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En juillet dernier, le Parlement éthiopien a adopté une nouvelle « Proclamation sur la biosécurité de l’Ethiopie ». Cette dernière permet à l’Autorité de Protection de l’Environnement de bloquer les importations d’OGM, qu’elles soient commerciales ou liées à l’aide alimentaire. Or, selon le député Bulcha Demeksa, les parlementaires n’ont pas pris conscience de l’impact de cette proclamation précisément sur l’aide alimentaire. L’Éthiopie reçoit régulièrement du maïs transgénique via le Programme Alimentaire Mondial. Et cette Proclamation pourrait perturber son entrée dans le pays.
« Je ne pense pas que le Parlement ait compris cela. Car tout le monde sait que les aliments importés de l’Australie ou du Canada sont tous produits par ingénierie génétique. Et dire que nous ne voulons pas de produits alimentaires en provenance de ces pays n’est pas défendable ; ce n’est pas intelligent », a commenté Bulcha Demeska.
Selon un article du VOA News
[1], Thomas Staal, responsable de l’USAID, a indiqué que les responsables du ministère de l’Agriculture de l’Éthiopie lui avaient affirmé que la loi ne serait pas un obstacle à l’aide alimentaire. Actuellement, l’USAID est en train d’acheminer 300 000 tonnes d’aliments, tels que du blé, du maïs et du soja, et cette cargaison ne devrait pas rencontrer de problème à la douane éthiopienne. L’Éthiopie connaît sa troisième année de sécheresse et les autorités ont donc lancé un appel pour une aide alimentaire plus conséquente. L’année dernière, les Etats-Unis ont donné près de 700 millions de dollars d’aide alimentaire à l’Éthiopie.
Le 22 septembre 2009, une Cour fédérale a décidé que la culture d’une betterave génétiquement modifiée de Monsanto (Roundup ready - H7-1) était illégale. Cela pourrait conduire à son interdiction. Selon la loi sur la protection de l’environnement, le ministère de l’Agriculture (USDA) aurait dû mener une étude d’impact avant sa dérégulation, en 2005. La Cour a estimé que le risque d’apparition de résistance chez les plantes avait été considéré de manière « superficielle » et a ordonné à l’USDA de conduire cette étude d’impact à la fois sur l’environnement et sur les questions économiques.
Le recours contre la dérégulation de la betterave a été introduit en 2008 par plusieurs groupes - au nombre desquels le Centre pour la Sécurité alimentaire, que l’on retrouve souvent dans les actions juridiques contre les OGM aux États-Unis. Pendant ces quatre années de production, cette betterave a été cultivée sur 45 000 hectares. Depuis octobre 2007, elle est admise dans les importations européennes.
Cette affaire fait écho à une décision d’interdiction de la culture de la luzerne intervenue en 2007 pour le même manquement [2].
Le 14 octobre, le Comité d’Approbation du Génie génétique indien (GEAC), saisi d’une demande d’autorisation commerciale déposée par l’entreprise Mahyco (Maharashtra Hybrid Seeds Company), et sur base des données issues d’essais en champs conduits durant deux années, a considéré que l’aubergine Bt était sans risque pour l’environnement et la santé [3]. Le dossier est aujourd’hui sur la table du gouvernement indien qui doit décider d’autoriser ou non ce légume GM. Selon le ministre indien de l’Agriculture, K.V. Thomas, la culture commerciale de cette PGM ne devrait pas se faire avant un an. De son côté, le ministre indien de l’Environnement considère que ce dossier nécessite plus de consultation et, début 2010, il organisera des discussions avec des « scientifiques, experts agricoles, syndicats paysans, associations de consommateurs et ONG ».
Si cette opinion du GEAC ne contente pas tout le monde, certaines voix sont plus audibles que d’autres, notamment au sein du GEAC. Ainsi en est-il de Pushpa M Bhargava, ancien Directeur du Centre de Biologie Cellulaire et Moléculaire, nommé au sein du GEAC par la Cour suprême. Dans une lettre adressée au ministre indien de l’Environnement, P.M. Bhargava précise que sa voix (comme celle de deux autres membres) n’a pas été écoutée et que l’avis final a été rendu de manière précipitée, en ignorant une grande part de la littérature scientifique et en taisant les opinions divergentes [4]. Les points de discordance entre les experts concernent, selon le compte-rendu de séance, la lacune de données d’impacts socio-économiques, le manque de considération envers l’agriculture biologique, le besoin d’analyses toxicologiques sur le long terme, la présence dans le génome de l’aubergine Bt d’ADN et de gènes non nécessaires (issus du vecteur utilisé pour transférer le transgène) et le manque de temps pour évaluer et discuter (conduisant à des analyses erronées des données fournies).
Des organisations paysannes ont également pris position contre cette PGM en interpellant directement le Premier ministre indien [5]. Sur le site du ministère de l’Agriculture [6], les derniers chiffres disponibles concernant les cultures d’aubergine en Inde datent de la saison 2006-2007. Cette saison-là, 9 301 tonnes d’aubergines furent produites, ce qui en fait la 4ème production de légumes du pays après les pommes de terre, oignons et tomates.
L’aubergine Bt a été modifiée afin de produire la protéine insecticide Cry1Ac qui tue certains lépidoptères. Ce dossier a été l’objet de nombreuses controverses, conduisant même le GEAC, sur demande de la Cour suprême indienne, à mettre en place en 2006 un sous-groupe d’experts chargés d’étudier les données disponibles sur cette PGM. En 2008, le Pr. Prabhakaran, Président du sous-comité, faisait part de son opinion négative sur ce dossier du fait d’une sous-évaluation de la protéine Bt [7]. Enfin, le 14 janvier 2009, suite à un rapport du Pr. Séralini - rapport mandaté par Greenpeace Inde, remis le même mois et concluant à une mauvaise évaluation de cette PGM - , le GEAC décidait de constituer un panel d’experts afin que le travail du scientifique français soit analysé [8].
Depuis février 2008, la culture commerciale du maïs Mon810 est interdite sur le territoire français. Dès la publication de l’arrêté d’interdiction du ministre de l’Agriculture, Monsanto, suivi par plusieurs entreprises semencières, a demandé son annulation devant le Conseil d’État.
Le 6 novembre 2009, le Conseil d’État a sursis à statuer sur la demande dans l’attente de la réponse de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) à trois questions inhérentes à la législation communautaire sur les OGM [9]. En d’autres termes, le Conseil d’État ne répondra à la demande de Monsanto que lorsque la Cour européenne aura fourni son interprétation des textes communautaires.
Les questions préjudicielles portent sur le choix de la base juridique que doit retenir un État pour l’interdiction du maïs Mon810. Doit-il se fonder sur le seul article 34 du règlement 1829/2003 portant sur les mesures d’urgence ou peut-il également utiliser la clause de sauvegarde de la directive 2001/18 (article 23) ? La difficulté réside dans le fait que l’autorisation actuelle du Mon810 dépend de plusieurs textes : il a été autorisé sous la directive 90/220, remplacée depuis par la directive 2001/18, mais l’autorisation du maïs Mon810 est prolongée en vertu du règlement 1829/2003 - ceci dans l’attente d’un renouvellement d’autorisation qui devra intervenir selon ce même règlement.
Le Conseil d’État interroge également la CJCE sur la caractérisation des conditions d’application de ces articles : que doit-on entendre par « raisons précises de considérer qu’un OGM présente un risque pour l’environnement ou la santé humaine » ou par « de toute évidence, susceptible de présenter un risque grave pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement » ?
Ces réponses de la CJCE seront déterminantes pour le droit des États européens d’interdire l’utilisation d’un OGM sur leur territoire.
Le Conseil d’État ne rendra pas sa décision avant plusieurs mois. D’ici-là, les institutions communautaires auront certainement statué sur la demande de renouvellement de l’autorisation du maïs Mon810, événement qui pourrait lui aussi remettre en cause le moratoire français. En effet, s’il est ré-autorisé, l’arrêté de février 2008 prévoit que l’interdiction ne sera plus applicable.
Jeudi 19 novembre, le tribunal de Colmar a rendu son délibéré et a condamné Pierre Azelvandre qui avait détruit plusieurs pieds de vignes transgéniques de l’Inra de Colmar, à une amende de 2000 euros [10]. Il devra aussi verser un euro symbolique au titre des « dommages et intérêts » à la partie civile. Le 7 octobre 2009, le tribunal de Colmar avait requis quatre mois de sursis et 1000 euros d’amende [11].
L’Inra, dans un communiqué publié le jour du jugement, précisait : « Le préjudice moral de l’INRA a été retenu. L’INRA regrette cependant que le préjudice matériel subi par l’Institut ne soit pas pris en compte ». Jean Masson, directeur de l’Inra de Colmar, précisait à Inf’OGM qu’ils avaient réclamé 17 000 euros. Cette somme correspond à la moitié des frais que l’Inra de Colmar va engager pour tenter de regreffer les vignes et extraire le plus de données moléculaires du matériel qu’ils ont déposé dans une chambre froide. Enfin, l’Inra précise, dans le même communiqué, que l’Institut « se réserve la possibilité de faire appel de ce jugement, considérant que le signal donné n’est pas suffisamment fort vis-à-vis de ceux qui commettent ce genre d’infractions et mettent ainsi en danger la recherche publique ».
Du côté de la Confédération paysanne, interrogé par Inf’OGM, Guy Kastler, membre de la Commission « OGM » du syndicat, réitère l’opposition claire et officielle à toutes plantes transgéniques en milieu ouvert et à ce titre, regrette que Pierre Azelvandre n’ait pas été acquitté.
Lors du Conseil des ministres de l’Agriculture du vendredi 20 novembre, aucune majorité qualifiée (255 voix) ne s’est dégagée pour approuver ou refuser la demande de mise sur le marché du maïs GM Mir604 [12] (Syngenta). Le dossier revient donc à la Commission européenne qui, là encore sans surprise, autorisera ce maïs transgénique à l’importation pour l’alimentation humaine et animale, comme elle l’a fait récemment pour trois nouveaux maïs [13].
12 Etats membres (soit 171 voix sur 345) ont voté en faveur de la proposition d’autorisation : République tchèque, Portugal, Finlande, Roumanie, Slovaquie, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Suède, Allemagne, Estonie et Royaume-uni.
13 Etats membres (soit 138 voix) ont voté contre la proposition d’autorisation : Slovénie, Autriche, Luxembourg, Lettonie, Grèce, Lituanie, Chypre, Pologne, Hongrie, Belgique, Bulgarie, Italie, Malte.
Et deux autres Etats membres (soit 36 voix) se sont abstenus : Irlande, France.
Ainsi, seuls cinq pays ont changé d’avis par rapport aux votes de leur experts, un mois auparavant : l’Allemagne et l’Estonie s’étaient abstenus, ils ont voté « pour » ; l’Italie et la Bulgarie s’étaient abstenus, ils ont voté « contre » et Malte a donc changé littéralement d’opinion ayant voté en faveur de l’autorisation lors du vote des experts.
Le maïs Mir604 est un maïs Bt qui produit un insecticide (la protéine Cry3A) contre certains parasites de l’ordre des coléoptères (Diabrotica spp). Un gène pmi, permettant aux cellules du maïs transformé d’utiliser le mannose comme seule source de carbone, a été utilisé comme marqueur de sélection dans le processus de modification génétique.
A Versailles, vendredi 20 novembre 2009, étaient jugés en appel 58 Faucheurs volontaires, pour la destruction d’une parcelle de maïs GM à Poinville (Eure-et-Loir) appartenant à Monsanto. Le procureur de la République a requis, à l’encontre de 53 Faucheurs volontaires, trois mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende... et à l’encontre de quatre Faucheurs, considérés comme récidivistes, 100 jours amende à 30 euros / jour...
On est loin du jugement de la première instance qui avait décidé de relaxer les Faucheurs. En effet, le Tribunal d’Orléans, le 5 juin 2008 [14], n’avait pas suivi le réquisitoire du Procureur de la République (à savoir trois mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende). Est-ce que le Tribunal de Versailles nous réserve la même surprise ? Il faudra attendre le délibéré, qui sera rendu le 22 janvier 2010.
Franciska Soler, une des inculpés, précisait à Inf’OGM que Monsanto avait demandé 1,3 millions d’euros au titre des dommages et intérêts... soit un million de plus que ce que l’entreprise avait demandé en première instance... Il s’agit pourtant de la même parcelle...
Par ailleurs, le Procureur a également requis une amende de 300 euros pour 23 des 58 Faucheurs pour refus de prélèvement d’ADN...
La cour d’appel de Bordeaux vient de rendre son jugement dans l’affaire de Lugos. En 2006, les Faucheurs volontaires avaient dénaturé un silo contenant du maïs génétiquement modifié [15] en Gironde. L’état de nécessité n’a pas été reconnu par la cour car, affirme-t-elle, le maïs transgénique, une fois récolté, ne peut plus contaminer... Mais c’est sans compter avec les possibles contaminations post récolte, s’insurge Marie Christine Etelin, avocat de la défense. D’autant plus que le maïs GM était stocké dans un silo non étanche, tout près d’une récolte de maïs waxy, riche en amidon, lequel doit être exempt de trace d’OGM puisqu’il rentre dans la préparation de sauces ou de plats pour bébés. Une erreur de manutention est si vite arrivée. La question de la coexistence et de la ségrégation des filières ne s’est jamais arrêtée au champ avec la seule pollinisation, toutes les études sérieuses, dont celle de Coextra [16] en parlent... « L’argument est donc vraiment léger » conclut la défense, sans toutefois avoir convaincu la cour !
La peine infligée à José Bové a été aggravée par rapport à la première instance [17] : la cour l’a condamné à un an de prison avec sursis et 18 mois de mise à l’épreuve. La nature précise de la mise à l’épreuve dépendra du juge d’application des peines. A minima, elle implique de ne pas commettre les mêmes faits pendant cette période. Mais le juge d’application des peines (JAP) peut demander des contrôles plus stricts qui, s’ils entravent la capacité de l’euro-député à exercer son mandat, amèneraient alors à une demande de levée de l’immunité parlementaire. Cependant, Marie Christine Etelin, avocat de la défense, nous a précisé qu’il y avait peu de chance que le JAP entre dans cette bataille juridique.
José Bové a aussi été condamné à une amende de 12 000 euros. Cette somme correspond aux 200 jours amendes (à 60 euros) qu’avait ordonné le tribunal en première instance. En revanche, la cour d’appel n’a pas demandé la privation de ses droits civiques. En appel, le parquet avait requis une peine de huit mois de prison ferme et de quatre ans de privation des droits civiques.
Quant aux onze autres prévenus, la cour a décidé de suivre le jugement de la première instance [18] et non le réquisitoire de la cour d’appel. Ils sont donc condamnés à trois mois de prison avec sursis et à une amende collective d’un montant total de 1500 euros.
Concernant M. Giblet, l’agriculteur qui avait vu son silo dénaturé, il a été relaxé pour le chef d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui, le tribunal considérant qu’il s’agissait de légitime défense. Rappelons qu’il avait tiré sur les manifestants et embouti plusieurs voitures, et que le procureur avait demandé 10 mois de prison avec sursis. En revanche, il a été condamné pour destruction de biens d’autrui à deux mois de prison avec sursis et à des dommages et intérêts vis-à-vis des propriétaires des voitures endommagées.
Les 12 condamnés se réuniront ce soir, jeudi 25 novembre 2009, pour décider s’ils se pourvoient en cassation. Ils ont cinq jours pour se décider.
Une nouvelle étude, réalisée par l’Université de Göteborg en Suède et financée par l’UE (Projet « Ecological risk-assessment of transgenic salmon »), incite à la prudence en matière de commercialisation de poissons transgéniques (saumon et truite arc en ciel) [19].
Selon les données officielles du ministère de l’Agriculture, la République tchèque a cultivé moins de maïs Bt en 2009 qu’en 2008 : de 8380 hectares, les surfaces sont tombées à 6480 hectares [20]. Elles sont encore cependant supérieures aux surfaces de 2007 qui atteignaient alors les 5500 hectares. De même le nombre d’agriculteurs tchèques ayant utilisé la technologie Bt a diminué, passant de 171 (en 2008) à 125 (en 2009). Ce nombre est, par ailleurs, inférieur aussi à celui de 2007 (131). Il s’agit donc de la première baisse aussi bien des surfaces que que du nombre d’agriculteurs depuis que la République Tchèque a autorisé le maïs Bt en 2005.
Pourquoi une telle baisse ? Selon le porte-parole du ministère de l’Agriculture tchèque [21], Petr Vorlicek, cette diminution s’explique par la complexité de la ségrégation de filières et la baisse des surfaces consacrées au maïs dans sa globalité (92 000 ha en 2009 contre 108 000 ha en 2008).
Dans le même communiqué, le ministère de l’Agriculture vante les bienfaits du maïs Bt et affirme sans plus de précision que son rendement est de 10% supérieur à celui des variétés conventionnelles... Quelles sont les variétés utilisées pour la comparaison, le protocole, etc...? On n’en saura rien. De même, ce ministère affirme que le maïs Bt est très intéressant pour les éleveurs qui produisent à la ferme l’alimentation de leur bétail... Et pour cause : l’étiquetage n’est alors plus nécessaire... mais cela, il omet de le préciser.
Par ailleurs, en République tchèque, l’agriculture biologique est en plein développement et cela sans discontinuité depuis 1990. Cette année-là, trois agriculteurs respectaient les normes de l’agriculture biologique. En 2006, ce nombre est passé à 912 [22]. Aujourd’hui la surface agricole consacrée à l’agriculture biologique atteint les 270 000 ha (6,5% de la surface agricole totale tchèque). Or, la moyenne dans l’UE est autour de 4%. Bien entendu, il ne s’agit pas exclusivement de maïs, mais de l’ensemble de l’agriculture biologique.
La région autonome de Madère (Portugal) projette d’adopter un décret déclarant la région « sans OGM » et interdisant l’introduction de plantes et de semences contenant des OGM, ainsi que leur utilisation dans l’agriculture. Conformément à l’article 95 du Traité des Communautés européennes, le Portugal a notifié le projet à la Commission européenne en mai dernier [23].
La Commission disposait de six mois pour approuver ou rejeter la mesure. Elle vient de se donner six mois de plus pour examiner scientifiquement les éléments présentés par le Portugal et a pour cela saisi l’AESA le 23 septembre dernier.
L’article 95 donne la possibilité à un État d’introduire des mesures nationales spécifiques :
fondées sur des preuves scientifiques nouvelles ;
relatives à la protection de l’environnement ou du milieu du travail ;
en raison d’un problème spécifique à cet État membre qui surgit après l’adoption de la directive 2001/18 ou du règlement 1829/2003.
En l’espèce, le Portugal justifie la mesure de Madère par des « raisons agricoles » tenant à l’impossible coexistence entre les cultures GM et non GM dans cet île, et par des « raisons naturelles » qui n’auraient pas encore été étudiées.
En 2003, une décision de la Commission européenne était intervenue sur un projet d’interdiction similaire de la Haute-Autriche. Considérant que les questions de coexistence étaient plus socioéconomiques qu’environnementales, elle avait écarté ces arguments et rejeté le projet.
Le Conseil exécutif pour les OGM du gouvernement sud-africain vient de rejeter la demande d’autorisation commerciale d’une pomme de terre transgénique - demande portée par Conseil pour la Recherche Agricole (Agriculture Research Council, ARC) - précisant que cette PGM posait de nombreux problèmes de biosécurité, de sécurité sanitaire et économiques [24]. Cette pomme de terre, SpuntaG2, a été modifiée pour lutter contre la teigne de la pomme de terre (Phthorimaea operculella). Les questions économiques soulevées par les experts du ministère de l’Agriculture concernent notamment l’absence de ségrégation des filières. Autre raison invoquée : cette pomme de terre GM ne devrait pas permettre aux agriculteurs de réduire leur facture d’intrants : la teigne de la pomme de terre n’est pas un ravageur important en Afrique du Sud, et les agriculteurs devront donc, de toute façon, utiliser d’autres pesticides pour traiter leur champ contre d’autres ravageurs. Le comité précise que les petits agriculteurs sont plus préoccupés par le manque d’eau et d’engrais que par la teigne.
« Il s’agit probablement de la victoire la plus importante de ma carrière. Pour un gouvernement pro-OGM, refuser une autorisation commerciale pour des questions de sécurité est tout à fait novateur », a déclaré Mariam Mayet, directrice du Centre pour la Biosécurité.
L’entreprise Potatoes South Africa, McDOnald’s, et le distributeur Pick n’Pay ont tous trois émis des critiques vis-à-vis du projet de l’ARC, précisant que les consommateurs ne souhaitaient pas d’OGM dans leur assiette. Ils soulignent aussi l’absence d’étiquetage des OGM en Afrique du Sud. Une telle autorisation ne permettrait plus d’offrir avec certitude des menus exempts d’OGM à leurs clients [25]. Cette attitude n’a pas toujours été celle de Potatoes SA : dans un document de 2002, cette entreprise vantait en effet les innovations biotechnologiques de l’ARC. Leur vision des OGM a-t-elle changé réellement ou s’agit-il d’un phénomène de mode, passager ?
L’ARC a fait appel de la décision et le jugement devrait être publié courant février 2010.
Aux États-Unis, les ministères fédéraux de la Justice (DOJ) et de l’Agriculture (USDA) ont conjointement lancé une enquête sur les questions de concurrence et d’antitrust dans l’industrie des semences [26].
Cette enquête intervient au moment où de plus en plus d’agriculteurs et de consommateurs s’inquiètent de la hausse des prix des semences et de la concentration de l’industrie. Tous les regards se tournent vers Monsanto. En effet, selon une dépêche de l’Associated press, par le jeu des acquisitions d’entreprises et des accords de licence, les gènes brevetés par Monsanto sont présents dans près de 96% du soja américain et 80% des cultures de maïs. Par ailleurs, Monsanto a récemment annoncé que son nouveau soja Round-up ready 2 coûterait aux alentours de 74 US dollars l’acre, alors que la version actuelle coute 52 US dollars. En outre, plusieurs organisations s’inquiètent de la disparition de l’offre de semences non OGM.
Tout cela se déroule sur fond de bagarre juridique et médiatique entre les deux groupes semenciers prédominants, Monsanto et DuPont [27]. Au printemps dernier, Monsanto attaquait en justice son concurrent Pioneer Hi-Bred International (groupe DuPont), en lui reprochant de ne pas respecter ses brevets sur les gènes de résistance au Roundup, l’herbicide de Monsanto. L’entreprise Pioneer répondait qu’elle était « totalement dans son droit », et ajoutait que le brevet revendiqué par Monsanto était invalide. En août, le groupe accusait Monsanto de pratiques anticoncurrentielles illégales, allégations entraînant plusieurs questions du ministère de la Justice auxquelles Monsanto a dû répondre .
Dans le cadre de leur enquête, le DOJ et l’USDA encouragent agriculteurs, associations de consommation, juristes, économistes, universitaires, et toutes les parties intéressées à signaler de potentielles conduites anticoncurrentielles. Plusieurs ateliers publics se tiendront tout au long de l’année 2010 dans différents lieux du pays.
Mais, sur la portée de cette enquête, Peter Carstensen, ancien juriste au ministère de la Justice et professeur de droit de la concurrence, explique que rien n’indique que le gouvernement poursuivra Monsanto. A noter qu’au moins deux Etats (Iowa et Texas) mènent à l’heure actuelle leur propre enquête sur le comportement anticoncurrentiel de Monsanto.
L’équipe du Pr. Stephenson (Université d’Etat de Pennsylvanie) a démontré que les courges génétiquement modifiées pour résister au virus de la mosaïque jaune des courgettes (ZYMV) sont davantage exposées à la maladie du flétrissement bactérien [28]. Trois années d’études au champ, au cours desquelles les chercheurs ont croisé des courges GM avec des courges non GM pour « mimer » l’introgression du transgène, ont permis aux scientifiques de conclure que les courges GM résistantes au ZYMV représentaient une cible privilégiée pour les mouches du concombre. Les courges GM résistant au virus étant des individus « sains » dans un champ infecté par ce virus, les mouches du concombre se nourrissent préférentiellement sur elles. Et lorsque ces mouches sont porteuses dans leur estomac de la bactérie responsable de la maladie fatale du flétrissement bactérien, elles transmettent cette bactérie aux courges par leurs selles qui pénètrent la plante via les blessures que les coccinelles ont causées en mangeant. Pour les scientifiques, si les courges GM sont effectivement résistantes au virus, le coût écologique (que représente l’incidence de la maladie du flétrissement) vient « mitiger les effets bénéfiques globaux de la résistance transgénique au virus ». En d’autres termes, voici un exemple de ce qu’une PGM peut apporter comme impact négatif sur une culture et qui impose d’être pris en compte dans un bilan des courges GM, si un tel bilan risques / bénéfice devait être fait un jour...
Après le Japon [29], c’est au tour de la Corée du Sud de renseigner scientifiquement la présence illégale de PGM sur son territoire. L’équipe du Pr. Bumkyu du Centre d’Evaluation Biologique de Cheongwon a effectué des prélèvements dans 26 lieux différents de huit provinces sud-coréenne. Selon les résultats obtenus, quatre maïs transgéniques étaient présents le long des routes afférentes au port d’Incheon, un centre de distribution de grains [30]. Après analyses PCR spécifiques, l’un des quatre maïs GM serait du Mon810, et les trois autres seraient soit du Mon863*Mon810, soit du Mon88017*Mon810, sans plus de précision. Concernant les prélèvements effectués directement dans les champs, aucun résultat ne fait état de maïs ou soja GM présent. À l’heure actuelle, la Corée du Sud n’a autorisé à la culture aucun maïs et soja GM, mais certains le sont à l’importation pour l’alimentation humaine et animale.
Une étude scientifique récente et le retrait, en mai 2009 en Europe, de deux demandes d’autorisation commerciale pour deux PGM contenant l’événement transgénique Ly038 ont relancé une polémique en Australie et Nouvelle-Zélande où cet événement est autorisé commercialement. Le maïs grain Ly038, de l’entreprise Renessen, filiale de Monsanto, et destiné à l’alimentation animale mais pouvant se retrouver dans l’alimentation humaine, est modifié génétiquement afin de contenir plus de lysine et avoir une valeur nutritionnelle plus importante pour les animaux.
En Australie et Nouvelle-Zélande donc, l’évènement Ly038 a été autorisé en décembre 2007 malgré une polémique sur l’évaluation de sa sécurité alimentaire quelques mois avant [31]. Les deux points de controverse [32] étaient l’absence de comparaison de ce maïs GM à sa contrepartie non GM, un des principes de base du concept d’équivalence en substance, ainsi que l’absence d’analyse avec du maïs cuit - la cuisson pouvant générer des protéines intervenant dans le diabète, le vieillissement ou encore l’insuffisance rénale, protéines appelées produits de glycation avancés (AGE) [33].
Or, les résultats récents publiés par l’équipe du Pr. Vlassara de l’Ecole de Médecine du Mont Sinaï aux Etats-Unis - laquelle, en étudiant un récepteur des AGE, a montré que diminuer la quantité des AGE dans les régimes alimentaires permettait d’éviter les maladies de vieillissement dues aux AGE justement [34] - relancent cette question de l’analyse du maïs cuit, puisque des effets directs sur la santé pourraient être en jeu. Mais plus que l’article scientifique, c’est le devenir de l’événement Ly038 en Europe qui apporte de l’eau au moulin des opposants en Australie et Nouvelle-Zélande. Car en Europe, deux demandes de commercialisation pour l’importation et l’alimentation humaine et animale avaient été déposées en 2006, une pour le maïs Ly038 (dossier NL/2006/31) et une autre pour le maïs Ly038*Mon810 (dossier NL/2006/32). Mais, en mai 2009, l’entreprise Renessen, pétitionnaire des deux demandes, retirait les demandes d’autorisation. Côté EFSA, l’agence a indiqué à Inf’OGM avoir discuté avec l’entreprise, lui demandant notamment de fournir des résultats d’analyses sur rats pour compenser l’absence de comparateur non GM, l’absence d’analyses conduites avec du maïs cuit et d’une évaluation plus détaillée des effets type chlorose (diminution de la quantité de chlorophylle) observés. Pour le professeur Jack Heinemann de l’Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande, ces questions de l’EFSA prouvent donc que l’avis positif des experts nationaux en Australie et Nouvelle-Zélande et l’autorisation qui en a découlé pour le maïs Ly038 violent « les règles internationales d’analyse de la sécurité des aliments et les règles européennes ». Selon lui, ce serait les questions posées par l’EFSA (absences de comparaison avec une contrepartie et d’analyse du maïs cuit) qui auraient amené l’entreprise à retirer son dossier [35]. Il considère donc que Monsanto aurait dû fournir ces données aux experts, à l’instar de la demande de l’EFSA.
Mais, pour Monsanto, il n’existe aucun lien entre ces demandes de l’EFSA et le retrait des deux dossiers, comme l’a expliqué la porte-parole de Monsanto Australie pour qui ce retrait européen s’est fait pour des raisons uniquement commerciales [36]. Interrogée par Inf’OGM, l’entreprise Renessen n’a pas répondu à nos questions.
Deux militants de Greenpeace Thaïlande (Patwajee Srisuwan et Jiragorn Gajaseni), poursuivis en justice « pour avoir révélé le rôle du ministère de l’Agriculture dans la dissémination illégale de papaye génétiquement modifiée en Thaïlande », viennent d’être de nouveau acquittés [37]. Ils risquaient jusqu’à cinq ans de prison. Ils avaient déjà été acquittés en première instance, mais le ministère de l’Agriculture avait fait appel du jugement.
En 2004, Greenpeace avait réuni des preuves selon lesquelles le ministère de l’Agriculture thaïlandais avait « notamment violé la résolution bannissant les essais d’OGM en plantant des papayes transgéniques en plein champ à côté de cultures de papayes conventionnelles ». Greenpeace avait aussi accusé cette agence gouvernementale d’avoir distribué des semences de papaye transgéniques illégalement à plus de 2 000 fermiers dans 37 provinces [38].
Selon le rapport du Centre pour la Science et l’Intérêt Public (Center of Science in the Public Interest, CSPI), un cultivateur étatsunien de maïs GM sur quatre ne respecte pas une des exigences liées à la gestion de la résistance aux insectes, à savoir la mise en place de zones refuges qui doivent être ensemencées avec des variétés de maïs non-Bt (cela afin d’atténuer le développement de la résistance au Bt) [39]. Le rapport du CSPI se base sur des données de l’Agence de Protection de l’Environnement. La taille ou la distance des zones refuges dépendent de la localisation des cultures, des insectes ciblés par la modification génétique. Le rapport montre que depuis 2005 le respect de ces mesures va décroissant. De 90% entre 2003 et 2005, il n’a fait que baisser pour atteindre en 2008 environ 75%.
Agriculteurs qui se sont conformés aux dimensions requises pour les zones refuges | Agricultueurs qui se sont conformés aux distances de séparation requises entre les champs GM et les zones refuges | |
Cultures Bt protégées contre la pyrale du maïs | 78% | 88% |
Cultures Bt protégées contre la chrysomèle | 74% | 63% |
Cultures Bt protégées contre ces deux insectes | 72% | 66% |
En 2008, 57% de la superficie ensemencée en maïs aux Etats-Unis comportait des variétés transgéniques Bt, selon le CSPI. Le CSPI a adressé une lettre à l’EPA proposant un certain nombre de changements dans la réglementation. Il a déclaré que l’EPA ne devrait pas réenregistrer des variétés existantes de maïs Bt tant que les entreprises n’auraient pas fait preuve de niveaux de conformité plus élevés. Toutefois, a soutenu le CSPI, au cas où l’EPA choisirait de réenregistrer ces variétés, les entreprises de biotechnologie devraient être assujetties à des amendes sévères ou à des restrictions sur la vente de semences si les taux de non-conformité restaient élevés.
L’utilisation commerciale des maïs, coton et soja génétiquement modifiés a induit, de 1996 à 2009, une augmentation de l’utilisation de pesticides de 144500 tonnes par rapport aux quantités utilisées en l’absence de ce type de culture. Si les maïs et coton Bt, résistants à des insectes, ont permis de diminuer la quantité d’insecticides de 29 000 tonnes sur ces treize années (14 800 pour le maïs et 14 200 pour le coton), les PGM tolérant des herbicides ont provoqué une augmentation de l’utilisation de ces derniers de 173 500 tonnes, dont 159 000 pour le soja. Voilà dans les grandes lignes l’analyse faite par Charles Benbrook[["Impacts of Genetically Engineered Crops on Pesticide Use : The First Thirteen Years", novembre 2009, Charles Benbrook], un ancien directeur du bureau à l’agriculture de l’Académie des sciences états-unienne, des données fournies par le ministère de l’agriculture (USDA). L’auteur précise également que la période 2007 – 2008 représente à elle seule 46% de l’augmentation constatée sur les treize années passées. Ainsi, les diminutions des quantités d’herbicides observées les premières années (1,2% en 1996, 2,3% en 1997 et 1998) ont cessé pour laisser place à 20% d’augmentation en 2007 et 26% en 2008. Pour expliquer cette croissance de la différence entre les quantités d’herbicides utilisées sur cultures GM et non GM, Charles Benbrook avance deux explications : l’apparition et la dissémination rapide d’herbes résistantes au glyphosate (principe actif de l’herbicide le plus utilisé, le RoundUp), dues à une confiance et donc une utilisation excessive par les agriculteurs de ce principe actif selon l’auteur ; la réduction des quantités utilisées sur les surfaces de cultures non GM du fait de la commercialisation d’herbicides plus efficaces (plus concentrés) qui nécessitent moins de quantités à épandre.