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Des chercheurs de l’Université de Lincoln en Nouvelle-Zélande ont publié un rapport basé sur les articles scientifiques publiés et établissant une balance bénéfices risques des biotechnologies pour ce pays [1]. Pour se faire, ils se sont notamment intéressés à trois domaines de l’économie du pays, l’alimentation, l’agriculture et le tourisme et à deux produits issus des biotechnologies, la lactoferrine humaine recombinante et la pomme de terre GM à faible glycémie. Pour cette dernière, les auteurs concluent que son adoption pourrait répondre à une demande des consommateurs sur un marché de la pomme de terre représentant plusieurs milliards de dollars dans le monde. Cependant, les impacts économiques de cette PGM sont encore incertains et, du fait de la façon dont sont perçues les PGM dans les autres pays, le secteur du tourisme en Nouvelle-Zélande subirait des pertes d’environ 90,5 millions d’euros suite à la commercialisation d’une telle PGM comme le montre une étude citée par le rapport [2]. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande pourrait perdre certains marchés d’exportation. Les impacts sur les autres exportations de produits horticoles et agricoles sont encore inconnus. Enfin, selon ces auteurs, d’autres difficultés pourraient se faire jour du fait des risques et incertitudes liés aux PGM.
Pour l’équipe de scientifiques du Pr. Turrini de l’Université de Pise en Italie, les risques liés aux PGM doivent être évalués non seulement au travers du flux de pollen mais également dans l’espace et le temps [3]. Selon cette idée, ces scientifiques ont analysé la persistance dans le sol des produits transgéniques qui peuvent s’y accumuler et y rester « actifs ». S’intéressant plus spécialement à des champignons provoquant une mycorhization arbusculaire (symbiose formée entre des végétaux supérieurs et des champignons du groupe des Glomus présents sur toute la planète), les chercheurs ont montré, sous serre, que les résidus de PGM comme les maïs Bt11 et Bt176 provoquaient une diminution des colonies de ces champignons après 8 à 10 semaines de culture. La diminution provoquée par les résidus de maïs Bt11 au bout de quatre mois est particulièrement marquée. Les chercheurs appellent donc de leurs vœux des études sur le long terme plus poussées pour évaluer les interactions entre les plantes GM et les microorganismes présents dans les sols de culture. Cet appel devrait recevoir d’autant plus d’échos que selon le Pr. Pariske de l’Université Ludwig-Maximilian (LMU) de Munich, la mycorhization arbusculaire "est capitale, voire vitale, pour nombre de plantes" [4].
Au sein de la procédure d’autorisation commerciale des PGM en Europe, le Centre commun de recherche (CCR) a pour fonction de valider les méthodes de détection spécifiques à chaque PGM. Ceci notamment afin d’assurer la traçabilité technique des PGM une fois qu’elles sont sur le marché. Du 24 au 27 juin 2008, 600 scientifiques se sont réunis à Côme (Italie), afin de discuter des analyses de PGM. Certains retours de cette réunion sont porteurs d’informations intéressantes. Ainsi, selon Marco Mazzara de l’Institut de la Santé et de la Protection des Consommateurs dont les propos sont rapportés par le Journal de l’Environnement [5], « la méthode de détection ne peut pas couvrir l’ensemble des matrices [comprendre produits] où les OGM sont susceptibles d’être détectés ». Par ailleurs, si le Protocole de Carthagène a rendu obligatoire aux pays signataires de pouvoir détecter et tracer les PGM, les capacités nationales peuvent ne pas répondre à cette obligation. Ainsi, le représentant du Bangladesh a expliqué que son pays connaissait un manque de moyens et d’expertise pour effectuer ces analyses. Au Cambodge, les premiers retours obtenus par Inf’OGM démontrent une situation similaire puisqu’il est impossible à ce jour pour ce pays, de contrôler la présence ou l’absence de PGM dans les produits importés ou sur son territoire [6].
Par ailleurs, la base de registre officiel du CCR révèle que la méthode de détection spécifique de l’évènement du maïs Mon810 est « en cours de validation ». Inf’OGM essaye depuis le mois de juin d’obtenir confirmation que cette méthode est maintenant validée par le CCR, sans réponse à ce jour. Notons tout de même qu’une méthode de détection de l’évènement Mon810 a été validée dans le cadre de dossiers concernant des PGM hybrides comme le maïs Mon810*NK603 [7].
Au cours de sa réunion du 30 juin au 4 juillet 2008 à Genève, la Commission du Codex Alimentarius a discuté et adopté deux points concernant les PGM [8]. Ainsi, a été adopté un avant-projet d’annexe sur l’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments en cas de présence dans ces derniers d’une faible concentration de matériel végétal à ADN recombiné. Derrière ce titre assez long se trouve une notion assez simple, poussée par les Etats-Unis et qui fut discutée en 2007 lors d’une réunion au Japon comme Inf’OGM l’avait relaté [9] : la mise en place d’un système d’échange d’informations “pertinentes” entre un pays ayant autorisé une PGM et un pays faisant face à une contamination non intentionnelle et à faible taux de cette PGM, dans des produits alimentaires. Emmanuelle Mirales, de la DGCCRF, expliquait alors que l’objectif était bien sûr d’accélérer les procédures d’autorisations exceptionnelles d’un produit contaminé afin de ne pas bloquer les produits à la frontière [10]. L’Union européenne a donc apporté son accord à cette procédure. Même si les règles du Codex Alimentarius ne sont pas contraignantes, la question de la capacité d’un pays à refuser malgré tout un aliment contaminé peut se poser. Ces décisions du Codex rejoignent le travail en cours au sein de la Commission européenne pour la mise en place d’une solution technique afin de tolérer les PGM non autorisées et ayant contaminé des importations. La Commission semble avoir donc anticipé cette décision en recherchant les voies juridiques pour la rendre applicable en Europe.
Fin août, les Emirats Arabes Unis et d’autres membres du Conseil de coopération du Golfe ont décidé de contrôler des aliments contenant des OGM entrant sur leur territoire [11]. La volonté de ces pays est de mettre en place d’ici la fin de l’année un système d’autorisation de mise sur le marché des aliments importés contenant des OGM, basé sur des évaluations de sécurité sanitaire. Des règles d’étiquetage doivent également être mises en place.
N’étant pas adhérents au protocole de Carthagène, ces pays n’avaient pour l’instant aucune obligation en la matière.
Au sein de l’institut de Biologie intégrée de l’ETH de Zurich, l’équipe du Pr. Hilbeck vient de démontrer que les protéines Bt exprimées par les PGM peuvent avoir des effets mortels sur la coccinelle Adalia bipunctata [12]. Pour se faire, les scientifiques ont exposé les insectes à des protéines Cry1Ab et Cry3Bb actives et produites par des microorganismes. Ces protéines sont similaires à celles présentes dans les PGM résistant aux insectes. Leurs résultats montrent que les coccinelles exposées à ces protéines connaissent une plus grande mortalité de leurs larves. Et ce, même à des concentrations aussi faibles que 5 microgrammes / ml. Cependant, aucune différence ne fut observée quant à la durée du développement et le poids général des insectes arrivés au stade adulte. Pour les chercheurs, cette mortalité plus élevée est directement liée aux protéines Bt actives et pose donc la question de leur spécificité d’action. En effet, le Bt est réputé n’agir que sur des lépidoptères, alors que la coccinelle est un coléoptère.
Le 14 août 2008, plusieurs producteurs de céréales et de semences, coopératives, entreprises de transport et de stockage, services de certification et laboratoires de recherche ont fondé l’Association brésilienne des producteurs de céréales sans OGM [13]. Comme le précise le nouvellement élu Président, Cesar Borges de Sousa, de Caramuru Alimentos, « l’Abrange, veut devenir le premier fournisseur mondial de soja sans OGM et éviter que la pénurie d’approvisionnements non-GM pour l’Europe de l’année dernière se reproduise. Le Brésil fournit aux pays de l’UE l’essentiel de leur soja. L’Abrange estime la demande européenne de soja et d’aliments non-GM à environ 20% des importations totales du bloc ».
Enfin, les membres de l’Abrange ont aussi précisé que les produits non-GM doivent être vendus avec majoration, pour couvrir les sur-coûts liés à la ségrégation des filières et aux contrôles additionnels, mais aussi pour motiver les agriculteurs.
Le 20 août 2008, 105 896 signatures contre les OGM ont été remises au Parlement catalan. Ces signatures doivent désormais être validées par l’Institut catalan des statistiques (IDESCAT). Une fois validée, le Parlement aura alors obligation de discuter le projet de loi déposé par la coalition "Som lo que sembrem" ("Nous sommes ce que nous semons") [14], initiatrice de cette procédure. En effet, la loi catalane prévoit qu’à partir de 50 000 signatures récoltées en 120 jours ouvrés et validées, une association peut exiger qu’une loi soit débattue au Parlement. Le projet de loi de « Som lo que sembrem" défend la mise en place d’un moratoire immédiat sur les cultures transgéniques, et d’un étiquetage complet de tous les produits qui ont été élaborés avec des OGM. Il a été déposé au Parlement le 1er février et l’appel à signatures a été lancé le 29 février 2008. Fin juin, le bureau du Parlement a donné un délai supplémentaire de 15 jours pour la récolte de signatures.
Fin août 2008, la Coalition avait à son actif plus de 500 actions, sur tout le territoire catalan. En septembre, la plate-forme va aussi interroger tous les groupes présents au parlement pour connaître en détail leurs positions sur les OGM.
Cette initiative, en vue de faire de la Catalogne une région sans OGM, a commencé mi-2007, sous l’impulsion de l’assemblée des Agriculteurs de Catalogne (Assamblea Pagesa de Catalunya), laquelle a argumenté sa demande notamment sur l’augmentation des contaminations. La plate-forme "Som lo que Sembrem" a été créée officiellement le 2 mars 2008, et réunit des acteurs ruraux et urbains, de toutes les régions de Catalogne. La plate-forme, qui défend une agriculture équitable, saine pour l’environnement et la santé des consommateurs, ne se considère pas comme une organisation écologique, mais comme une coalition pluri-thématique. Elle est composée de plus de 80 organisations et une cinquantaine de personnes.
Contrairement aux régions françaises, le degré d’autonomie de la Catalogne lui permet, à l’instar de la région du Pays Basque espagnol, de légiférer sur un moratoire.
Début septembre, Monsanto a annoncé avoir conclu un accord avec la coopérative Pilot Grove, soupçonnée d’avoir encouragé la pratique de conservation d’une partie des récoltes de plantes brevetées pour les ressemer l’année suivante. En 2004, suite à une dénonciation par coup de fil anonyme, la multinationale a cité à comparaître une centaine d’agriculteurs membres de la coopérative, pour avoir ressemer du soja génétiquement modifié tolérant le Roundup. L’affaire est d’abord partie devant une cour fédérale, avant de se conclure par un accord cet été. Début 2008, l’avocat de Pilot Grove affirmait que « Monsanto fait de son mieux pour rendre l’affaire tellement coûteuse à défendre que la coopérative n’a pas eu d’autre choix que de renoncer », comprendre d’autre choix que de passer un accord, dont les termes doivent rester confidentiels.
On apprend dans le communiqué de presse de Monsanto [15]que Pilot Grove reconnaît avoir violé le brevet sur le soja GM et accepte de réparer le dommage causé à Monsanto : les dommages et intérêts seront destinés à la fondation d’une école agricole et Pilot Grove développera une politique destinée à éviter de futures contrefaçons de brevets. Dans son communiqué, Monsanto fait également parler un membre de Pilot Grove : « Nous sommes heureux d’avoir pu résoudre le problème de manière professionnelle ». On apprend par ailleurs que la coopérative devra acheter 1,1 million de dollars de produits à Monsanto dans les six prochaines années. Il s’agit donc d’un accord gagnant-gagnant… surtout pour Monsanto !
Certaines bactéries du sol échangent de l’ADN avec les plantes afin de faire reproduire par la plante l’ADN qui leur est nécessaire pour se multiplier. A cela rien de nouveau puisque le phénomène est connu depuis bien longtemps et mettant en jeu l’ADN de transfert de la bactérie, nommé ADNt. Mais ce que les chercheurs de l’équipe du Pr. Weisshaar de l’Université de Bielelfeld ont montré est que ces échanges de gènes peuvent également s’effectuer par le biais d’autres voies que celle de l’ADNt [16]. De grands fragments d’ADN contenant des gènes peuvent s’intégrer au génome d’Arabidopsis thaliana (la plante étudiée ici) et environ une plante transgénique sur 250 contiendrait de tels fragments. Pour les scientifiques, « cela comporte des implications sur le transfert horizontal de gènes et met en avant le besoin d’une meilleure étude des plantes transgéniques, en vue d’y rechercher de l’ADN bactérien non désiré ».
Le Comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies verra ses membres nommés sous peu. Ce comité, prévu par l’article 3 de la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008, remplacera l’ancienne Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) et la Commission du Génie Génétique (CGG). L’appel à candidatures d’experts pour participer à ce comité est disponible sur le site interministériel sur les OGM [17]. Les candidatures peuvent être envoyées jusqu’au 10 octobre et devront contenir un Curriculum Vitae détaillé ainsi qu’une déclaration d’intérêt. Le haut Conseil sera composé de deux comités : un comité dit scientifique composé d’experts « aux compétences reconnues dans le domaine des biotechnologies » et un comité dit éthique, économique et social, composé de « représentants de la société civile (associations, organismes professionnels, parlementaires…) ». Pour ce deuxième comité, aucun appel à candidatures n’a encore été publié sur ce même site interministériel, comme si l’évaluation scientifique devait continuer de dominer.
Le 4 septembre 2008 a été rendu le délibéré dans l’affaire du fauchage de deux parcelles de maïs GM, fin juillet 2006, dont l’une était destinée à la commercialisation (St Hilaire, commune d’Ox) et l’autre cultivée à titre expérimentale pour le compte de Pioneer (Daux). Cette affaire concernait 41 faucheurs volontaires. Lors de la première comparution, le 5 juin 2008, le procureur, Michel Bometon, avait demandé une peine de 180 jours-amende à 100 euros par jour contre quatre Faucheurs récidivistes, dont José Bové, deux mois de prison avec sursis contre trois faucheurs et un mois avec sursis contre les 34 autres prévenus [18].
Au final, le tribunal a suivi le procureur en condamnant José Bové à 180 jours-amende à 100 euros par jour. Quatre faucheurs sont condamnés à 120 jours-amende, du même montant. Quant aux autres prévenus, les peines sont de un ou de deux mois de prison avec sursis.
Par ailleurs, ce même tribunal a condamné les prévenus à verser à l’agriculteur, dont la parcelle avait été fauchée, 13 234 euros pour le préjudice matériel, 1 944 euros pour remise en état du champ et 2 000 euros pour le préjudice moral, et à Pioneer, 2 892 euros pour le préjudice matériel et 1 000 euros pour le préjudice moral.
Moins de deux mois après l’absence de majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres européens de l’agriculture [19], la Commission européenne a autorisé le 8 septembre un soja GM de la société Bayer : le soja A2704-12, génétiquement modifié pour tolérer un herbicide. Ce soja est désormais autorisé à l’importation, dans l’alimentation animale et humaine. Il est actuellement autorisé aux Etats-Unis, au Canada, et au Japon (culture et alimentation), en Afrique du Sud, en Autralie et au Mexique (alimentation seulement).
Le 9 septembre 2008, le tribunal correctionnel de Poitiers a relaxé Jacques Pasquier, secrétaire national de la Confédération paysanne, poursuivi pour avoir refusé de se soumettre à un test ADN, lors de sa convocation à la gendarmerie, suite à un fauchage de PGM. Le tribunal a fait référence à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dans son jugement : « La mesure à l’encontre de Monsieur Pasquier apparaît porter atteinte au principe européen de proportionnalité à la gravité des faits commis ». Il s’agit du huitième cas de relaxe pour un tel refus de fichage génétique. Le parquet a néanmoins décidé de faire appel.
La Californie est sur le point de mettre en place une protection des agriculteurs contre l’attitude agressive de certaines entreprises détentrices de brevets sur les PGM [20]. Ainsi, une loi adoptée par le Sénat californien, et en passe d’être promulguée, encadre les méthodes de prélèvement d’échantillons par les entreprises, et rappelle les conditions dans lesquelles un agriculteur est un contrefacteur de brevet. Cette loi prévoit des protocoles très précis pour les détenteurs de brevets (Monsanto et autres) qui voudraient savoir s’il y a contrefaçon dans un champ : le détenteur du brevet devra obtenir l’autorisation écrite du fermier de pénétrer dans le champ, et si ce dernier refuse, l’entreprise devra demander l’autorisation à la cour supérieure du Comté. La loi rappelle fermement qu’un fermier ne peut être reconnu contrefacteur de brevet de PGM quand le fermier n’a pas acquis la semence en connaissance de cause, quand il agit de bonne foi, ou quand la PGM est détectée à des niveaux insignifiants.
Mais les objectifs de la loi ont été très largement revus à la baisse depuis l’introduction de la proposition par le parlementaire Huffman début 2007. La première version instaurait en effet la responsabilité des entreprises agro-semencières en cas de contamination de cultures conventionnelles et biologiques [21]. Ce qui a entraîné une levée de bouclier décomplexée du côté pro-OGM ! En effet, le principe de la responsabilité en cas de contaminations apparaît normal en Europe, mais ne semble pas couramment accepté aux Etats-Unis [22]. Le projet initial interdisait également les essais en champ de plantes GM destinées à la production de médicaments et cet aspect a, lui aussi, été abandonné.
Au 26 octobre 2007, on répertoriait 112 poursuites de Monsanto contre des agriculteurs états-uniens pour violation d’accords ou de brevets. Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité de l’action de Monsanto contre les fermiers américains, comme le rappelle une juge dans le cas Monsanto contre MacFarling : « la grande majorité des affaires engagées par Monsanto contre les fermiers est réglée avant que n’ait lieu de litige plus important » [23] et comme l’admet Monsanto elle-même [24].
Le 17 septembre 2008, le tribunal de Carcassonne, dans son délibéré, a relaxé cinq militants – dont José Bové et Arnaud Apoteker (Greenpeace) - poursuivis pour « entrave à l’exercice de la liberté du travail de manière concertée, et avec voies de fait et dégradations », suite à « une inspection citoyenne » dans une usine de Monsanto, à Trèbes (Aude), le 13 avril 2006.
Le 2 juillet, au cours de l’audience, alors qu’il y avait initialement cinq prévenus, 25 autres militants se sont portés « comparants volontaires » et ont obtenu le droit d’être jugés. Le procureur de la République, Francis Battut, avait requis à l’encontre des 30 prévenus une amende de 3.000 euros, « dont une grande partie avec sursis ». De fait, il avait estimé qu’invoquer la liberté des militants anti-OGM « est respectable, mais il y a d’autres libertés. Toutes les libertés doivent être protégées. La liberté du travail, c’est quelque chose d’essentiel ». Quant à l’avocat de Monsanto, il avait estimé les dommages à plus de 10 000 euros et avait donc réclamé 20 000 euros de dommages et intérêts et 10 000 euros de frais de procédure. Les inculpés dénoncent cette analyse, précisant qu’aucune dégradation n’avait été commise, puisqu’ils n’ont fait qu’escalader les grilles de l’usine.
A l’issue du procès, José Bové a exprimé sa satisfaction considérant que l’accusation portée « avait un caractère dangereux, car si le tribunal avait donné suite c’est tout le mouvement social qui se retrouvait dans une situation extrêmement difficile ». Et, à l’inverse, Monsanto a fait part de « son incompréhension et son exaspération », estimant que les faits jugés étaient « particulièrement violents et clairement délictueux ».
A l’issu du Grenelle de l’Environnement, le gouvernement s’est engagé entre autres, dans la conclusion de la partie "4.1 Renforcer la recherche autour des biotechnologies et des OGM", à organiser "un « sommet international ou européen du gène » en consolidant une politique nationale de connaissance et de préservation de la diversité génétique" [25].
Six apiculteurs habitant près de Kaisheim, à côté de Berlin, ont déménagé leurs ruches dans la ville de Munich afin d’éloigner leurs abeilles des cultures de maïs transgénique [26]. Suite à leur dépôt de plainte contre les cultures de PGM à cause des risques qu’elles représentent pour l’apiculture, la justice allemande [27] avait répondu que les cultures GM étant légales, c’était aux apiculteurs de déménager leurs ruches, tout en précisant que les apiculteurs avaient la possibilité de de poursuivre le gouvernement pour d’éventuels dommages et pertes. Ce que ces derniers ont donc fait. Pour Karl Heinz Bablok, un des apiculteurs, « il est bien connu que les abeilles vivent à 90% dans un périmètre de trois kilomètres [autour de leur ruche] mais elles peuvent voler jusqu’à 10 kilomètres sans problème. Nous sommes heureux que la ville de Munich ait accordé l’asile à nos abeilles ». Le Directeur du syndicat d’apiculteurs Millifera, Thomas Radetzki, explique que les ruches sont déménagées partout en Allemagne mais que dans la région de Berlin, « il est quasiment impossible d’échapper aux cultures GM. Ces cultures sont partout et les abeilles leur font face à un moment ou à un autre ». Le problème pour les abeilles n’est pas limité aux PGM puisque, selon Peter Rozenkranz, entomologiste à l’Université de Stuttgart, les monocultures et l’utilisation intensive de pesticides obligent les abeilles à chercher refuge dans les villes, où parcs, jardins, fleurs des balcons représentent un lieu de vie moins agressif. La monoculture provoque une famine chez les abeilles puisque passée la floraison des cultures pratiquées, plus aucune fleur n’est présente pour les nourrir. Et selon P. Rozenkranz, « pratiquement tous les insecticides et pesticides sont mortels pour les abeilles ».
A l’occasion d’une conférence organisée par Slow Food, à Waterford, les ministres de l’Agriculture de la République d’Irlande et de l’Irlande du Nord (qui dépend du Royaume Uni) ont tous deux confirmé qu’ils souhaitent déclarer l’île dans son intégralité « zone sans OGM » [28]. Précédemment, un souhait similaire avait été émis par les Assemblées d’Ecosse et du Pays de Galles.
Afin de maintenir une cohérence, la question de l’importation d’aliments pour bétail, qui représente la grande majorité des débouchés pour les cultures transgéniques, a été évoquée. Il a été rappelé que la production de soja, GM ou non d’ailleurs, pour l’alimentation du bétail européen, a causé la destruction de 21 millions d’hectares de forêt au Brésil, 14 en Argentine et deux au Paraguay. Les ministres ont mis en exergue le besoin pour l’Irlande d’assurer son approvisionnement "sans avoir recours aux importations néfastes à l’environnement". C’est aussi la seule garantie d’être « sans OGM », comme l’a expliqué le ministre irlandais, Trevor Sargent. Il a aussi dénoncé la propagande de l’industrie qui, via the Irish Grain and Feed Association (Association irlandaise des Céréales et de l’Alimentation du Bétail), The Irish Agriculture and Food Development Authority (Teagasc, Autorité irlandaise pour le Développement de l’Alimentation et de l’Agriculture) et the Irish Farmers Journal, affirment qu’il est extrêmement difficile d’avoir un approvisionnement en fourrage non GM.
La Pologne est traditionnellement connue pour son opposition marquée face à l’entrée des OGM, tant au niveau de la population que du gouvernement. Mais aujourd’hui, il semble que cette position s’effrite face à la pression européenne, à l’ouverture des marchés et au lobbying de certains groupes. L’application de la loi et ses modifications témoignent de cette tendance [29]
Aujourd’hui, en Pologne, trois textes sont applicables sur les OGM :
la loi du 22 juin 2001 sur la culture des OGM ;
la loi du 27 avril 2006 sur les semences ;
le règlement polonais du 22 juillet 2006 sur l’alimentation animale.
La loi de 2001 sur la culture est sur le point d’être modifiée et en ce sens, la Pologne avait présenté en 2007 un projet de loi à la Commission européenne. Ce projet de loi interdisait notamment les cultures commerciales de PGM, sauf dans des zones prédéterminées en concertation avec les collectivités locales.
Depuis 2007, la Commission européenne a refusé de « valider » ce projet, malgré le recours introduit par la Pologne contre cette décision [30]. La Pologne a donc rédigé un nouveau projet de loi, qui reste encore très sévère sur la culture. Il prévoit que :
la culture des PGM est autorisée, sauf dans des « zones sans OGM » décidées par les autorités locales ;
des distances d’isolement seront déterminées ;
le voisin a la possibilité de s’opposer à l’implantation d’une culture ;
toute culture doit être notifiée au ministère ;
des plans de contrôle très stricts seront mis en place.
Jusqu’au 22 août dernier, ce projet de texte était soumis à consultation publique. Selon le ministre de l’Environnement, le projet de loi est une tentative de conciliation de la législation libérale de l’UE avec le scepticisme polonais à l’égard des OGM.
Les animaux mangeront des PGM… jusqu’en 2012
D’autre part, en 2006, un règlement a été voté qui entend bloquer les importations d’aliments GM pour les animaux, en particulier le soja GM fourni par Cargill (article 65). La mesure devait entrer en vigueur en août 2008, donnant ainsi deux ans aux producteurs de porcs et de poulets pour se réorganiser. Mais d’après Pavel Polanecki, responsable des questions juridiques au sein de la coalition « Pologne sans OGM », les producteurs de PGM ont complètement ignoré cette mesure, et rien n’a été fait pour mettre en place des mesures alternatives. Finalement suite à des pressions des producteurs de porcs et de volailles (argumentées par l’augmentation des coûts induits par cette obligation), le gouvernement polonais a reculé et a repoussé l’entrée en vigueur de la mesure à 2012.
Enfin, une loi polonaise interdit de mettre sur le marché des semences GM. Mais depuis 2007, on dénombre des cultures de maïs Mon810 dans le pays : 300 ha en 2007 et 3000 ha en 2008... L’interdiction de la commercialisation des semences est donc aujourd’hui largement contournée... (cf. brève ci-dessous).
Malgré une interdiction nationale, des agriculteurs polonais ont « acheté » des semences de maïs transgéniques et les ont semées. Selon l’organisation polonaise des producteurs de maïs [31], il y aurait eu 320 hectares de maïs GM cultivés en 2007 et 3000 hectares cette année, soit une multiplication par 10 des cultures illégales. Cité dans le journal Rzeczpospolita [32], R. Gabarkiewicz, directeur de GBE Pologne – Green Biotechnology in Europe - qui représente en Pologne, entre autre, Monsanto, BASF, Bayer et Pioneer, précise qu’en Pologne les lois sont moins restrictives qu’en Allemagne, ce qui explique que les Polonais vont bientôt dépasser les Allemands en termes de superficie consacrée aux plantes transgéniques. Moins restrictives ? Mais quoi de plus stricte qu’une interdiction ? [33] Ce partisan des biotechnologies végétales affirme également qu’il est juste interdit de vendre les semences sur le territoire national, mais qu’il est légal de faire de la publicité pour le maïs GM Mon810 en Pologne. Les entreprises donnent donc les coordonnées des revendeurs en Allemagne, République tchèque ou encore Slovaquie, trois pays frontaliers avec la Pologne. Et sur le site de Monsanto Pologne, on trouve des informations techniques et pratiques, pour aider les agriculteurs à cultiver du maïs GM [34].
De même, comme l’affirme Adam Koryzna, président de la Coalition pour une agriculture moderne (en polonais : Koalicji na rzecz Nowoczesnego Rolnictwa), sans législation adéquate, chaque agriculteur est libre de faire ce qu’il souhaite, tant qu’il agit en "catimini". Ce dernier a d’ailleurs aussi avoué avoir cultivé depuis plusieurs années du maïs GM, dans la région d’Opole, mais précise aussitôt que sa récolte n’a pas été vendue mais utilisée en auto-consommation pour son bétail.
Les services étatiques ne prennent aucune disposition à l’encontre de ces agriculteurs, bien que ces cultures soient illégales, puisque non déclarées, contrairement à ce qu’exige la loi de 2001.
En Suède, les normes de coexistence des cultures GM et non GM sont applicables depuis le 1er septembre, pour la culture du maïs et de la pomme de terre [35]. Pour l’instant, en Europe, seul le maïs GM Mon810 est cultivé, mais la pomme de terre Amflora de BASF risque d’être bientôt autorisée à la culture [36].
Sur l’ information des agriculteurs, l’intention de planter des PGM doit être communiquée aux agriculteurs qui ont des terres dans un rayon de 100 m, au plus tard le 1er novembre précédant les semis. Lorsque des pommes de terre GM auront été cultivées sur un champ, l’agriculteur devra en informer le futur agriculteur ou propriétaire, si cette culture a eu lieu l’année précédant la cession.
Sur les distances d’isolement, elles sont de 50 mètres entre le maïs GM et les autres maïs (rien de particulier pour les cultures biologiques ou labellisées) et de 3 mètres entre les pommes de terre GM et les autres. Il est possible pour un agriculteur qui cultive des PGM de s’accorder avec son voisin sur le non-respect des distances mais si l’agriculteur conventionnel est contaminé à quelque taux que ce soit (même en dessous de 0,9%), il devra étiqueter son produit car la contamination ne pourra être considérée comme fortuite ou techniquement inévitable. En effet, la législation communautaire oblige à étiqueter un produit à partir de 0,9% de présence d’OGM fortuite ou techniquement inévitable. Donc si la contamination n’est pas fortuite ou techniquement inévitable, le produit doit être étiqueté quelque soit la proportion détectée.
Actuellement en Suède, il n’y a aucune culture commerciale de PGM.
En Suisse, l’Office Fédéral de l’Environnement s’est intéressé aux méthodes de détection des effets inattendus des PGM sur l’environnement. Et sa conclusion est assez claire : « Lorsqu’il s’agit de repérer l’apparition d’effets anticipés concernant un OGM, certains indicateurs peuvent être bien définis à dessein. Par contre, déceler des effets non attendus est beaucoup plus complexe », selon Georg Karlaganis, chef de la Division biotechnologie à l’OFEV. Voici donc un élément de réponse à ce qui pourrait ressortir des discussions du groupe ad-hoc européen initié par la France et qui doit réfléchir notamment aux effets sur le long terme des PGM. Dans le détail, Olivier Sanvido de l’Agroscope Reckenholz-Tänikon a pris le maïs Bt comme sujet d’étude, et il conclut : « la surveillance après la mise sur le marché est exigeante et ne lèvera souvent pas l’ambiguïté. En premier, il faut trouver des indicateurs biologiques précis qui permettent de révéler des modifications de l’environnement. Cela est difficile par nature car ces indicateurs sont eux-mêmes sujets à de grandes variations, et certains ne sont décelables qu’après beaucoup de temps. Ce type de surveillance pourrait donc exiger de très grands moyens en temps, en ressources humaines et en finances, sans pour autant livrer des données sans ambiguïté au législateur ». Voila donc qui clarifie un des pans de ce qui reste à améliorer si les législateurs européens prétendent effectivement permettre l’introduction des PGM tout en contrôlant les effets sur l’environnement à long terme. Mais cette surveillance, qui coûtera donc cher, est obligatoire car résultant de l’application du principe de précaution inscrit dans la loi. Ce coût devrait donc logiquement être intégré à la réflexion sur le bien-fondé de l’utilisation des PGM au regard des coûts et risques engendrés.
La Déclaration de Berne (DB), une ONG suisse, et le Centre Africain pour la biosécurité, une ONG sud-africaine, ont déposé conjointement un recours [37] contre deux brevets accordés à l’entreprise allemande Schwabe auprès de l’Office européen des brevets (OEB) : l’un concerne la méthode d’extraction de la substance active et l’autre le droit exclusif d’utilisation du pélargonium contre le sida. Schwabe a développé un médicament contre la bronchite, nommé umckaloabo®, grâce au pélargonium du Cap (une espèce de géranium sud-africaine). Or, des extraits de ces plantes sont utilisés en Europe depuis plus de 100 ans. Selon le site SwissInfo.com [38], « l’umckaloabo® est autorisé en Suisse depuis 2007. Selon l’ONG Déclaration de Berne, le produit des ventes s’est monté à environ 6 millions de francs en Suisse et environ 40 millions en Allemagne ». Ainsi, la communauté de la ville d’Alice, en Afrique du sud, via le Centre Africain pour la biosécurité, conteste l’octroi de ces brevets : « La population a accès à ces plantes depuis des temps immémoriaux ; elle utilise les racines pour traiter différentes affections de manière traditionnelle, tant chez les humains que les animaux », a déclaré Miriam Mayet, directrice de l’ONG, ajoutant que désormais cette plante était surexploitée. Ce recours est aussi soutenu par le professeur Fritz Dolder, spécialiste du droit des brevets à l’Université de Bâle (Suisse), qui soutient qu’il n’existe aucune base pour établir un brevet sur l’extraction, étant donné que ce processus n’est ni nouveau ni innovant. Quant à l’utilisation de pélargoniums contre le sida, il ajoute que ceci ne pourrait faire l’objet d’un monopole, car ces plantes ont déjà été utilisées de manière traditionnelle pour le traitement de maladies en relation avec le sida. Bien entendu, l’entreprise se défend et Traugott Ullrich, directeur du marketing et des ventes auprès de Spitzner Pharmaceuticals – une filiale de Dr Willmar Schwabe, a précisé à SwissInfo que « l’utilisation d’extraits de pélargoniums n’a pas seulement une longue tradition en Afrique, mais aussi en Europe, où ils sont utilisés dans le domaine médical depuis plus de 100 ans. Après 50 à 60 ans d’utilisation dans toute l’Europe pour différentes préparations, nous avons acheté le produit et l’avons développé plus avant. [...] Nous disposons désormais d’une procédure d’extraction très complexe et très sophistiquée qui a été développée grâce à nos recherches et à nos investissements ; cette procédure ne peut pas être comparée à d’autres méthodes ».
Third World Network, une ONG internationale, a découvert récemment un autre cas de biopiraterie : « Des pays comme l’Indonésie, la Thaïlande ou le Viêt-nam ont remis de bonne foi des virus de la grippe aviaire à l’Organisation mondiale de la santé pour permettre le développement de vaccins. Mais ces virus se sont retrouvés chez des multinationales pharmaceutiques qui ont déposé des brevets sur ces ressources génétiques, sans même en informer les pays donateurs. Le partage des bénéfices, pourtant prescrit par la Convention sur la biodiversité, n’a jamais eu lieu ».
« Je crois que le moyen pour vaincre la pauvreté, c’est d’acquérir la bonne technologie en matière d’agriculture, sur laquelle est basée notre économie », a déclaré le ministre kenyan de l’Agriculture, William Ruto, à quelques semaines de l’examen de la loi sur la biosécurité qui autorisera la culture des OGM.
L’examen de cette loi aurait dû avoir lieu en 2007, mais a été repoussé à 2008 suite à des problèmes de politique interne [39]. Le Réseau kenyan pour une agriculture biologique dénonce le défaut de participation du public au processus d’élaboration de la loi, en dépit du Protocole de Carthagène, le défaut de prise en compte du principe de précaution, de l’étiquetage et de la traçabilité, de même que l’absence de responsabilité en cas de contamination.
Depuis qu’une loi a abaissé le nombre de voix nécessaires à un avis positif au sein de la CTNBio, commission scientifique consultative brésilienne [40], le Brésil autorise les OGM à tour de bras !
En 2008 [41], le maïs T25 de Bayer (tolérant le glufosinate d’ammonium - herbicide) et le maïs MON810 de Monsanto (qui produit un insecticide) ont été autorisés pour la commercialisation et la culture [42]. Dernièrement, le 20 juin, c’est le maïs Bt11 de Syngenta (qui produit un insecticide) qui a été autorisé pour la culture et la commercialisation.
D’autre part, en août et en septembre, la CTNBio, qui se prononce sur les évaluations des OGM, a donné un avis favorable pour l’autorisation pour deux maïs tolérant le glyphosate : le Roudup Ready 2 de Monsanto et le GA21 de Syngenta, et un coton tolérant le glyphosate de Bayer.
En 2007, c’était le coton GM de Monsanto (produisant un insecticide) qui était autorisé suite à des plantations illégales. La culture du soja GM avait été légalisée à partir de 2004 de la même manière.
Le pays a décidé d’encourager la culture du maïs génétiquement « amélioré » pour surmonter la crise de productivité du maïs. « La biotechnologie est un des outils qui permettent aux agriculteurs d’être plus compétitifs, d’augmenter la productivité, de diminuer les coûts de production, et de protéger l’environnement en réduisant l’usage des pesticides ». C’est ce qu’a déclaré le ministre de l’Agriculture du Honduras, Héctor Hérnandez, le même qui parlait l’année dernière d’une possible interdiction de l’importation et de la culture des OGM. Un revirement pour le moins radical !
Des scientifiques de l’Université nationale autonome du Mexique ont conduit des analyses sur des produits contenant du riz et vendus dans des magasins au Mexique et aux Etats-Unis, afin de détecter la présence ou non d’évènements transgéniques [43]. Leurs résultats sont éloquents : 49% des échantillons de produits « mexicains » et 35% des échantillons de produits « états-uniens » contenaient le promoteur CaMV 35S, généralement marque de la présence d’évènement transgénique. Pour les magasins mexicains, 14 des 16 produits impliqués étaient étiquetés comme provenant des Etats-Unis. Selon les chercheurs, le riz transgénique présent est de type Liberty Link, et majoritairement du riz LL601 – riz ayant été la cause d’une vaste contamination des stocks de riz aux Etats-Unis. Du riz LL62 est également présent. Par contre, aucun riz Bt63, riz chinois à l’origine de contaminations récentes [44], n’a été détecté. Ces riz GM ne sont pas autorisés à la culture au Mexique, ce qui, pour les auteurs de l’article, devrait donc conduire les autorités à mener plus d’enquêtes sur leur origine. Au Mexique, seul le riz LL62 est autorisé à l’alimentation humaine et animale, et depuis 2007 seulement.
La cour fédérale de Saint Louis a statué négativement sur la demande de plusieurs agriculteurs de constituer une action de groupe contre Bayer, suite aux contaminations des productions de riz par des riz LL de cette entreprise [45]. Selon la juge Catherine Perry, bien que Bayer soit responsable de la chute des prix et que les dommages subis pas les agriculteurs de plusieurs états soient tous financiers, les causes avancées sont trop différentes les unes des autres pour pouvoir faire valoir ce droit à une action collective, arguant que « certains plaignants expliquent avoir dû mettre en place des cultures alternatives avec des variétés ayant de moins bons rendements, d’autres expliquent avoir été incapables d’obtenir des semences de riz du fait du moratoire et ont donc cultivé d’autres plantes ». L’origine de la plainte est le préjudice économique subi par de nombreux agriculteurs du fait de la contamination de leurs productions de riz par un riz expérimental LL de Bayer [46]. Ces préjudices économiques sont notamment liés aux interdictions d’importation de riz états-unien que plusieurs pays, dont ceux de l’UE, ont pris pour ne pas risquer l’entrée de ce riz non évalué et non autorisé chez eux. En conséquence, le cours du riz avait chuté. En 2007, Greenpeace avait de son côté évalué à environ 800 millions d’euros les pertes des producteurs états-uniens. A ce stade, les agriculteurs disposent encore de recours possible, comme faire appel de cette décision. Mais le constat est là : pour l’instant, suite à la contamination de la production de riz par son riz expérimental, l’entreprise Bayer n’a pas encore eu à répondre devant la justice. En effet, avant cette présente décision, le gouvernement états-unien avait refusé de poursuivre l’entreprise du fait de l’impossibilité d’établir l’origine de la contamination [47].
La cour d’appel fédérale de San Francisco vient de confirmer que l’interdiction nationale de mise en culture de luzerne tolérante au Roundup commercialisée par Monsanto, émise le 30 mars 2007 par un précédent juge fédéral, restait en vigueur tant que le gouvernement n’aurait pas établi si la dissémination de cette PGM comportait un risque de contamination des autres cultures de luzerne non GM [48]. La plainte initiale avait été déposée par un groupe de cultivateurs de luzerne qui craignaient la contamination de leurs cultures. L’autorisation de mise en culture avait été accordée par le ministère états-unien de l’Agriculture en 2005, le ministère considérant que les zones tampons autour des cultures suffiraient à protéger les cultures environnantes de toute contamination. C’est ce point que le premier juge fédéral de San Francisco avait contesté, considérant que le ministère n’avait pas conduit les études suffisantes pour évaluer les impacts sur la santé et l’environnement. Les trois juges de la cour d’appel ont donc confirmé cette vision des choses indiquant d’ailleurs que Monsanto et le gouvernement ont reconnu cette lacune dans l’évaluation préalable à l’autorisation [49].
La Californie est sur le point de mettre en place une protection des agriculteurs contre l’attitude agressive de certaines entreprises détentrices de brevets sur les PGM [50]. Ainsi, une loi adoptée par le Sénat californien, et en passe d’être promulguée, encadre les méthodes de prélèvement d’échantillons par les entreprises, et rappelle les conditions dans lesquelles un agriculteur est un contrefacteur de brevet. Cette loi prévoit des protocoles très précis pour les détenteurs de brevets (Monsanto et autres) qui voudraient savoir s’il y a contrefaçon dans un champ : le détenteur du brevet devra obtenir l’autorisation écrite du fermier de pénétrer dans le champ, et si ce dernier refuse, l’entreprise devra demander l’autorisation à la cour supérieure du Comté. La loi rappelle fermement qu’un fermier ne peut être reconnu contrefacteur de brevet de PGM quand le fermier n’a pas acquis la semence en connaissance de cause, quand il agit de bonne foi, ou quand la PGM est détectée à des niveaux insignifiants.
Mais les objectifs de la loi ont été très largement revus à la baisse depuis l’introduction de la proposition par le parlementaire Huffman début 2007. La première version instaurait en effet la responsabilité des entreprises agro-semencières en cas de contamination de cultures conventionnelles et biologiques [51]. Ce qui a entraîné une levée de bouclier décomplexée du côté pro-OGM ! En effet, le principe de la responsabilité en cas de contaminations apparaît normal en Europe, mais ne semble pas couramment accepté aux Etats-Unis [52]. Le projet initial interdisait également les essais en champ de plantes GM destinées à la production de médicaments et cet aspect a, lui aussi, été abandonné.
Au 26 octobre 2007, on répertoriait 112 poursuites de Monsanto contre des agriculteurs états-uniens pour violation d’accords ou de brevets. Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité de l’action de Monsanto contre les fermiers américains, comme le rappelle une juge dans le cas Monsanto contre MacFarling : « la grande majorité des affaires engagées par Monsanto contre les fermiers est réglée avant que n’ait lieu de litige plus important » [53] et comme l’admet Monsanto elle-même [54].
L’herbe dénommée Amarante réfléchie (Amarantus retroflexus L.) fait encore parler d’elle aux Etats-Unis pour sa résistance au glyphosate. Du fait du nombre de graines produites et de sa rapidité de croissance, cette plante est redoutée des producteurs de soja et de coton et la situation est telle à ce jour que certains agriculteurs du comté de Calhoun expliquent « nous n’avons pas encore abandonné nos fermes comme ils l’ont fait en Géorgie et nous ne voulons pas en arriver là » [55]. Mais pour cela, seuls les traitements chimiques les plus agressifs et chers semblent efficaces contre cette plante. Pour certains agriculteurs, l’utilisation quasi-exclusive de glyphosate et de coton tolérant au RoundUp a conduit à l’apparition et la propagation de cette amarante résistante. L’amarante résistante a été repérée pour la première fois au début des années 2000, dans des champs de coton et de soja transgéniques, selon les états [56] tout comme d’autres mauvaises herbes comme les herbes à poux géantes [57]. Mais depuis cette époque, aucune étude n’a essayé d’établir l’origine de cette résistance. Seules des pistes sont données, à l’image de celles énoncées par Dick Oliver de l’Université d’Arkansas : « Comment avons-nous obtenu des mauvaises herbes qui voici 15 ans n’étaient pas un problème ? Nous avons pulvérisé du RoundUp et ça les a tuées. Puis, soudainement, elles sont devenues résistantes. Dans le même temps, nous avons cessé les pratiques de labour » [58]. Pour connaître plus précisément l’origine de cette résistance qui se répand, il ne faudra plus compter en tout cas sur les chiffres officiels d’utilisation des pesticides puisque le gouvernement des Etats-Unis vient de réduire le budget du Ministère de l’agriculture. Ce dernier ne conduira donc plus son programme de suivi de l’utilisation de ces produits agricoles [59].
Selon une lettre adressée par Monsanto aux producteurs états-uniens de maïs et de soja, le prix de vente du Roundup va augmenter [60]. Et la première raison avancée par l’entreprise est la hausse de la demande commerciale pour ce produit, demande supérieure à l’offre actuelle. Un journaliste états-uniens, Alan Guebert, note d’ailleurs que sur les trois premiers trimestres de l’année fiscale 2007, les ventes de Roundup et autres produits de Monsanto à base de glyphosate ont augmenté de 840 millions d’euros – soit 63% - alors même que le volume de vente n’avait augmenté que de 8% jusque mai 2008. Ces augmentations de prix devraient également être effectuées sur les semences de maïs de l’entreprise en 2009 avec une hausse annoncée de 35%, Monsanto justifiant cette augmentation par les meilleurs rendements de son maïs hybride à trois évènements transgéniques. Même si d’autres entreprises vendent du désherbant à base de glyphosate moins cher que le Roundup, depuis que Monsanto a perdu son brevet en 2000, rappelons que les agriculteurs qui sèment des semences de Monsanto tolérantes au glyphosate s’engagent par contrat à n’utiliser que du Roundup de Monsanto. Belle démonstration que le brevet entrave le commerce ! In fine, la promesse de meilleurs rendements grâce aux PGM concerne donc surtout des profits pour l’entreprise et non pour les agriculteurs, argument pourtant couramment avancé. Selon le quotidien anglais, The Guardian, "le quasi-monopole de Monsanto sur les ventes de semences de soja transgénique, de coton et de maïs lui a apporté des bénéfices records tout en ne l’empêchant pas de pratiquer ces augmentations de prix sur maïs et soja à hauteur de 35%. Face à cela, des demandes d’enquêtes sur les pratiques de Monsanto ont été déposées par des groupes d’intérêt d’agriculteurs et de citoyens [61].
Le gouvernement chinois a décidé d’investir plus de deux milliards d’euros dans la recherche et le développement des PGM en Chine [62]. La motivation principale affichée est de « rattraper » son retard dans la course à l’identification et le brevetage des gènes « de grande valeur » selon Huang Dafang, ancien directeur de l’Institut de Recherche sur les biotechnologies. Les plantes concernées par cet investissement sont encore en cours de listage mais l’argumentaire est déjà en place : il s’agit ni plus ni moins de résoudre les problèmes d’accès à l’alimentation des chinois. Notons que la Chine a déjà de nombreux projets de modification génétique sur le riz. L’Europe est d’ailleurs bien placée pour le savoir puisque depuis 2006, des contaminations de stocks de riz importés par un riz GM chinois appelé Bt63 sont régulièrement détectées, témoignant en partie de l’incapacité des autorités chinoises à contenir ce riz qui n’existe pour l’instant qu’au stade expérimental en Chine. Dernières contaminations officielles dans l’UE, rien que pour le mois d’août : au Pays-Bas et au Royaume-Uni [63].
Greenpeace mène une campagne mobilisant les restaurants philippins pour n’utiliser que du riz non OGM [64]. Lancée le 27 août 2008, cette campagne a déjà reçu l’engagement du restaurant Fish and Co appartenant à la chaîne Bistro Group. Pour Lisa Ronquillo, Directrice marketing de Bistro Group, "il est de notre responsabilité d’assurer que nous ne servons que du riz cultivé naturellement et sain", tout en reconnaissant que "s’investir dans le « vert » est assez compliqué, peu de gens comprenant les problèmes" [65]. La chaîne a donc prévu d’instaurer des sessions de formations pour ses employés et ses invités. Par ailleurs, des affiches de la campagne de Greenpeace "J’aime mon riz sans OGM" seront installées dans les 27 restaurants de la chaîne et des brochures d’informations seront distribuées.
Le premier ministre de l’Etat de l’Australie de l’Ouest (Western Australia, WA), M. Carpentier, a promis, début septembre, cinq millions de dollars australiens (soit 2,82 millions d’euros) pour aider à promouvoir cet Etat comme « une zone sans OGM » [66], afin de ne "pas voir les 10 milliards de dollars liés à l’agro-industrie dans cet Etat menacés par les OGM". Deux millions serviront pour aider le marché « sans OGM », deux millions pour la recherche végétale et un million pour la détection des OGM dans les produits. M. Carpentier a dénoncé en même temps la volonté des libéraux d’autoriser les cultures transgéniques, ce qui a été démenti par le leader de l’opposition, Colin Barnett.
Par ailleurs, en Tasmanie, un comité, regroupant tous les partis politiques du gouvernement de l’Etat, vient de rendre un rapport qui recommande que l’interdiction de la dissémination dans l’environnement des plantes transgéniques soit prolongée de cinq ans. Pour le directeur de Gene Ethics, Bob Phelps, la prolongation du moratoire en Tasmanie isolera encore plus les Etats de Victoria et du New South Wales (NSW), qui viennent d’autoriser la culture commerciale du colza transgénique, en 2008. Le rapport recommande aussi des évaluations scientifiques indépendantes sur les impacts des OGM sur la santé humaine, la garantie d’une surveillance nationale du territoire par le gouvernement fédéral, l’application des mêmes normes que dans le cadre de l’évaluation des médicaments par la Food Standards Australia (organe de régulation des normes alimentaires) et la mise en place d’un étiquetage des produits dérivés d’OGM.
A partir du 1er octobre 2008, le lait de la marque allemande Landliebe (elle-même propriété du groupe néerlandais Campina) sera étiqueté « non OGM » pour signaler l’absence d’utilisation de fourrage d’origine transgénique dans l’alimentation des vaches laitières [67]. Greenpeace se félicite de cette décision, et précise que "Campina est la première grande entreprise laitière européenne à adopter une politique « non OGM » ".
Plus encore, le fourrage sera exclusivement d’origine indigène, précisent les responsables de Landlibeb. En effet, selon un communiqué de Campina du 25 septembre 2008, "les éleveurs de Landliebe font pousser de l’herbe et d’autres cultures fourragères, comme le maïs, dans leurs propres exploitations. Le supplément en fourrage qu’ils achètent pour leurs vaches est maintenant composé exclusivement de cultures que l’on a toujours fait pousser traditionnellement en Allemagne. Ces fourrages et les matières brutes sur lesquelles ils se basent proviennent également d’Allemagne ou d’autres pays d’Europe. Landliebe est la première entreprise de produits laitiers allemande à donner à ses vaches un fourrage exclusivement régional".
Cette décision aura d’autant plus d’importance que Landliebe est très bien placée sur le marché du lait destiné aux écoles.
Le candidat du parti démocrate à l’élection présidentielle aux Etats-Unis, Barack Obama, a affiché sa position sur la modification génétique des plantes [68] : « les avancées dans les modifications génétiques des plantes ont apporté d’énormes bénéfices aux agriculteurs états-uniens ». Le candidat fait le choix d’introduire sa position par une affirmation pour le moins radicale aux vues des nombreuses demandes, non satisfaites, d’études socio-économiques des bénéfices et coûts des cultures GM. Sa position en elle-même est assez courte et claire : « Je crois que nous pouvons continuer à modifier les plantes en toute sécurité avec les nouvelles méthodes génétiques, encadrées par des analyses poussées des effets sur la santé et sur l’environnement et par une législation plus forte basée sur les meilleurs avis scientifiques disponibles ». Il est à souligner que Barack Obama a choisi parmi ses conseillers scientifiques Gilbert Ommen, un ancien directeur de Monsanto.