OGM, Science et dés-informations !

Le dossier des nouvelles techniques de modification génétique est sur la table de l’Union européenne depuis dix ans. Dans ce laps de temps, les promoteurs d’une dérèglementation des nouveaux OGM ont vanté, et vantent toujours, leurs innovations ou techniques comme relevant de la « bonne science  ». Mais, paradoxalement, cette même science contredit souvent ces assertions, tout comme peuvent les contredire certaines techniques utilisées par les entreprises elles-mêmes !

Le lobbying en faveur d’un relâchement (jusqu’à l’abandon ?) de l’encadrement réglementaire des nouveaux OGM se renforcera sans doute dans les mois et années à venir. Les mêmes arguments techniques, identiques parfois à ceux concernant les OGM transgéniques, vont être assénés aux instances politiques nationales, européennes et internationales. Mais qu’entendent donc les lobbies en clamant que les nouveaux OGM sont indifférenciables de ce que la Nature peut spontanément produire ? Les entreprises maîtrisent-elles effectivement les modifications génétiques de bout en bout ? Les OGM réglementés, transgéniques ou nouveaux, sont-ils eux-mêmes clairement et correctement décrits dans les dossiers de demande d’autorisation ? La détection de ces nouvelles modifications génétiques est-elle réellement impossible ?

Avec ce dossier, Inf’OGM revient sur la sincérité de certaines des informations et données fournies par certaines entreprises ou scientifiques, en commençant par la sémantique même. L’objectif n’est pas d’affirmer que rien n’est maîtrisé. Il vise simplement à remettre à niveau l’objectivité scientifique des promesses techniques distillées aux politiques. Rappel important : pour l’Organisation Mondiale du Commerce, les législations encadrant ces produits doivent s’appuyer sur... des bases scientifiques. Mais lesquelles ? Tous ne semblent pas d’accord…

Ce dossier a été coordonné par Eric Meunier, Annick Bossu et Hervé Le Meur, respectivement salarié et administrateurs d’Inf’OGM.

Les mots guident nos pensées et donc aussi nos actions. Dans le domaine des biotechnologies, il est essentiel de connaître les intentions non dites. Le langage des autres, accepté ou utilisé sans esprit critique, forge notre consentement. Entre tautologies, sophismes, arguments d’autorité... vous trouverez ci-dessous quelques cas de stratégies discursives, propagande rebaptisée « communication ».

Dans son document de position politique publié en septembre 2019, EuropaBio écrit que « l’édition du génome est une méthode de sélection récente qui permet des modifications génomiques précises sans insertion de gènes étrangers ». Mais des articles scientifiques relativisent cette « précision ». Surtout que certains mécanismes biologiques mis en jeu dans les protocoles de modification génétique ne sont pas compris scientifiquement !

Des taureaux modifiés avec de l’ADN en trop, des cellules cultivées in vitro ayant intégré de l’ADN de bactéries, de chèvres ou de bovins, un maïs OGM célèbre qui n’est pas vraiment celui qu’on escomptait… Voici quelques exemples illustrant que les entreprises ne maîtrisent pas les protocoles de modification génétique. À l’heure où les entreprises demandent aux politiques européens et internationaux la suppression des évaluations de risque et une confiance aveugle dans la qualité de leurs produits obtenus par les nouvelles techniques de modification génétique, ces exemples renvoient les expérimentateurs et législateurs à une nécessaire humilité.

Pour les promoteurs d’OGM, les effets non intentionnels liés à la mise en œuvre d’un protocole de modification génétique ont d’abord été niés. Ces mêmes promoteurs ont ensuite reconnu qu’ils étaient en fait communs à n’importe quelle activité de modification génétique. Certains politiques ont retenu qu’il n’y avait pas d’effets non intentionnels, confusion entretenue comme dans un récent avis du comité scientifique du HCB en juillet 2020 [1]. De tels effets sont pourtant réels et spécifiques, ouvrant notamment la voie à la traçabilité des nouveaux OGM.

Depuis plusieurs années, les entreprises argumentent que la traçabilité de certains nouveaux OGM serait impossible. Pourtant, les techniques de traçabilité existent déjà comme le prouvent leur normalisation en cours par des instances internationales dans d’autres domaines et leur utilisation en routine par les entreprises.

La législation ambitieuse sur les OGM adoptée en 1990 dans l’Union européenne est progressivement détricotée. Plusieurs décisions ont été prises à une époque où le dossier OGM était le dossier transgénique. Mais elles s’appliqueront bel et bien aux nouveaux OGM. Le monde politique a montré sa capacité à entendre et mettre en œuvre les arguments techniques erronés des entreprises.

À l’heure où la recherche en biologie (re)découvre l’aléatoire et l’importance des communications, des régulations et de la sélection naturelle entre cellules [2], c’est-à-dire la complexité des organismes, et où l’écologie et l’échelle de temps nécessaire à l’évolution demandent à être prise en compte, les promoteurs des biotechnologies restent sur une ligne paradoxale du tout génétique maîtrisable...