Au sein de l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA), le comité sur les OGM s’est intéressé aux procédures d’évaluation des PGM destinées à d’autres utilisations que l’alimentation humaine ou animale. Dans un avis rendu le 22 avril 2009, l’AESA explique que son objectif est « d’identifier des points particuliers de l’évaluation des PGM utilisées à des fins non alimentaires qui nécessiteraient une attention particulière ou pourraient requérir des attentes plus ou moins strictes en comparaison avec l’évaluation des PGM à destination alimentaire » [1]. L’AESA considère que les plantes GM à destination non alimentaires doivent être évaluées de la même manière que les autres du fait de la probabilité – aussi mince soit-elle pour l’AESA – de contamination des chaînes alimentaires par de telles PGM. A quelques exceptions près cependant.
Dans le détail, l’AESA liste les informations d’évaluation à fournir dans les dossiers de demande d’autorisation. En premier lieu, l’agence réaffirme que le principe d’équivalence en substance est le principe scientifique de base, même si elle parle dans son document d’approche comparative. Inf’OGM a déjà expliqué les différences et les conséquences de ces différences entre équivalence en substance et principe de précaution dans un précédent dossier [2]. La principale se trouve formulée par l’AESA elle-même, dans un document de 2008, où il est écrit : « dans le cas où les analyses moléculaires, de composition, phénotypiques, agronomiques ou d’autres analyses, ont démontré l’équivalence entre des aliments (pour l’homme ou les animaux) dérivés de plantes transgéniques et leur contrepartie conventionnelle, à l’exception du caractère inséré, et que les résultats de ces analyses n’indiquent pas d’existence d’effets inattendus, la conduite d’expérience d’alimentation sur animaux avec des rongeurs ou une espèce animale cible ajoute peu, voire pas d’information à l’évaluation sanitaire globale, et n’est donc pas recommandée » [3]. Ainsi, globalement et quelle que soit la destination des PGM, si aucune différence n’apparaît dans les comparaisons conduites entre la PGM et sa contrepartie non GM, aucune analyse de toxicité ou autre ne devrait être demandée.

Pas d’étude d’alimentarité pour des PGM non alimentaires

Mais en cas de différence, les règles sont-elles les mêmes pour les PGM alimentaires et les non alimentaires ? C’est à cela que l’AESA répond dans son document. Pour ce qui relève de la caractérisation moléculaire (caractéristiques de la modification génétique et ses conséquences fonctionnelles), la composition agronomique, les caractéristiques phénotypiques, les effets de la transformation subie par le produit et l’allergénicité, les règles sont les mêmes, que la PGM soit alimentaire ou non. Par contre, pour la toxicologie (de la protéine, des autres nouveaux composants de la plante et de la plante entière), l’analyse doit être demandée au cas par cas, sur base des données précédentes établissant l’existence ou non de différences entre une PGM et sa contrepartie non GM. Les règles peuvent différer entre les PGM alimentaires et les PGM non alimentaires. Ainsi, si l’espèce végétale utilisée n’est pas « traditionnellement » utilisée comme aliment, les études de toxicologie (si étude il doit y avoir) pourront ne concerner que des effets aigus et à court terme. Et aucune étude d’alimentarité ne sera demandée dans le cas de ces PGM non alimentaires.
Après l’introduction du principe de l’équivalence en substance, l’AESA continue donc de simplifier les procédures, suivant les destinations de marchés. Quid bientôt des agrocarburants GM ? Ou des arbres GM cultivés pour prétendument lutter contre le réchauffement climatique ? Car si pour l’heure, la majeure partie du marché des PGM est encore l’alimentation animale, qu’en sera-t-il demain ? Notons dans la foulée que l’AESA continue d’ignorer superbement les demandes des Etats membres ou de commissaires comme Stavros Dimas qui réclament depuis longtemps que des études à long terme soient conduites [4] !

Lors de sa réunion des 29 et 30 juin à Bruxelles, le Comité d’experts de la chaîne alimentaire et de la santé animale a discuté des mesures d’urgence prise par l’Union européenne face à la contamination par du riz Bt63 en provenance de Chine [5]. Le rapport de la mission du Bureau européen alimentaire et vétérinaire, déjà évoqué dans nos colonnes [6], y fut discuté ainsi que les suites à donner à ce dossier. Pour rappel, les mesures adoptées par l’Union européenne début 2008 pour faire face à cette contamination qui s’était déclarée en 2006 était de réclamer des analyses obligatoires et débouchant sur la délivrance d’un certificat attestant l’absence de contamination, ce certificat devant être produit aux frontières de l’UE par tout importateur de riz en provenance de Chine.

Le rapport de mission en Chine
La Commission européenne avait, fin 2008, envoyé une mission sur place afin de rencontrer les autorités chinoises, de se rendre compte sur le terrain des mesures mises en place par ce pays, et « d’évaluer les systèmes de contrôles officiels en place aux fins de la décision 2008/289/CE de la Commission relative à des mesures d’urgence » concernant le riz Bt63 non autorisé [7]. Le rapport de cette mission rappelle d’abord que la Chine n’a autorisé commercialement aucune variété de riz GM mais que plusieurs essais en champs ont lieu. Pour ce qui est du Bt63 plus particulièrement, le rapport affirme que les autorités ont pris les mesures nécessaires pour empêcher toute nouvelle contamination, la contamination de 2006 étant issue d’une culture illégale de ce riz dans la province de Hubei. Par ailleurs, les procédures d’exportation des produits à base de riz sont conformes à la décision 2008/289/CE de la Commission. Mais le rapport souligne des lacunes qui ont été signifiées aux autorités chinoises. Celles-ci concernent : l’absence de lignes directrices simples quant aux procédures d’échantillonnage à destination des inspecteurs ; la méconnaissance de la méthode de détection du Bt63 dans tous ses détails ; et l’absence de mise en place d’un contrôle pour les exportations illégales et les fraudes pourtant constatées (exportation de lots dont l’illégalité est établie). Les autorités chinoises ont répondu à chacune de ces observations par leur volonté d’améliorer leur système de contrôles spécifiques au riz Bt63.

La conclusion du comité d’experts
Au vu de ce rapport, et après discussion, le comité d’experts a conclu que les mesures européennes en place étaient suffisantes. Suite aux réponses des autorités chinoises d’améliorer leurs contrôles, une seconde mission sera programmée pour le début de l’année 2010, ceci afin de prendre la mesure des changements opérés.
Depuis le 1er janvier 2009, l’Union européenne a connu quatorze cas de contamination par du riz Bt63 (contre 19 cas sur toute l’année 2008) dans des produits alimentaires et trois cas par du riz Bt dont l’identité n’est pas précisé mais en provenance de Chine [8]. Sur ces 17 cas, seize concernaient des produits d’origine chinoise (dont cinq importés via les Pays-Bas et un via le Royaume-Uni) et un d’origine thaïlandaise. Pour certains, la destruction des produits incriminés ou leur retrait a été possible, mais pour d’autres, il est probable qu’ils aient été distribués sur le marché.

Eté 2009, Pascale Briand est remerciée de son poste de Directrice de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (Afssa), poste qu’elle occupait depuis janvier 2005. Certains pensaient que Pascale Briand payait sa « gestion » du dossier du maïs Mon810. En janvier 2009, alors qu’approchait le moment où le moratoire français sur le Mon810 allait être défendu devant la Commission européenne et les Etats membres [9], l’Afssa annonçait publiquement que ce maïs ne posait pas de problème sanitaire. Le gouvernement devant de son côté justifier son moratoire du fait d’impacts environnementaux, cela n’aurait pas dû poser de problème. Mais les amalgames furent faits et quelques mois plus tard, Pascale Briand était remerciée. Remplacée par Marc Mortureux le 27 août dernier à la tête de l’Afssa, elle a depuis été nommée au poste de Directeur général de l’Alimentation au ministère de l’Agriculture (la DGAL) indiquant que le dossier du maïs Mon810 n’est probablement pas la cause de ce changement de tête, puisque sur le dossier de PGM, la DGAL occupe une place centrale.
Si une autre explication doit être cherchée quant au remplacement de Pascale Briand par Marc Mortureux à la tête de l’Afssa, elle se trouve peut-être dans la charge qui a été confiée à ce dernier depuis son arrivée en août 2009, celle « de la préfiguration d’un nouvel établissement public qui reprendra les missions de l’Afssa et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) » [10]. Mais, du côté de l’Afssa, on nous explique que la mise en place du nouvel établissement public n’aura aucune incidence quant à la mission et au fonctionnement de ce comité [11]. Notons que depuis l’arrivée de Marc Mortureux, l’Afssa n’a rendu aucun nouvel avis sur un dossier de PGM. Interrogée par Inf’OGM, l’Afssa ajoute d’ailleurs ne pas être capable de donner le nombre de dossiers actuellement sur le bureau du comité d’experts sur les biotechnologies.

Le 26 août, à Montech, dans le Tarn-et-Garonne, les Faucheurs volontaires ont occupé l’entrée d’une station de recherche de l’entreprise Pioneer où sont mis en culture des tournesols mutés résistants à des herbicides [12]. A l’image de leur action du 20 mai 2009 sur un site du Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains (Cetiom) à Bollène (84) [13], l’objectif de l’action à Montech était d’attirer l’attention sur ce que les Faucheurs volontaires appellent des « OGM cachés ». Ces plantes, modifiées génétiquement par mutagénèse et non par transgénèse, sont considérées par les Faucheurs volontaires, qui se réfèrent à la définition établie par la directive 2001/18, comme des OGM, bien que non transgéniques. Mais d’autres, comme Pierre Joubert du Cetiom, considèrent qu’elles ne sont pas des OGM : « Les tournesols tolérants aux herbicides n’ont pas été obtenus par transgénèse : il n’y a pas eu d’introduction d’un gène venant d’une autre espèce. Ils ont été obtenus par une méthode de sélection très ancienne et très classique, donc en aucun cas clandestine, faisant appel à la mutagénèse et à des croisements successifs » [14]. Si les deux positions sont d’accord sur le caractère non transgénique mais muté de ces plantes, les interprétations diffèrent donc sur la question de savoir si la directive 2001/18 doit être appliquée ou non. D’un point de vue strictement réglementaire, cette directive reconnaît que les plantes mutées par mutagénèse sont des OGM, mais elle les exclut spécifiquement de son champ d’application. Le travail en cours de la Commission européenne sur les nouvelles techniques de biotechnologie visant à définir si leurs résultats seront ou non considérés comme des OGM, montre d’ailleurs que les plantes mutées ne sont pas les seuls OGM pour lesquels la question se pose [15].
Absence d’informations publiques sur les plantes mutées, absence d’évaluation complète des risques associés à leur utilisation et existence de brevets sur les gènes mutés : forts de ce constat, les Faucheurs volontaires attendent donc « du gouvernement un moratoire sur les plantes manipulées génétiquement résistantes aux herbicides et [réclament] que, quelle que soit la méthode de modification forcée de l’ADN, les plantes GM entrent dans le cadre réglementaire des OGM » [16].
Suite à l’action à Montech, les Faucheurs volontaires ont été reçus par Jean-Louis Borloo, ministre de l’Environnement et Dominique Dron, sa conseillère. Au cours de cette rencontre, l’aspect des tournesols mutés a été abordé sous l’angle de la problématique de l’apparition de résistance. Les Faucheurs volontaires ont expliqué que ce problème est accentué par « le recours à des biotechnologies qui permettent d’employer sur tournesol des herbicides ayant le même mode d’action que ceux déjà utilisés sur blé ; ainsi blés et tournesols ne constituent même plus une rotation vis-à-vis des herbicides ». Le ministère a reconnu « qu’il y a effectivement un problème d’évaluation des herbicides » et qu’il existe « une faiblesse de l’évaluation des variétés [NDLR : quelle que soit la technique utilisée] lors de leur inscription au catalogue : elles sont évaluées séparément les unes des autres, sans approche systémique de leurs impacts sur les pratiques agraires » [17]. In fine, le ministère de l’Environnement a annoncé qu’il allait essayer d’avancer sur ce sujet avec le ministère de l’Agriculture, en charge des herbicides.

En mai 2009, neuf associations états-uniennes, canadiennes et australiennes de producteurs de blé, annonçaient publiquement leur intention de travailler à obtenir des autorisations synchrones pour les blés issus de biotechnologies (transgénèse, mutagénèse ou toute autre biotechnologie, [18]. Si tous les professionnels de la filière du blé ne sont pas d’accord sur le développement du blé GM, ceux qui le souhaitent ont décidé de mettre la pression pour arriver à leurs fins. Ainsi, cinq structures (Association of Wheat Growers, U.S. Wheat Associates, the North American Millers’ Association – ces trois premières faisant partie du groupe de structures ayant communiqué en mai -, the Independent Bakers Association and the Wheat Foods Council) viennent de publier un rapport de huit pages pour vanter les biotechnologies dans la filière blé [19].
Après avoir expliqué, dans leur communication de mai, que l’adoption des biotechnologies dans la filière du blé permettrait « d’assurer une production plus efficace, durable et rentable de blé partout dans le monde », les structures contextualisent cette fois leur opinion par la comparaison avec les autres cultures. Ainsi, selon elles, « la production de blé et les surfaces allouées sont sur une pente descendante sur le long terme aux Etats-Unis. Les revenus nets par hectare pour les agriculteurs poussent ces derniers vers d’autres cultures ». La solution pour ces structures se trouvent bien sûr dans l’adoption des biotechnologies.
Mais si cet attrait pour les cultures GM était réel, comment expliquer que pour la première fois en 2008, les surfaces de cultures de soja GM ont diminué par rapport aux cultures de soja non GM ? (même si ce n’est que d’un pourcent, [20]. Et a-t-on aussi posé la question aux producteurs de riz, à qui la contamination par des riz de Pioneer a coûté plus d’un milliard d’euros en 2007 ? Mais surtout, on le sait, les rendements n’augmentent pas du fait des PGM mais plus simplement du fait de l’amélioration végétale traditionnelle, comme l’explique Doug Gurian-Sherman, chercheur de l’Union of Concerned Scientists 3902.
Mais si les signataires du récent rapport parlent de biotechnologie en générale, tout laisse à croire que pour la culture de blé, les prochaines améliorations végétales pourraient probablement concerner des blés mutés par exemple, plutôt que des blés transgéniques. Il faut d’ailleurs noter qu’à ce jour, selon la base de données de la FAO et de l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA), seules quatre variétés de blé mutées sont disponibles aux Etats-Unis : les variétés Payne, Stadler, Lewis et Above [21]. Développées en 1964 pour les plus anciennes et 1992 pour la plus récente, ces variétés sont soit résistantes à des maladies (Payne, Stadler), soit tolèrent des herbicides (Above) ou disposent de qualités agronomiques améliorées (Stadler, Lewis). Ces quatre variétés témoignent paradoxalement d’un « retard » des Etats-Unis dans le domaine du blé muté puisque dans le monde, 249 variétés sont disponibles dont 157 pour la seule Chine ! Notons que pour la France, aucune variété de blé mutée n’est disponible. Une explication possible de ce « retard » pourrait être la focalisation des entreprises de biotechnologies et semencières aux Etats-Unis sur les PGM. Mais récemment, Monsanto a déclaré : « les biotechnologies et non les modifications génétiques, sont la clef de l’amélioration des variétés de blés. Si les techniques de transgénèse permettent de développer certaines caractéristiques, la plupart proviendront de l’amélioration conventionnelle, soutenue par des outils de biotechnologies » [22]. Ce changement de discours pourrait donc confirmer le développement discret mais conséquent des plantes mutées.

A Jabalpur, dans l’Etat du Madhya Pradesh, plus de 1500 agriculteurs se sont retrouvés début octobre pour protester de manière non violente contre un essai en champ de maïs transgénique et pour demander au gouvernement de cet Etat de proclamer le Madhya Pradesh sans OGM [23]. Ils ont rappelé que l’Etat du Madhya Pradesh était d’ailleurs déjà déclaré Etat « bio ». Pour Jayant Verma du mouvement Hamara Beej Abhiyan [24], « les PGM n’augmentent par les rendements […]. Cette technologie est irréversible et incontrôlable et est un piège pour les agriculteurs […]. Le gouvernement devrait immédiatement détruire cet essai en champ et ne plus en autoriser, à l’instar d’autres Etats comme le Kerala » [25]. Une manifestation similaire avait été organisée en mars 2009 dans l’Etat du Maharashtra, à Kolhapur, où Monsanto a mis aux champs un essai de maïs GM [26]. Monsanto effectue en Inde des essais aux champs d’un seul maïs GM pesticide, le Mon89034*Nk603 (tuant les insectes de la famille des Lépidoptères et tolérant les herbicides à base de glyphosate). Deux autres entreprises ont des essais en champs de maïs GM en Inde, Dow Agrosciences avec un maïs TC1507 (tuant les insectes appelés pyrales et tolérant les herbicides à base de phosphinothricine dont le glufosinate d’ammonium) et Pioneer avec un maïs TC1507*Nk603 (mêmes caractéristiques que celui de Dow Agrosciences avec la tolérance au glyphosate en plus).

Le 15 octobre, des militants de Greenpeace ont fait irruption dans la séance de la CTNBio, la commission scientifique consultative brésilienne, pour éviter que soit autorisé le riz GM [27]. La CTNBio devait examiner la demande d’autorisation de Bayer sur le riz LL62 résistant au glufosinate d’ammonium. L’intervention des militants a conduit au report de la décision sur le riz.
Toutefois, lors de cette séance, un coton et un maïs GM de Monsanto (le coton Mon531xMon1445 et le maïs Mon89034) et un maïs de Dow Agroscience (le TC1507xNK603) ont reçu un avis positif. Par ailleurs, le 17 septembre dernier, la CTNBio donnait aussi un avis positif sur l’autorisation de la commercialisation de trois nouveaux maïs génétiquement modifiés [28]. Il s’agit du MIR162 de Syngenta (qui produit un insecticide), et de deux maïs issus de croisement entre des maïs déjà GM : le Mon810xNk603 de Monsanto qui à la fois produit un insecticide et tolère le glyphosate, et le Bt11 x GA21 de Syngenta qui produit un insecticide et tolère le glufosinate d’ammonium et le glyphosate.
Si le Conseil National de la biosécurité (CNBS), composé de onze ministres, entérine ces avis, le Brésil autoriserait cinq cotons génétiquement modifiés et onze maïs (les maïs Mon810, le T25, le Bt11, le GA21, le Nk603, et TC1507 sont déjà autorisés au Brésil).

Le 30 octobre, la Commission européenne a autorisé l’importation de trois maïs : le MON89034 (Monsanto), produisant un insecticide, et les MON88017 (Monsanto) et 59122xNK603 (Pionner) tous deux produisant un insecticide, et résistant à un herbicide.
Ces autorisations interviennent moins de quinze jours après le conseil agriculture du 19 octobre [29], au cours duquel les ministres européens de l’Agriculture n’avaient pas trouvé la majorité nécessaire pour prendre une décision sur leur autorisation, sans surprise. La France s’est abstenue pour le MON88017 et le 59122xNK603. Elle a voté contre l’autorisation du MON89034, car l’AFSSA avait expliqué en 2007 qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur cette autorisation, faute d’informations supplémentaires sur l’étude de toxicité [30].
Cet été, des traces de maïs MON88017 ont été retrouvées dans des importations de soja en provenance du continent américain et sont à l’origine du renvoi de près d’une dizaine de cargaisons de bateau. La « tolérance zéro » en ce qui concerne les traces d’OGM non autorisés dans les importations conduit les États membres à refouler les cargaisons contaminées.

Les nouvelles techniques utilisées en biotechnologie conduisent-elles à des OGM tels que définis par la législation européenne (notamment la directive 2001/18) ? Un groupe d’experts nommés par les Etats membres [31] a été constitué fin 2008 [32]. Ce groupe de travail étudie actuellement les techniques suivantes : technologie de nucléase en doigt de zinc, mutation dirigée des gènes par oligonucléotides, cisgénèse, méthylation de l’ADN dépendante de l’ARN via RNAi/siRNA, greffe, amélioration inverse, agro-infiltration, et biologie synthétique [33]. Une discussion sur une version provisoire du rapport de ce comité est prévue le 23 novembre, à l’occasion de la réunion des Autorités compétentes de la directive 2001/18 (les ministères en charge du dossier des OGM dans chaque Etat membre). Selon la Commission européenne, la réflexion des experts n’est pas encore finalisée. Aucune date de finalisation du travail n’est encore fixée même si, selon le site internet de la DG Envir, les résultats sont attendus... pour l’automne 2009 ! Concernant les experts français, la Direction Générale de l’Alimentation précise qu’il s’agit de deux membres du Haut conseil des biotechnologies (HCB), sans précision nominative.
Les enjeux de ce travail sont importants. Si in fine, il est décidé que les techniques étudiées conduisent à des OGM dans le sens de la législation européenne, alors cette dernière s’applique intégralement (conditions d’évaluation, de procédures et de gestion après commercialisation...). Dans le cas contraire, la gestion de leur commercialisation sera plus simple puisque moins contraignante. Notons qu’une autre conclusion est possible : décider que ces techniques donnent des OGM mais les exclure du champ de la directive à l’image de la mutagénèse et de la fusion cellulaire comme précisé dans l’annexe 1B de la directive 2001/18 [34]. C’est-à-dire qu’elles donnent des OGM mais que la législation ne leur est pas appliquée. Les deux dernières conclusions nécessiteront une modification de la législation européenne car la Commission européenne n’a pas autorité pour modifier seule l’annexe 1B. Ce que certains ont déjà commencé à dénoncer pour les plantes mutées, comme en France par exemple [35], pourrait donc être étendu à d’autres techniques.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Agence Européenne des Sécurité Alimentaire (AESA) divergent indirectement sur l’utilisation des gènes de résistance à des antibiotiques. Certains dossiers, à l’image de la pomme de terre Amflora de BASF [36], ont en effet pour point de discorde – parmi d’autres – la présence d’un tel gène. Ces gènes de résistance sont utilisés comme gènes marqueurs permettant de sélectionner les cellules ayant bien intégré le transgène d’intérêt agronomique. Or un tel usage peut conduire à une dissémination de la résistance aux antibiotiques ce qui, dans le domaine médical par exemple, pourrait s’avérer très problématique. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a d’ailleurs pris position sur le sujet en 2008, en rangeant les antibiotiques dans plusieurs catégories selon leur « importance » médicale et en considérant bien sûr que les plus importants ne sauraient être utilisés dans des domaines autres que médicaux afin de préserver ces médicaments [37].
En Europe, l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA) avait déjà publié une opinion en 2004 sur l’utilisation de ces gènes de résistance dans laquelle elle expliquait avoir classifié les gènes en trois groupes [38], à l’instar de l’OMS, selon l’utilisation médicale des antibiotiques correspondants. Mais si la démarche est la même, AESA et OMS ne sont pas d’accord sur les résultats de la classification. Ainsi, on observe que si pour l’AESA, les gènes de résistance à la streptomycine et l’ampicilline sont utilisables dans des PGM (même commercialement), il s’agit pour l’OMS d’antibiotiques d’une importance critique en médecine, donc à ne jamais utiliser ailleurs. En ce qui concerne la kanamycine, la néomycine et la spectinomycine, il s’agit d’antibiotiques d’une importance forte pour l’OMS, donc d’utilisation à restreindre ailleurs.
Suite aux désaccords sur la pomme de terre Amflora, la Commission européenne a donc demandé à l’AESA de revoir son opinion afin de la clarifier et de mieux définir la procédure d’autorisations des PGM. Dans cette « nouvelle opinion » [39], l’AESA affirme que son avis précédent répond déjà aux exigences d’évaluation et qu’aucune nouvelle donnée scientifique n’étant apparue, point n’est besoin de réactualiser cette opinion. L’AESA explique également que le transfert de gène de résistance d’une PGM à une bactérie n’a pas été démontré, que le transfert d’ADN à des bactéries est de faible fréquence et que la résistance à la kanamycine ou la néomycine est déjà très répandue dans l’environnement. Sur la différence de point de vue avec l’OMS, l’AESA explique simplement que le gène nptII n’est pas impliqué dans les cas de tuberculoses multirésistantes aux antibiotiques, signifiant ainsi qu’il n’est pas problématique de l’utiliser. Pour l’AESA donc, les gènes de résistance aux antibiotiques, c’est (presque) automatique dans les PGM...

En juin dernier, l’Autriche présentait une note devant le Conseil des ministres européens de l’environnement, afin que les Etats puissent décider pour eux-mêmes des cultures de PGM sur leur territoire [40]. Cette note était soutenue par douze autres Etats, au nombre desquels les Pays-Bas qui avaient fait une demande très proche de celle-ci en mars 2009 [41]. Sans modifier de manière fondamentale la réglementation, l’Autriche propose plus précisément de faciliter les interdictions nationales, en leur permettant de le faire sur la base de considérations socio-économiques, et du principe de subsidiarité.
Cette proposition peut susciter quelques inquiétudes. La secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Chantal Jouanno, a précisé être réservée par rapport à cette demande « la subsidiarité peut être à double sens [...]. Si cela consiste à refuser les cultures, nous disons oui. Mais si cela permet d’alléger les procédures pour faciliter les cultures, nous disons non » [42]. Une telle proposition pourrait en effet conduire à en finir avec les difficultés d’autorisation de la culture de nouveaux OGM : depuis le maïs MON810, en 1998, aucune PGM n’a été autorisée à la culture en Europe et l’autorisation de la pomme de terre GM Amflora attend la signature de la Commission depuis plus d’un an. Si chaque Etat peut interdire plus facilement la culture des OGM, leur autorisation au niveau européen devient plus acceptable. Et on pourrait assister à terme à une augmentation des cultures sur le sol européen.
A l’appui de cette interprétation : le fait que présentée par l’Autriche, pays historiquement opposé à la culture des OGM, la proposition soit soutenue par les Pays-Bas, plutôt favorables à ces plantes.
Début septembre, José Manuel Barroso a fait connaître son soutien à la proposition : « Dans un domaine tel que celui des OGM, par exemple, il devrait être possible de concilier une autorisation communautaire basée sur la science, avec la liberté de chaque État membre de décider s’il souhaite oui ou non cultiver des cultures GM sur leur territoire » [43].
Pour l’heure, la proposition autrichienne n’a pas encore été examinée, et d’après certaines sources, cela ne devrait pas être traité avant la constitution de la nouvelle Commission européenne, prévue pour fin 2009.

Fin août, l’agence russe d’information internationale rapportait les propos du président de l’Union céréalière russe Arkadi Zlotchevski : « Il ne fait aucun doute que des cultures génétiquement modifiées existent en Russie. Sur ce plan, nous suivons la voie du Brésil qui a longtemps refusé de reconnaître l’existence de plantes transgéniques sur son territoire. Le pays a fini par reconnaître ce fait, mais uniquement après que leur prolifération incontrôlable eût entraîné des conséquences désastreuses » [44].
Est-il vrai que la Russie accueille des cultures illégales d’OGM ? Si oui, le gouvernement russe serait-il disposé à les autoriser ?
Comme nous l’indique Victoria Kopeykina, de la coalition russe d’ONG CIS Alliance for Biosafety, « officiellement, la Russie ne cultive pas d’OGM, aucun OGM n’a été autorisé, et aucun n’a subi d’évaluation environnementale ». Plusieurs essais en plein champ ont eu lieu en 2002 et 2004 (notamment de pomme de terre, soja, maïs, blé, fraise...). Mais Victoria Kopeykina nous précise qu’il existe des soupçons de cultures illégales de soja GM dans le sud du pays, dans la région de la Mer Morte, sans pouvoir préciser l’ordre de grandeur de ces potentielles surfaces cultivées.
Côté gouvernement, elle nous indique que le président et le premier ministre ne se sont pas prononcés sur cette question. Ces cultures illégales de soja sont à rapprocher des cultures non-autorisées de soja en Ukraine. Dans ce pays voisin de la Mer morte, la production de soja GM Round-up Ready représenterait selon les sources entre 45 et 70% de la production nationale de soja. Ces cultures, ni autorisées ni interdites, faute d’encadrement des OGM, se situeraient principalement au sud du pays et proches de la frontière polonaise.

Aux Etats-Unis, l’entreprise ArborGen a déposé une demande d’autorisation commerciale pour la mise en culture d’eucalyptus génétiquement modifiés pour contenir moins de lignine, résister au froid et avoir une période de floraison décalée. Ces arbres sont destinés à la production de papier et d’agrocarburants. ArborGen attend une réponse des autorités pour 2010 aux Etats-Unis, et 2012 au Brésil [45].
D’autres projets, un peu partout dans le monde, attendent aussi leurs autorisations commerciales. En voici quelques exemples.
En Floride, des citronniers, modifiés génétiquement pour résister à des attaques de champignons ou bactéries provoquant le chancre ou le verdissement des citronniers, ont été mis en culture dans le cadre d’essais en champs par l’entreprise Southern Garden Citrus [46]. Et début septembre, le ministère états-unien à l’Agriculture (USDA) a annoncé la prochaine autorisation commerciale de la papaye transgénique X17-2, après avoir évalué favorablement les données scientifiques existantes [47]. Cette papaye transgénique, résistante au virus des anneaux nécrotiques (« ringspot virus »), sera commercialisée par l’Université de Floride.

En Russie, l’Institut sibérien de Physiologie et de Biochimie végétale travaille sur des trembles, des peupliers ou encore des pins cembro (ou pins des Alpes) transgéniques. Ces arbres sont modifiés pour produire une hormone de la famille des auxines, hormone induisant une croissance plus rapide, afin de permettre aux producteurs de bois d’augmenter leur production [48].

En France, l’Inra expérimente aux champs des peupliers GM au taux de lignine modifié pour la production d’agro-énergie [49], jusqu’en 2012.
En mai 2009, la Belgique a également autorisé la mise en place d’essais en champs de peupliers transgéniques [50], peupliers modifiés également pour produire moins de lignine.
Au Royaume-Uni, une demande de l’Université de Southampton datant de 2008 d’essais de peupliers transgéniques en champs n’a toujours pas abouti, faute officiellement, d’après la Commission britannique des forêts, de « procédure pour répondre aux demandes d’autres organisations de conduire des essais en champs d’arbres GM sur les terrains de la Commission des forêts » [51].
Enfin, en Chine, plus d’un million de peupliers GM furent plantés commercialement mais actuellement personne n’est capable de dire où ils se trouvent [52].

Face aux risques, des scientifiques rassurants
Rappelons que le développement des arbres transgéniques soulève de nombreux problèmes [53]. Comme celui de la contamination par reproduction sexuée (le pollen, disséminé sur plusieurs centaines de kilomètres) ou végétative (par les racines par exemple). Ou encore, le problème de la teneur moins forte en lignine, qui entraîne notamment la fragilité de tels arbres. Comme nous l’écrivions alors, « ces arbres transgéniques sont plus sensibles, non seulement aux dégâts consécutifs aux orages et autres tempêtes, mais également aux attaques par des insectes, des champignons et des bactéries dont les populations risquent de s’accroître. D’où un problème crucial si cette propriété s’étend aux arbres forestiers indigènes ». Enfin, mais cela est vrai pour toute monoculture intensive à grand échelle, le problème du déséquilibre des écosystèmes, de la concurrence avec d’autres cultures, notamment vivrières, et celui de la compétition pour les facteurs naturels (eau, minéraux, etc.), en ajoutant, pour le cas de l’eucalyptus, l’inhibition de la croissance d’autres plantes [54].
Certains scientifiques défendent les arbres GM avec notamment deux arguments : le fort potentiel des biotechnologies appliquées aux forêts pour répondre aux problèmes environnementaux (exemple du changement climatique) [55], d’une part ; et le fait que les travaux aujourd’hui effectués sur les arbres portent sur des gènes non étrangers à la plante mais issus de la plante elle-même (gènes endogènes, travail sur le contenu en lignine par exemple...), d’autre part. Ces deux éléments seraient à leurs yeux suffisants pour que l’on considère le seul produit final et non le procédé : voilà qui nous fait revenir quelques années en arrière, du temps du débat sur l’étiquetage ou non des huiles issues d’OGM, où, suite à la transformation poussée, l’on ne retrouvait pas trace d’ADN. Dans ce cas, le législateur avait bien retenu la provenance transgénique (donc le procédé d’obtention) pour étiqueter.
En privilégiant le résultat au procédé, les arbres GM ne seraient pas considérés comme des PGM... Ironie de la dialectique, les plantes mutées sont elles, exclues du champ d’application de la législation européenne sur les OGM du fait justement du procédé !

Le maïs SmartStax a été autorisé à la culture commerciale aux Etats-Unis et au Canada cet été. Élaborée par Dow Agrosciences et Monsanto, cette PGM contient pas moins de huit transgènes lui conférant une tolérance à plusieurs herbicides et une résistance à plusieurs insectes. Greenpeace a dénoncé la légèreté de l’avis des experts canadiens de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) : « Ils ont résumé leur décision en 350 mots. Leur argument est de dire qu’il ne s’agit que d’un croisement entre des technologies qui existent déjà, donc qu’il n’y a rien de nouveau ». Mais en plus de cette caractéristique de disposer de huit transgènes, l’autorisation de ce maïs était accompagnée d’une autorisation de mettre en place des zones refuges plus petites que celles obligatoires pour les cultures GM, Monsanto et Dow Agrosciences ayant argumenté que la présence de plusieurs protéines insecticides permettait de limiter l’apparition de résistance et donc de diminuer la taille des zones refuge [56].
Depuis, Bruce Tabashnik, directeur du département d’entomologie de l’Université d’Arizona, et David Andow, professeur d’écologie des insectes à l’Université du Minnesota, ont tous deux exprimé leur désaccord avec une telle décision de réduction des zones refuges, zones sensées ralentir le développement d’insectes résistants aux protéines insecticides... Les récents travaux du Pr. Tabashnik ont montré justement que des insectes peuvent développer des résistances à deux toxines différentes exprimées par la même PGM [57]. Pour lui, « ces résistances sont attendues quelles que soient les protéines insecticides et leur combinaison » [58]. Mais surtout, le scientifique souligne qu’il n’y a eu aucune recherche montrant que la réduction des zones refuges serait sans impact sur la vitesse d’apparition de résistance. Le Professeur explique donc que cette décision de l’ACIA de réduire les zones refuges a été prise sans donnée scientifique et souligne que la combinaison du maïs à résistance multiple aux insectes et la diminution des zones refuges s’annule tout simplement (davantage de résistance d’un côté – une facilitation de l’apparition de résistance de l’autre). Cette opinion est confirmée par David Andow qui affirme que « cette décision n’est pas prise sur des bases scientifiques ». Selon lui, certaines études citées par l’ACIA ne sont même pas pertinentes [59]. En tout cas, du côté de l’ACIA, aucune communication n’a été faite sur l’hypothèse de réétudier la question...

Gustavo Idigoras, ministre conseiller pour les affaires agricoles à l’ambassade d’Argentine auprès de l’Union européenne, s’est exprimé sur la politique argentine sur les PGM lors d’une réunion du Conseil International des Céréales qui s’est tenue à Londres le 9 juin 2009 [60]. Selon lui, l’Argentine va augmenter ses cultures de PGM, notamment de maïs et de soja. Mais ces projets se heurtent notamment au phénomène des « autorisations asynchrones avec l’Union européenne, la Chine et l’Inde », à savoir qu’une PGM puisse être autorisée dans un pays mais pas dans un autre. Gustavo Idigoras a également souligné que les seuils de présence à faible taux de certains pays importateurs posaient problème. Derrière ce propos se trouve notamment la politique de tolérance zéro de l’Union européenne qui refuse sur son territoire toute PGM non autorisée, politique qui est l’objet de nombreuses pressions actuellement [61].
Que peut comprendre l’Union européenne des propos du ministre argentin, qui a également parlé du coût excessif de la certification du maïs sans PGM ? A la première lecture, cela ressemble à une mise sous pression supplémentaire de l’UE pour qu’elle lève a minima cette politique de tolérance zéro. Cela confirme également que l’aspect non synchrone des autorisations est un problème pour les pays exportateurs et que l’hypothèse d’une uniformisation des autorisations à l’international se rapproche. Une uniformisation qui aurait pour conséquence de « faciliter » le commerce des denrées agricoles mais au prix d’un allègement des évaluations et contrôles des PGM car tous les pays n’ont pas les mêmes exigences, et que les Etats-Unis sont déjà au travail sur ces points, notamment au sein du Codex alimentarius [62]. Mais le discours peut également être vu sous l’angle d’un coup de bluff de l’Argentine, car quel commerçant pourrait raisonnablement se mettre en position de perdre son plus gros client ? Comme le dit le ministre argentin, la Chine et l’Inde posent également problème avec leur système d’autorisation. Or la Chine a augmenté ses importations de soja, au point d’être devenue le principal importateur de soja dans le monde. Les possibilités de trouver d’autres acheteurs aussi importants se réduisent donc pour l’Argentine. Mais même s’il s’agit d’un coup de bluff, il s’inscrit dans une dynamique plus générale de mise sous pression qui elle, annonce une année 2010 voire 2011 assez chaude.

Dans le débat sur l’Inde et les PGM, l’exemple de l’Etat du Kerala revient assez souvent. Car le Kerala est un Etat déclaré sans OGM depuis 2007, dans un pays où les cultures de coton transgénique sont fortement controversées. Si le Kerala ne dispose pas de cultures de coton, comme nous l’a affirmé Devinder Sharma, Président du forum indien sur les biotechnologies et la sécurité alimentaire, son moratoire est intéressant car il porte également sur les essais en champs de PGM. Et dans ce domaine, les aubergines ou riz GM pourraient se retrouver au Kerala. Fin 2008, le ministre de l’Agriculture du Kerala réaffirmait le refus d’autoriser des essais en champs de PGM afin de protéger les variétés locales, objets d’exportations vers l’Europe, rappelant que la décision d’interdire les essais en champs de riz basmati transgénique dans une région cultivant ce riz allait dans le même sens [63]. Ainsi, le Kerala a déjà refusé plusieurs essais en champs sur son territoire en 2007 pour du riz transgénique [64] et en 2008 pour toutes cultures [65]. En 2009, le gouvernement de l’Etat a même mis en place un programme de développement de 100 conseils de village afin qu’y soient discutées les méthodes agricoles adaptées à la région, notamment pour limiter le possible futur développement de cultures transgéniques [66].

En 2006, le ministre australien de l’Agriculture et de l’Alimentation mettait en place un groupe de référence des industries d’OGM afin qu’il étudie les aspects logistiques, agronomiques et commerciaux de l’utilisation des biotechnologies dans l’agriculture de l’Etat d’Australie occidentale. Trois années plus tard, ce groupe publie un rapport sur les cultures de canola GM spécifiquement (le canola est un colza avec un faible taux d’acide érucique). Un document [67] pour le moins complet – 83 pages – qui aborde différents aspects de cette culture dans cet Etat où la production de canola a compté pour presque la moitié de la production nationale sur la période de 2003 à 2008. L’objectif de ce rapport, qui concerne un Etat d’Australie où la culture de PGM est soumise à un moratoire depuis 2004 (1000 hectares d’essais en champ de canola GM ont été cependant autorisés en 2009) est, selon les membres du groupe, « d’encourager les débats sur les différents aspects de la culture de canola GM ». Concernant spécifiquement le canola GM, le groupe rappelle qu’il fut cultivé commercialement pour la première fois en Australie en 2008, dans les Etats de Nouvelle Galles du Sud et de Victoria. Dans l’Etat d’Australie occidentale, trois variétés de canola sont cultivées : une conventionnelle, une obtenue par mutagénèse (Clearfield, tolérance des herbicides à base d’imidazolinone) et une obtenue par croisement pour introduire dans le canola une mutation trouvée dans des champs de moutarde (tolérance des herbicides à base d’atrazine et de simazine).
Sur les aspects économiques, le groupe s’est basé sur une récente étude conduite en Australie et sur des données issues d’autres pays. Sa conclusion est que « outre les coûts liés à la technologie, d’autres coûts interviendront probablement pour la culture de canola GM. Ces coûts concernent le contrôle des repousses, les plans de gestion des résistances, la ségrégation, les retombées financières selon les retours du marché et les effets négatifs sur l’environnement. Aucune des études de l’étranger ou nationale n’ont fourni une palette complète des coûts de la culture de canola GM. Tant que l’ensemble des coûts (directs et indirects) n’auront pas été pris en compte, le bénéfice net pour l’Australie ne pourra être évalué ».
Avec une telle conclusion, la pression actuelle du Japon pour que l’Australie continue d’assurer ses exportations de canola non GM pourrait être payante [68]. Par ailleurs, pour les européens, ce constat australien devrait être pris comme élément de discussion au regard du travail actuellement en cours qui vise justement à évaluer les coûts et bénéfices des cultures GM sur base d’interrogation des acteurs et non d’études de terrain ( [69].

A l’Institut d’entomologie de l’Université d’Hanghzou en Chine, le Pr. Chen et ses collègues ont cherché à établir dans quelle mesure la protéine insecticide Bt se transmettait dans une chaîne alimentaire [70]. Cette notion de transmission signifie qu’une protéine, présente dans l’alimentation d’un premier organisme quel qu’il soit, puisse se retrouver chez son prédateur, puis chez le prédateur du prédateur et ainsi de suite. Pour ce faire, les scientifiques chinois ont choisi de suivre la protéine Bt (Cry1Ab) présente dans un riz transgénique. Leur étude a donc consisté à chercher cette protéine chez un insecte prédateur de ce riz GM, Cnaphalocrocis medinalis (C. medinalis) puis chez le prédateur de cet insecte, l’araignée Pirata subpiraticus (P. subpiraticus). Cette dernière fut nourrie dans l’expérience à l’aide d’insectes C. medinalis morts ou vivants. Les résultats obtenus montrent que qualitativement, la protéine Cry1Ab est retrouvée à la fois chez l’insecte nourri avec du riz GM et chez son prédateur. Mais les chercheurs précisent que la quantité de protéine retrouvée ne suit pas les périodes d’alimentation ou de prédation. Par ailleurs, que P. subpiraticus se nourrisse d’insectes ayant ou non consommé du riz GM, sa fécondité et durée de vie n’en sont pas affectées alors que la durée de sa période de croissance est plus longue si sa proie a consommé du riz GM. Enfin, sur une durée de trois ans, les chercheurs ont établi que la densité de population de P. subpiraticus n’était pas affectée, ce qui paraît cohérent avec l’observation d’absence d’impact sur sa fécondité et durée de vie.
Ces résultats montrent donc que la protéine Cry1Ab passe du riz à l’insecte qui le consomme et de cet insecte au prédateur. L’absence d’impact de Cry1Ab sur le prédateur est expliqué par l’absence de récepteur spécifique à cette protéine dans l’intestin du prédateur, récepteurs qui sont obligatoires pour permettre l’expression de l’activité toxinique. Les chercheurs émettent même l’hypothèse que l’insecte disposerait très probablement d’enzymes efficaces à le protéger contre la protéine Cry1Ab.
Rappelant les travaux passés sur les thèmes de l’accumulation et des impacts de la protéine Cry1Ab dans l’environnement et les organismes cibles ou non cibles (dont ceux du Pr. Marvier, [71] et du Pr. Lovei, [72]), les scientifiques considèrent qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de lignes directrices claires pour évaluer les effets des plantes Bt sur les insectes non cibles. Selon eux, les résultats qu’ils présentent pourraient servir de base aux agences nationales pour mettre en place de telles évaluations.

Le 3 novembre, le Haut conseil des biotechnologies (HCB) a rendu public son avis sur la définition des filières dites « sans OGM ». Dans les mois à venir, il reviendra au gouvernement de réglementer cet étiquetage. Très attendu, cet avis intervient conformément à l’article 2 de la loi du 25 juin 2008 sur les OGM [73], qui prévoit que les OGM ne peuvent être utilisés que dans le respect « des filières de productions et commerciales ‘avec’ ou ‘sans OGM’ ». Le Haut conseil des biotechnologies est une instance d’évaluation, d’expertise et de concertation, créée en avril 2009. Il est composé de deux entités : un comité scientifique (CS) et un comité économique, éthique et social (CEES). En juin dernier, le gouvernement a saisi le HCB sur la définition du « sans OGM », et c’est le CEES qui s’est penché sur la question. Ce comité estime avoir réussi cet exercice car, comme le précise sa présidente, Christine Noiville, « ce travail imposait d’atteindre un compromis du fait des exigences variées, voire opposées, des différents acteurs ».