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Vigne OGM – Les Faucheurs condamnés à Nancy

Par Christophe NOISETTE

Publié le 12/06/2019

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Août 2010 : 60 Faucheurs volontaires détruisent une parcelle expérimentale de vignes génétiquement modifiées par transgenèse. Ils sont relaxés par la Cour d’appel de Colmar en mai 2014. Un an plus tard, ce jugement est annulé par la Cour de cassation, saisie par le ministère public [1]. Le 27 mars 2019, le procès repart donc devant la Cour d’appel de Nancy. Et comme on pouvait s’y attendre, le procureur demande la condamnation des Faucheurs. Le 6 juin 2019, la Cour d’appel de Nancy déclare les Faucheurs coupables mais les dispense de peine.

Interrogés par Inf’OGM, les Faucheurs volontaires nous précisent que le procureur de la République souhaite que la nullité de l’essai soit annulée. La nullité est la sanction de l’invalidité d’un acte juridique. Ici, il s’agit de l’invalidation de l’autorisation donnée par le gouvernement à l’Inra pour expérimenter quelques dizaines de porte-greffes transgéniques à Colmar. Ceci n’est pas surprenant puisque c’est l’État qui avait, via le ministère public, porté le procès devant la Cour de cassation.

Requalifier le délit en dégradation de bien d’autrui ?

Le Procureur demande donc que les Faucheurs volontaires soient condamnés à des peines d’amende, sans en avoir précisé le montant. Il a aussi demandé la requalification du chef d’accusation afin que les Faucheurs soient jugés pour « dégradation de bien d’autrui ». C’est surprenant. En effet, les Faucheurs étaient accusés de « destruction d’une parcelle de culture d’organismes génétiquement modifiés autorisée à la dissémination à toutes autres fins que la mise sur le marché ». Et il s’agit bien de cela : destruction d’une parcelle expérimentale de vigne transgénique, mise en place par l’Inra. Pourquoi alors demander la requalification du chef d’accusation ? Pour vider le contenu de l’action et ne s’intéresser qu’à la destruction et non au pourquoi de celle-ci ? Pour éviter qu’on parle d’OGM ?

Les avocats de la défense se sont donc opposés à la requalification qui n’était pas prévue. Ils ont, bien entendu, plaidé la relaxe et qu’il soit répondu aux demandes de la Cour de cassation afin que la nullité de l’essai soit confirmée. Cette dernière avait en effet cassé le jugement de la Cour d’appel au motif que la nullité n’était pas suffisamment étayée. Elle évoquait des lacunes scientifiques sur les risques liés aux recombinaisons virales mises en avant par les Faucheurs (cet essai visait à rendre les porte-greffes résistants au virus du court noué) et demandait la raison qui avait conduit la Cour à écarter l’avis du Haut Conseil des Biotechnologies [2].

Les Faucheurs avaient demandé que soient entendus, comme témoins, deux anciens salarié·es de Greenpeace : Arnaud Apoteker, depuis délégué général de Justice Pesticide [3] et Anaïs Fourest [4], ainsi que Patrick de Kochko, ancien salarié du Réseau Semences Paysannes, et Christian Vélot, biologiste et membre du Comité scientifique du Criigen.

Rien n’a changé depuis dix ans…

Ces procès ont été, une fois de plus, l’occasion pour les Faucheurs et les partisans d’une agriculture bio de rappeler que le virus du court noué n’est pas un problème en soi mais il peut le devenir pour les vignes « industrielles » : ce sont les sols compactés par de lourdes machines agricoles et traités par des herbicides qui empêchent la vie biologique de réguler le virus… Jean-Pierre Frick, vigneron alsacien et Faucheur prévenu, explique qu’ « au contraire, le court noué apporte un gain qualitatif » au vin, quand il est maîtrisé.

Pour Jean-Pierre Frick, ce nouveau procès est aussi une opportunité de parler de l’évolution du dossier OGM. Rien n’a changé depuis dix ans. Les questions restent. Et il évoque aussi d’autres techniques de manipulation génétique qui sont en cours sur la vigne, des techniques clairement identifiées par la Cour de justice de l’Union européenne comme « donnant des OGM à réguler » [5]. Il précise que des colzas et tournesols nouveaux OGM sont déjà dans les champs sans avoir été autorisés comme ils auraient dû l’être.

Le 6 juin 2019, la Cour d’Appel de Nancy a donc déclaré les Faucheurs volontaires coupables mais les a dispensés de peine.

Dans son jugement qu’Inf’OGM s’est procuré, la Cour considère que les éléments montrant un vice de forme dans l’autorisation de l’essai (et donc son illégalité) « n’ayant pas été soulevée devant les premiers juges […] est irrecevable ».

Les inculpés avaient en première instance simplement défendu l’illégalité de l’essai car « le dossier technique de l’Inra ne répondait pas aux exigences requises par […] le code de l’Environnement et […] la directive 2001/18/CE ». À quoi la Cour d’appel répond qu’ « il ne peut être sérieusement soutenu que le dossier de demande aurait méconnu les dispositions impératives de la directive […] et que la décision ministérielle du 10 mai 2010 serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation des risques inhérents à l’expérimentation ». À ce titre, la Cour refuse également l’argument des inculpés qui affirmaient que « l’action de fauchage était un acte nécessaire à la protection du patrimoine naturel, de la biodiversité et du vivant contre les dangers irréversibles liés à la dissémination d’OGM en plein champ ». Ainsi, la Cour « confirme le jugement du tribunal correctionnel de Colmar » et « constate que les peines prononcées par l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en date du 14 mai 2014 sont définitives ». La Cour précise enfin que « la présence décision est assujettie à un droit fixe de 169 euros dont est redevable chaque condamné [6] ».

[3Il est aussi administrateur d’Inf’OGM, mais ne témoignait pas dans ce procès à ce titre.

[4Elle est actuellement salariée des CIVAM (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture en milieu rural) et a été plusieurs années durant administratrice d’Inf’OGM. Elle ne témoignait pas non plus à ce procès à ces titres.

[6Si les condamnés s’acquittent de ce montant dans le mois, ce montant est diminué de 20%.

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