenne toute sa force, notamment en la nourrissant, cette connaissance, d’une réflexion scientifique pluridisciplinaire". Et donc il regrette et dénonce les tentatives de discrédit de sa pensée par plusieurs parlementaires favorables à la culture des OGM : "Il y a déformation de mes propos lorsque j’entends que l’on me qualifie d’anti-OGM. Je vous redis ici ce que je n’ai jamais cessé de dire sur les OGM et ma position est claire : "oui à la recherche dans toutes les directions quand elle permet d’améliorer la santé humaine, donc oui à la recherche sur les organismes génétiquement modifiés". Par contre, avant d’envisager toute mise en culture de ces organismes, il est crucial de vérifier que la santé humaine comme la biodiversité ne sont pas mises en danger et nécessaire de s’interroger sur le supposé intérêt économique, si souvent avancé par certains. Cet intérêt économique est-il valable pour tous ou pour quelques-uns ? La question mérite d’être posée". Et de continuer, amer : "Je pensais que ces techniques de caricature et de désinformation appartenaient à des temps révolus ou à des régimes politiques disparus... Leur utilisation est sans doute en rapport avec des sentiments de rejet nourris à mon égard. J’ignore les raisons profondes de ce rejet. Peut-être viennent-elles, pour l’essentiel, du fait que je me suis investi très fortement dans le processus du Grenelle et que d’aucuns en aient éprouvé du ressentiment".
Le Sénateur, dépassant la simple question des OGM, annonce que pour lui, le Gaullisme, auquel il est attaché, est un "combat pour l’homme", dans lequel "c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’inverse, d’où [son] regard extrêmement critique à l’égard du libéralisme" et qu’au nom de son combat, il entend ne jamais céder aux fatalités et notamment, écrit-il, "à celle d’un monde selon Monsanto !".
Enfin, répondant aux propos de Jean Bizet, Sénateur UMP défenseur des OGM qui avait déclaré aux journaliste de la chaîne Public Sénat, "On l’a exécuté, mais il bouge encore", Jean-François Le Grand reprend : "Ma liberté de pensée, ma liberté de parole et, tout simplement, la liberté qui est le fondement de la démocratie, continueront de « bouger encore », tout le temps que j’en aurai la force".
Comme annoncé dans cette lettre, Jean-François Le Grand n’a pas participé aux débats en deuxième lecture au Sénat.

Du 19 au 20 mai 2008, les parties à la Convention d’Aarhus [29] se réuniront à Cologne pour un atelier international consacré aux OGM. L’objectif de la rencontre est d’identifier les besoins et défis majeurs en terme d’information et de participation du public sur les OGM. Il sera notamment question d’étiquetage. L’atelier portera une attention particulière à la situation dans les pays de l’Est et les pays en développement.
Le programme et le formulaire d’inscription sur : http://www.unece.org/env/pp/gmo.htm....

Prochaine et dernière étape avant la promulgation du texte : l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, au cours de la deuxième quinzaine de mai. En attendant, retour sur le débat à l’Assemblée nationale (début avril 2008) et la deuxième lecture au Sénat (16 avril 2008).

Depuis janvier, le ministère de l’Agriculture annonce la création d’une nouvelle commission d’évaluation pour autoriser les essais d’OGM en plein champ de 2008.
Le 23 mars, est paru au journal officiel un décret définissant une nouvelle composition pour cette Commission du Génie Biomoléculaire [30]. Le décret publié nous apprend que cette CGB sera composée de :
- quinze scientifiques spécialistes de différentes disciplines (écologie, génétique, toxicologie, agronomie...)
- un représentant d’associations de protection de l’environnement
- un représentant d’associations de défense des consommateurs
- un représentant des associations ou unions agréées représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique
- un représentant des organisations professionnelles représentant les industries produisant ou mettant en œuvre des OGM
- un représentant de la profession agricole
- un représentant des groupements de salariés des industries produisant ou mettant en œuvre des organismes génétiquement modifiés.

De source Inf’OGM, les membres de cette commission viennent tout juste d’être nommés. Nous savons d’ores et déjà que le président de la Commission est Benoît Lesaffre (Cirad Montpellier) et que le représentant des associations de protection de l’environnement est Frédéric Jacquemart. Le décret présentant l’ensemble des nominations devrait être publié très prochainement. Mais au vu de la date tardive de ces nominations, on peut raisonnablement penser que 2008 sera une année sans nouvelle autorisation d’essais en plein champ. Les seuls essais en 2008 seront ceux qui bénéficient d’une autorisation pluriannuelle délivrée les années précédentes [31].

Le 13 mars 2008, le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, a adressé une lettre [32] aux députés dans laquelle elle appelle ces derniers à la "responsabilité" et "au bon sens" pour "préserver la liberté de choix dans le cadre du droit à produire". La FNSEA rappelle qu’elle est favorable à un "seuil de présence fortuite" de 0,9%. Elle souhaite également la préservation de deux comités distincts au sein du Haut Conseil des Biotechnologies dont un rendra un avis scientifique et l’autre une recommandation éthique. "La France [...] possède, à travers notamment le projet de loi relatif aux OGM, les moyens de préserver et valoriser ses atouts agronomiques et scientifiques" affirme la FNSEA. Enfin, M. Lemétayer, président du syndicat, déplore, dans son courrier aux députés, qu’avec "l’activation de la clause de sauvegarde à l’encontre du maïs Mon810 par le gouvernement", le débat ait pris "un tournant politique". On remarquera que les arguments de ce syndicat sont ceux qui ont prévalu dans les débats parlementaires.

A l’inverse, dans l’Ain [33], un des départements français où en 2007 des champs (représentant 135 ha [34]) ont été cultivés avec du maïs Mon810, de nombreux agriculteurs ont élaboré un manifeste pour demander aux députés de prendre en compte les signes de qualité de l’agriculture française : "Il faut en finir avec cette caricature selon laquelle les agriculteurs producteurs responsables seraient tous des pro-OGM, et les anti, un ramassis d’écolos et de consommateurs irresponsables. Non, le monde agricole n’est pas pro-OGM dans son ensemble. Beaucoup d’agriculteurs sont contre et capables de se réunir autour d’un manifeste". Ce document a été coproduit par Philippe Janin, le coordinateur de l’Adabio (association pour le développement de l’agriculture biologique), Charles Bernard, le président de la laiterie coopérative d’Étrez, et Luc Desbois, producteur de lait à comté à Cize.
Parmi les soutiens d’importance figure la laiterie coopérative d’Etrez, engagée au premier chef dans le dossier de l’AOC « beurre et crème de Bresse ». Quatre fruitières à Comté sur sept (Simandre, Villereversure, Saint-Martin-du Fresne, Chézerie-forens) ont répondu favorablement, tandis que les trois autres (Treffort, Brénod et Drom) s’abstenaient de répondre à l’appel du Manifeste. Le syndicat des apiculteurs de l’Ain, celui des producteurs indépendants de volailles de Bresse et tous les réseaux de l’agriculture bio ont également signé. Le but de ce manifeste est d’élargir le collectif « OGM non merci » aux acteurs économiques des filières qualité et de peser sur le débat parlementaire. En revanche, le Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse n’a pas répondu. Enfin, ils ont aussi demandé aux adhérents de la coopérative de s’engager sur l’honneur à ne pas donner de maïs GM à leur bétail et 99 % ont répondu favorablement. La non-utilisation des OGM est inscrite dans le cahier des charges de l’AOC « beurre et crème de Bresse", mais pas dans celui de l’AOC "volaille de Bresse", qui est pourtant la seule AOC française en volailles. Contacté par Inf’OGM, Gérard Boinon, du collectif "OGM non merci" de l’Ain, nous précise que le raisonnement des responsables de l’AOC est le suivant : la profession s’engage à ne pas utiliser d’OGM, donc elle l’inscrit dans son règlement intérieur et communique dessus, mais refuse de mettre cette interdiction dans son cahier des charges pour ne pas à avoir à organiser des contrôles systématiques. Les responsables estiment que ce n’est pas aux éleveurs contaminés de payer le surcoût. Si le collectif comprend les raisons, il n’en accepte pas les conclusions et incitent donc les agriculteurs de l’AOC à demander aux conseils général ou régional de financer ces surcoûts liés à la mise en place d’une filière réellement sans OGM.

Suite à un contrôle de routine effectué par la Coopérative régionale d’agriculture biologique (Corab), la production d’un hectare de maïs bio situé dans une exploitation de Villiers en Plaine (79), destinée à être transformée en pop corn, a été isolée avant la mise en silo car contaminée par du maïs transgénique Mon810 à hauteur de 0,1%. L’analyse a été réalisée par le laboratoire agréé indépendant Abio C et trois contre-expertises ont confirmé cette contamination. Ainsi ces quatre tonnes ont été déclassées et réorientées vers la filière conventionnelle et en alimentation animale, ce qui représente un préjudice de 1800 euro pour l’agriculteur Christian Veillat et son fils Julien. Interrogé par Inf’OGM, le directeur de la coopérative, M. Rousseau, nous apprend que « depuis un an les conditions générales d’achat du client principal sur ce type de production, le réseau biocoop, sont drastiques : il faut que pour tous les produits bruts (ici du grain de maïs pour faire du pop corn), le taux de contamination soit en dessous du seuil de détectabilité soit 0,01% ». Concernant le préjudice économique, le directeur nous précise qu’un « accord va être trouvé avec l’agriculteur ». L’agriculteur a décidé de porter plainte devant le tribunal administratif de Poitiers, contre l’Etat. Et, logiquement, la Corab a décidé de se constituer partie civile ainsi que le Conseil Régional de Poitou-Charentes. M. Rousseau nous a ainsi exprimé ses craintes quant à l’avenir de la profession en maïs bio : « Nous avons décidé de communiquer sur cette contamination, non seulement parce que c’est notre premier cas, mais surtout pour prévenir. Les contaminations risquent d’augmenter de façon exponentielle. Aujourd’hui 0,1%, demain 0,9% et dans trois ans ? Nous ne voulons pas devenir comme l’Espagne où il est quasiment devenu impossible de faire du maïs bio, du fait des trop nombreuses contaminations ». Le directeur nous a confié que d’autres coopératives en bio dans la région ont découvert des contaminations, parfois à des taux supérieurs à 0,1% mais, précise-t-il, elles n’ont pas souhaité communiqué dessus. Or, M. Rousseau estime qu’il faut attirer l’attention des responsables politiques et scientifiques sur ces contaminations, sur l’extrême difficulté de maintenir des filières étanches.
Quant à l’origine de la contamination ; la question reste ouverte. Pour le directeur, elle ne peut venir des semences puisque, nous a-t-il précisé au téléphone, les semences sont analysées avant semis, par le client et la coopérative. Par ailleurs, selon Serge Morin, vice-président de la région Poitou-Charentes, la parcelle contaminée étant située à plus de 25 km de la première parcelle OGM déclarée officiellement sur le registre du ministère de l’Agriculture, « soit la pollinisation se porte plus loin que 25 km et cela démontre un risque réel ou alors il y a dans ce secteur des agriculteurs qui ont développé des OGM sans les déclarer ».
Georges Castiel, porte-parole du « collectif vigilance OGM Poitou-Charentes », conclut en soulignant que cette contamination, « un cas concret d’école », montre « les limites du projet de loi discuté à l’assemblée. Il y a impossibilité de faire coexister les deux filières ». Le département des Deux Sèvres a abrité officiellement, en 2007, 64 ha de cultures de maïs GM, dans les seuls cantons de Melle, à 40 km au sud-est de la parcelle affectée, et de Mauzé-sur-le-Mignon, à 30 km au sud-ouest.

Une étude publiée par l’équipe du Pr. Trabalza-Marinucci (Université de Pérouse) conclut qu’un régime alimentaire à base de maïs Bt176 n’induit pas d’effets négatifs sur la santé de brebis, malgré quelques différences [35]. Les scientifiques ont nourri 106 brebis pendant trois années avec soit du maïs Bt176, soit du maïs non transgénique. Aucune différence n’a été observée en termes de performance, de capacité de reproduction, de caractéristiques hématologiques, immunitaires ainsi qu’au niveau des populations microbiennes du rumen des brebis, ou encore des tissus. Cependant des analyses cytochimiques ont montré que des cellules de l’épithélium du rumen se multiplient plus dans le cas des brebis ingurgitant le maïs transgénique. Par ailleurs des résultats préliminaires indiquent que des cellules du foie et du pancréas auraient des noyaux plus petits contenant des granules de chromatine en plus grand nombre. Aucune précision n’est apportée quant aux implications de ces différences et aucune explication n’est donnée quant à savoir pourquoi l’étude a été publiée alors que les scientifiques annoncent que certains de ces résultats sont encore préliminaires. Pour l’association galloise GM Free Cymru, cette étude présente plusieurs lacunes [36] : la quantité de maïs Bt176 dans le régime alimentaire était trop faible (5,6% - les analyses conduites dans les dossiers d’autorisations contiennent couramment des quantités de 11 et 33%), des différences sur les paramètres sanguins étaient proches d’être statistiquement significatives mais n’ont pas été relevées par les auteurs.
A noter que Syngenta, qui a produit le maïs Bt176, avait signifié en 2005 à la Commission européenne son absence de volonté de continuer à commercialiser ce maïs [37], démarche devenue officielle en 2007 puisqu’aucune demande de renouvellement d’autorisation n’a été déposée. Ces résultats provisoires n’auront donc aucune conséquence pratique dans l’UE.

Des chercheurs ont modifié génétiquement des plants de tabac afin que ces derniers soient moins cancérigènes (en diminuant la quantité de nornicotine présente dans le tabac, cette dernière étant à la base de la formation de composés cancérigènes, les TSNA N’- nitrosonornicotine) [38]. Pour cela, ils ont utilisé la stratégie de l’ARN antisens (stratégie visant à augmenter tellement l’expression d’un gène que la plante va réagir en arrêtant complètement cette expression) afin d’inhiber l’expression de l’enzyme nicotine déméthylase. Les plants de tabac testés en plein champs contiennent six fois moins de nornicotine que des plants de tabac non GM. L’entreprise Philip Morris a soutenu ce projet de recherche. Depuis mai 2005, cette entreprise a déposé 34 demandes d’autorisations d’essais en champs qui ont été accordées pour 33 d’entre elles. En 2002, Philip Morris avait donné une subvention de 17,5 millions de dollars à l’Université de Caroline du Nord pour établir la carte du génome du tabac [39].

La population bactérienne présente dans les sols de cultures de tabac transgénique diffère de celle présente dans les sols de cultures de tabac non transgénique, durant la première année de culture. A l’université de Sao Paulo, l’équipe du Pr. Andreote [40] a prélevé des échantillons de sols dans des champs où étaient cultivées des variétés de tabac transgéniques (CAB1, CAB2 et TRP) et dans des champs de culture de tabac non transgénique, à deux stades de développement des plants : un mois (stade végétatif) et trois mois (stade de floraison). Leurs résultats montrent que les populations de bactéries ne sont pas les mêmes selon que les cultures sont transgéniques ou non. Sur une plus longue période de temps, les populations se rééquilibrent et ne diffèrent plus entre les champs transgéniques et non transgéniques. Les chercheurs précisent que les différences observées sont plus importantes dans les échantillons issus de la rhizoplane (zone où les racines des plantes sont à la surface du sol) que dans ceux issus de la rhizosphère (zone du sol composée des racines et micro-organismes associés). En conclusion, les auteurs affirment donc que les communautés bactériennes présentes dans les sols sont affectées par la culture de variétés transgéniques de tabac, mais que la plasticité du sol permet de restaurer la diversité originelle après un cycle de culture.